Lors d’une table de ronde consacrée au développement du cyclotourisme dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous avons reçu trois représentantes du secteur : Elodie Pellet, chargée de mission vélotourisme et randonnée Vaucluse Provence Attractivité, Sabrina Grassi, co-fondatrice de Soft Mobility Company, et Stéphanie Rissel, directrice du département croisières des Voyages C.Mathez Marseille. Elles étaient accompagnées par deux élus du département des Bouches-du-Rhône :Didier Réault, le président du Parc national des Calanques et Danielle Milon, la présidente de Provence Tourisme et maire de Cassis.
Élaborer des parcours spécialisés
Tous les intervenants s’accordent à dire que le développement du tourisme à vélo doit passer par l’élaboration d’itinéraires sécurisés et fiables. C’est une base. Mais notre conférence est allée plus loin dans la réflexion. Vaucluse Provence Attractivité revendique la création de « parcours personnalisés » imaginés en fonction des attentes et du niveaux sportifs des utilisateurs. « On ne peut pas proposer les mêmes itinéraires selon le profil des cyclistes. Dans notre région, nous avons beaucoup de voyageurs sportifs. Il faut leur proposer des parcours à leur niveau, tout comme nous devons nous adapter aux cyclistes non-initiés ou qui voyagent en famille avec des enfants », assure Elodie Pellet.
C’est ce maillage qui permet d’attirer plus de touristes chaque année. A Marseille, plusieurs agences de voyages proposent de nombreux itinéraires via des cartes et des récits sous forme de textes, comme Provence Tourisme. Mais pour Sabrina Grassi, il faut aller plus loin dans l’expérience. « Lire des parcours écrits sur un site n’est pas une proposition optimale pour les touristes qui sont sur un vélo. Ils doivent s’arrêter, lire, chercher l’itinéraires, se mettre potentiellement en difficulté. Ils ont besoin d’être guidés par l’ouïe… et vivre une expérience originale », explique l’ancienne diplomate culturelle en Chine et commissaire de musée, reconvertie dans l’entrepreneuriat.
Spécialisée dans la location de vélos, sa start-up Soft mobility company développe l’application « Bike Explo » commercialisée aux loueurs de cycles comme Dott. Ce concept propose des parcours uniques à vélo sous forme de « bibliothèques de podcast » que chacun peut filtrer en fonction de ses envies, de son niveau, et sa localisation. « Nous avons ajouté la brique technologique Traces GPX car la sécurité est un des facteurs les plus importants pour les touristes à vélo », ajoute Sabrina Grassi.
Valoriser le patrimoine culturel et naturel
La contrainte de la sécurité, Stéphanie Rissel y est confrontée pour organiser les excusions, en particulier avec ses clients américains. Mais les paysages très hétéroclites, entre mer et montagnes, participent pleinement au développement du vélotourisme, et l’envie des touristes dans la région est croissante. L’experte observe un attrait tout particulier pour le vélo depuis 2013, date où Marseille a été nommée Capitale européenne de la Culture. « Avant, je ne proposais uniquement des excusions dans les autres villes, à La Ciotat, Cassis ou à une heure de Marseille dans les Alpilles… », admet-t-elle.
La professionnelle évoque une tendance autre ces dernières années : les voyages gourmets. « Les touristes veulent découvrir nos bonnes tables et notre richesse gastronomique ». Un avantage dont se saisit la présidente de Provence Tourisme, Danielle Milon, pour proposer une vingtaine de dîners insolites depuis 2022 dans le cadre de « Marseille Provence Gastronomie » (MPG).
Favoriser l’accès des points d’intérêts
Les touristes recherchent aussi la nature, le calme et le défi sportif. Beaucoup d’entre eux se rendent jusqu’au Parc national des Calanques en vélo. « Mais il y a eu beaucoup de débordements, des vélos laissés à l’abandon, des kayaks aussi… Ces dérives nous ont conduit à protéger la biodiversité », rappelle Didier Réault.
Peut-on réellement favoriser l’accès à la nature tout en la protégeant ? Ce paradoxe se pose particulièrement pour le président qui déploie une stratégie de quota pour limiter la sur-fréquentation des calanques. L’année dernière, un système de réservation en ligne a été mis en place pour limiter l’accès à la calanque de Sugiton à 400 visiteurs par jour. « Avec le recul, cette mesure a eu du succès. Les gens nous ont dit « enfin, on retrouve nos Calanques ! », se félicite l’élu.
Pourtant, Didier Réault est conscient du « travail à faire » pour intégrer les calanques dans un schéma plus global de vélo et, de fait, favoriser l’accueil à l’entrée du parc. L’élu annonce le lancement d’une expérimentation pour mettre en places des arceaux d’ici 2024. « C’est comme ça que l’on travaille. On analyse et on duplique si ça marche », glisse-t-il.
Travailler sur l’intermodalité du vélotourisme
Dans cette même problématique, les voies vertes doivent être raccordées aux gares. « Il y a encore du travail à faire sur l’intermodalité à Marseille », concèdent les différents participants. L’aménagement des berges de l’Huveaune, une voie verte de 20 km entre Marseille et Aubagne, doit échapper à ce constat. « Il faut travailler sur les liens avec les différentes gares à proximité de la voie, la Gare de la Pomme, de St Marcel, de la Barasse… », précise l’élu à la mairie du 9 et 10e arrondissement de Marseille.
De son côté, Stéphanie Rissel, explique le manque d’intermodalité à partir de la porte 4 du port de Marseille, le quai des bateaux de croisières. « On doit emmener les touristes en bus jusqu’au Mucem pour qu’ils récupèrent leurs vélos. Ça serait bien de construire un parking à vélo sur le quai pour fluidifier le parcours, espère la professionnelle, mais comme il y a beaucoup de camions et de logistique, c’est très compliqué à mettre en place… »
Des itinéraires « plus esthétiques et plus vert »
L’architecte Yvan Pluwska, assis dans le public, intervient pour présenter son projet de piste cyclable pour développer l’intermodalité au niveau du port. Sa piste, dessinée dans le cadre des Rencontres du vélo et des mobilités douces pour recoudre le Nord et le Sud de la ville, permettrait de réemprunter la digue du large à vélo, comme l’avait permis la ville de Marseille en 2013 pour les piétons. L’architecte explique cette tendance à la « redécouverte » du paysage et encourage la réappropriation de l’espace urbain par les habitants et les cyclistes.
Elodie Pellet réagit à cette proposition. Pour elle, les itinéraires doivent également être « plus esthétiques avec plus de végétation, des tracés agréables et confortables pour circuler. » Elle échange sa carte de visite avec Yvan Pluskwa en fin de conférence et lui glisse : « J’aimerais faire appel à des architectes sur le Vaucluse pour repenser certains sentiers et encore améliorer l’expérience client. »
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