Pas de table rase pour le passé
Ces dernières élections auront eu, parmi tant d’autres, une singularité: l’Internationale, hymne fétiche de l’extrême-gauche et d’une partie de la gauche, ne fut pas la bienvenue dans les meetings et réunions publiques. « Du passé faisons table rase » n’y a pas été entendu. Il est parfois nécessaire du reste de ne pas gommer le passé. Comme par exemple ces Marseillais qui s’évertuent à vouloir sauver les vestiges de la Corderie. Des travaux immobiliers ont mis au jour les traces d’une présence grecque datant de 500 ans avant Jésus-Christ. Un historien Jean-Noël Bévérini et le comité d’intérêt de quartier Saint Victor, Corderie, Téllène, se sont mobilisés pour sauver ce qui fut une ancienne carrière. Ils proposent de préserver ce lieu de mémoire collective et de substituer au programme immobilier envisagé une « coulée verte » qui oxygènerait ce périmètre minéral où quelques arbres font encore de la résistance. Seront-ils entendus ? Rien n’est moins sûr. L’expression « beau comme l’antique » n’a jamais eu droit de cité à Marseille. Il a fallu un miracle pour que le jardin des vestiges au pied du Centre Bourse soit sauvé au moins sur 10 000 M2 puisque 20 000 ont été engloutis sous le béton. Il y avait pourtant là la trace du port grec, soit les racines historiques de la cité. On va prier Zeus et les dieux de l’Olympe pour que les princes qui nous dirigent entendent enfin la voix de la raison.
Laissez-vous impressionner
Soixante œuvres d’Alfred Sisley sont visibles jusqu’au 15 octobre prochain dans le magnifique hôtel de Caumont à Aix. S’il est un artiste qui est resté pendant toute sa vie (1839-1899) aux principes fondateurs du mouvement impressionniste, c’est bien lui. Cette première exposition monographique, rendue possible grâce aux prêts du Metropolitan Museum of Art de New-York, de la National Gallery de Washington, du Cincinnati Art Museum, des Tate Gallery et National Gallery de Londres et enfin des Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, est salutaire. Elle démontre si besoin en était combien ce mouvement a révolutionné durablement l’art pictural. Il a donné vie à la mobilité des sujets, bouleversé la manière d’appréhender la lumière, fait du fugitif une éternité. Il faut savoir s’attarder en particulier devant le travail de Sisley pour mesurer comment un paysage est livré dans sa complexité, des formes immobiles aux instants les plus éphémères. Au pays de Cézanne cette exposition Sisley rappelle aussi opportunément l’influence de ce peintre sur ses contemporains. On se prend à rêver, en admirant une fois de plus la prouesse réalisée à Caumont, d’un lieu en Provence qui réunirait les impressionnistes comme leurs disciples. Marseille où ils furent si nombreux à poser leur chevalet à l’Estaque pourrait être leur capitale.
Ça roule malgré tout
Minoritaires pour l’heure, ils apparaissent peu à peu au fil des trottoirs et des artères qui le permettent. Ils pratiquent la mono-roue, le gyropode ou la trottinette. Propulsés par une énergie électrique réputée propre. Ils sont favorisés à Marseille par des conditions météorologiques très favorables aux activités de plein air. Certes, il manque des pistes dédiées même si les élus les développent plus dans leurs discours que dans la réalité. Il n’empêche qu’ils ont tous un gros problème à résoudre dans cette ville : l’impérialisme des automobilistes voire des pilotes de deux roues. Ce samedi, les cyclistes ont manifesté en France pour qu’on les respecte enfin. Il y a 150 tués chaque année en raison de l’indifférence qu’on leur réserve. A Marseille plus qu’ailleurs. C’est sans doute une des rares villes où les piétons se confondent en remerciements lorsqu’on leur cède le passage, alors qu’on ne fait que respecter leur priorité. Comme la cité a le triste privilège d’être une des plus polluées aux hydrocarbures du pays, il serait peut-être grand temps d’avoir de la considération pour ceux qui ne nous « emboucanent » pas et avancent au final aussi vite que les autres. A moins que le mot bourrin ne soit définitivement celui qui caractérise le mieux l’automobiliste marseillais.
Que le spectacle continue
La Ciotat avait son théâtre du Golfe. Elle aura dans quelques mois celui de la Chaudronnerie. Un nom porteur de beaucoup de sens dans une ville qui a si longtemps prospéré autour de son chantier naval. La Chaudronnerie aura une capacité de 500 places et on prévoit une programmation d’artistes de renommée nationale ou internationale. C’est une bonne chose qui complète l’offre d’Aubagne, d’Aix, d’Istres, sans oublier Marseille. Certains vont dire que le pari est risqué. Ils ont tort. Il est bien que chaque ville entretienne sa singularité culturelle. Le couple Mégret qui a sinistré un temps la ville de Vitrolles a fait la démonstration que la culture est trop fragile pour se laisser imposer des diktats ou des normes. Faisant la guerre à la créativité, ils ont ruiné l’avenir du Stadium que l’on devait à l’architecte Rudy Riccioti et condamné ce lieu aussi fédérateur qu’oxygénant pour l’esprit en une coquille vide et toujours abandonnée. A La Ciotat, il y a plus de cent ans, les frères Lumière ont immortalisé un train entrant en gare. A la Chaudronnerie on attend une vie culturelle fonçant à toute vapeur.
Voir Arles en photos
La fondation Luma, de Maja Hoffmann, n’a pas fini de nous surprendre. Jusqu’au 24 septembre elle nous donne à voir 8 000 photos de l’immense Annie Leibovitz. Des œuvres conçues entre 1968 et 1983 soit l’époque la plus innovante et subversive de la fin du XXème siècle. L’artiste revient à Arles sur le succès qui fut alors le sien. Elle fut un témoin privilégié des mouvements culturels de ces années telluriques, figeant notamment sur le papier glacé des portraits des rock stars au sommet ou à leurs débuts. De belles gueules toujours. Avec la célébrissime photo de John Lennon, recroquevillé nu, tel un fœtus, sur le ventre d’une Yoko Onno toute vêtue de noir et d’une raideur mortifère. Prémonition peut-être. Ecrire aujourd’hui qu’Arles est la capitale mondiale de la photographie est – c’est le cas de le dire – un cliché. Au cœur des anciens ateliers SNCF où les travaux de la fondation Luma s’achèvent (photo une), il faut aller se perdre. La beauté des expos vous aiguillera.
Inspection générale
S’il est une problématique, sur laquelle nos édiles doivent se pencher avant les prochaines élections municipales, c’est celle de la signalisation des rues et autres artères. Dire qu’on est perdu serait un généreux euphémisme puisqu’on ne s’y retrouve jamais. Entre les panneaux tagués, mal placés, illisibles, trop nombreux et la difficulté consubstantielle à Marseille pour rejoindre les grands axes qui permettent d’accéder ou de quitter la ville, c’est un calvaire pour les utilisateurs occasionnels ou les touristes. A l’exception notable au centre d’un magnifique panneau électronique situé boulevard Salvator entre préfecture et cours Lieutaud. Efficace et, osons le mot, beau. Il en faudrait autant, à l’identique, à tous les carrefours stratégiques de la ville. C’est simple on est tombé dans le panneau et du coup on a ralenti. Miracle urbain.