Les anecdotes ne font pas l’Histoire, mais elles lui donnent parfois des couleurs. Sur les deux grandes chaînes rivales, ce dimanche d’élection Européenne – TF1 et France 2 – se succédaient les acteurs de la vie politique et quelques observateurs engagés. Le Rassemblement national était bien évidemment sans conteste le grand vainqueur de la soirée. Mais, on ne sait si c’est par anticipation, deux de ses représentants, le Marseillais Gilbert Collard et le maire de Beaucaire, Julien Sanchez, ont cru qu’ils avaient déjà les pleins pouvoir pour régner sans partage sur les débats. Le second a donc quitté le plateau d’Anne-Sophie Lapix et de Laurent Delahousse quand le premier s’en prenait violemment devant Gilles Bouleau et Anne-Claire Coudray tétanisés, à Daniel Cohn Bendit. Deuxième saynète moins drôle le député de Marseille, Jean-Luc Mélenchon, avec à ses côtés la jeune Manon Aubry, entamant un requiem avec l’expérience mortifère qu’on lui connait. Derrière eux une banderole à bout de souffle, en partie effondrée, ne laissait entrevoir qu’un mot « soumise ». Troisième et dernière image – on devrait plutôt écrire « son » – celle du patron de La Provence, Bernard Tapie, plus amaigri que jamais par l’épreuve qu’il traverse et ne disposant pour s’exprimer que d’un pathétique filet de voix. On ne l’entendit pas. Ou si peu.
[pullquote]Ce dimanche a été une Bérézina pour les Républicains[/pullquote] Comme on n’a pas entendu pendant cette élection les arguments qui plaident en faveur d’une Europe forte. Seul le député sortant Renaud Muselier a su rappeler avec courage ces dernières semaines ce que la région et Marseille avaient reçu de l’Europe. Ce dimanche a été une Bérézina pour les Républicains. Ils ont pourtant martelé avec une mauvaise foi assumée que c’est Emmanuel Macron qui avait transformé ce scrutin en duel entre lui et Marine Le Pen. C’est oublier un peu vite qu’ils ont été nombreux, dans ce camp-là, à se précipiter sur les ronds-points pour attiser la révolte des Gilets Jaunes. Comme c’est avoir la mémoire défaillante sur la relation ambigüe de LR avec le Rassemblement National, Jean-Claude Gaudin ayant été en son temps un des premiers à faire alliance pour conquérir la Région, avec l’extrême-droite. Il faudra bien que cette droite républicaine fasse à Marseille et le département un constat : le RN s’est durablement enkysté y compris lorsque dans une ville comme Vitrolles par exemple sa gestion municipale s’est traduite par une violente sortie de route.
Gaston Defferre, avant que ne s’impose en 1983, l’union de la gauche, a toujours pensé que Marseille ou Aix devaient se gouverner au centre. Pour l’avoir oublié la gauche a été durablement exclue de cette gouvernance et pour ne pas y prendre garde la droite pourrait buter en 2020 sur la réalité têtue des urnes. Dans une ville et un département frappés par la pollution, accablés par le chômage et affaiblis par une immigration désordonnée, le Rassemblement National va prospérer sur un principe simple : il pose les questions que beaucoup évoquent aux comptoirs de l’inimitié, sans se préoccuper des réponses improbables qu’il suggère. A enfourcher ce baudet-là, les démocrates seront perdants.
[pullquote]La gauche enfin se retrouve KO debout[/pulquote] La République en Marche n’est pas beaucoup mieux lotie après cette nouvelle confrontation brutale. Sa base est plus présente sur les réseaux sociaux que sur le terrain et c’est une faiblesse insigne dans une région où les échanges politiques sont d’abord tactiles. On dit les députés de LREM élèves assidus et méritants à l’Assemblée ce qui peut être sympathique, sans amener quelque empathie que ce soit. Il faudra rapidement des visages pour incarner les projets que l’on attend pour les municipales. La notoriété ne se décrète pas, elle se conquiert. La gauche enfin se retrouve KO debout, cherchant dans son Histoire des raisons de ne pas désespérer. Certains en appelleront aux mannes de Carpita, Izzo ou plus récemment disparu Carrese, pour exhumer quelques mythologies dans lesquelles se sont si longtemps reconnus les peuples de ces rives et collines. La nostalgie n’arrivera pas à masquer la réalité. Ce dimanche d’élection des voix se sont rassemblées pour exalter un sentiment national et effacer l’Europe. Ce tocsin là devrait retentir chez les hommes et les femmes de bonne volonté.