Par Hervé Nedelec
En attendant l’expression des urnes, le 9 juin prochain, c’est dans la rue que s’exprime une infime partie de l’opinion. Principalement de très jeunes cornaqués par de très vieux en politique, ceux de la France Insoumise qui ont choisi Gaza et plus largement la Palestine, réelle ou fantasmée, pour mener un combat européen. Le député des quartiers Nord de Marseille, Sébastien Delogu, a du coup déployé un drapeau palestinien pendant les questions d’actualité au gouvernement, ce qui lui a valu sanction immédiate du bureau de l’institution, quinze jours d’interdiction de siéger et son salaire mensuel divisé par deux. Une péripétie de plus pour ceux qui ont choisi le coup d’éclat permanent. Même si rien ne laisse présager un gain électoral pour LFI, Mélenchon persiste et signe visant sans se cacher outre mesure le vote des musulmans de France, particulièrement à Marseille où les extrêmes de droite et de gauche ont toujours fait de cette cible, une priorité.
Les autres composantes de gauche (Ecolos, PS, radicaux) n’ont aucune chance d’être entendues dans “le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas” prônés par le druide insoumis. Sur la Canebière ou sur l’avenue du Prado, on a compris le message et on a fait parler les bombes… de peinture, pour dénoncer celles qui pleuvent sur les Palestiniens. On revendique ainsi un pays débarrassé des juifs qui irait du Jourdain à la mer. Plus radical encore ces mots : « Israël, NTM ». On ne traduira pas ces trois lettres, quelques jours après la fête des mères, mais on rappellera à ces artistes anonymes que c’est au cœur qu’il frappe une communauté lorsqu’ils s’en prennent à celle par qui la judéité est transmise. Accessoirement, on leur conseillera de relire Albert Camus qui répondant à l’interpellation d’un étudiant Algérien après avoir reçu le Prix Nobel de Littérature, avait répondu qu’entre la terrible injustice des attentats, qui ensanglantaient l’Algérie au nom d’une cause juste, et sa mère, il avait choisi cette dernière. Sa phrase n’avait pas été comprise alors et les deux camps l’avaient condamné et meurtri. Pourtant cette intolérance bombardée sur nos trottoirs et nos rues n’est pas anodine, car pour reprendre une antienne camusienne, elle peut nourrir une autre haine, la peste, qui guette encore et toujours notre société si fragile.
Que fait du coup, à Marseille particulièrement, ce qui reste de démocrates. Rien ou quasiment. La municipalité a certes fait le noir du deuil, en plongeant la mairie dans l’ombre, le temps d’une courte nuit pour dénoncer les morts innocents de Gaza. Les socialistes soutiennent leur porte-drapeau européen, Raphaël Glucksmann avec l’énergie d’un maigre espoir, celui d’une recomposition moins soumise à LFI. Les communistes ont quasiment disparu du paysage local, leur traditionnelle courroie de transmission avec la CGT étant plus distendue que jamais. Les radicaux de gauche n’ont plus de locaux disponibles depuis que les cabines téléphoniques ont disparu. Les écologistes émiettés s’introspectent pour savoir qui de Voltaire ou de Rousseau (Sandrine) les a foutus par terre.
La droite n’est pas en reste dans ce maelström mortifère. Renaud Muselier et Martine Vassal ont rejoint la Macronie avec l’encombrante Sabrina Agresti-Roubache sur leur porte-bagage. Mais regarder dans la même direction ne fait pas forcément une destination. Laure-Agnès Caradec a pris les rênes des Républicains sans avoir vérifié s’il y avait des chevaux pour la tracter. Il y a ceux qui se font plus discrets au Sénat, à l’Assemblée, à la Mairie, la Région, le Conseil Départemental, en attendant que l’horizon se dégage si tant est qu’ils en aient un. « Morne plaine » comme l’écrivait Victor Hugo en décrivant Waterloo. Reste le meilleur pour la fin à moins que ce ne soit pour la faim. Stéphane Ravier, sénateur Reconquête (Zemmour et Maréchal) a été condamné cette semaine pour avoir tenté de favoriser son rejeton en s’adressant pour un emploi à la municipalité de Jean-Claude Gaudin. Deux contrats d’employé municipal, lit-on, avaient même été signés par l’ancien maire au fils de Ravier. La justice a condamné le parlementaire. Ce même élu qui demandait au gouvernement de s’excuser pour avoir permis la « submersion migratoire » et des supposés passe-droits aux immigrés. On n’est jamais aussi bien desservi que par soi-même.
On donnera, au bout de ce mécompte, un bon point à Benoît Payan qui vient de renommer l’école de La Blancarde, Olympe de Gouges. Cette femme libre qui finit par être guillotinée, est considérée comme une des premières féministes. A ceux qui la condamnèrent elle lâcha ces paroles : « Français, voici mes dernières paroles, écoutez-moi dans cet écrit, et descendez dans les fonds de votre cœur : y reconnaissez-vous les vertus sévères et le désintéressement des républicains ? Répondez : qui de vous ou de moi chérit et sert le mieux la patrie ? Vous êtes presque tous de mauvaise foi. Vous ne voulez ni la liberté ni la parfaite égalité. L’ambition vous dévore ; et ce vautour vous ronge et vous déchire sans relâche, vous porte au comble de tous les excès. » Toujours d’actualité ces paroles.