Mélenchon, met l’accent sur ses faiblesses
Si Jean-Luc Mélenchon était plus présent à Marseille, il pourrait utilement passer rue Four du Chapitre, sur les rives du Panier, où il verrait une belle œuvre de graf. On y voit King Kong chevauchant Notre Dame de la Garde et en premier plan, un Marseillais qui s’exclame « Oh putaing Kong ». Voilà une belle et drôle de manière de célébrer l’accent du sud. Le problème c’est que le leader des Insoumis se prend pour le mistral mais à défaut de dépolluer l’atmosphère, il pollue le débat politique de ses gesticulations. Désormais le député de Marseille, ou plus exactement le député qui a été élu à Marseille, va de provocation en pétage de plombs, sous l’œil attendri de son psy préféré, Gérard Miller, animateur de la seule télévision qu’il tolère puisqu’elle lui est soumise. Tout cela se passe en direct sur les réseaux sociaux que Mélenchon nourrit de ses propres mises en scène ou sur les chaînes d’information continue, jamais rassasiées de nouvelles en « temps réel ». Ainsi va le siècle où à défaut d’échanges féconds, il faut se contenter des vociférations postillonnées d’un amateur de quinoa aux yeux aussi exorbités qu’un végétarien voyant arriver à table une côte de bœuf. Méluche, comme l’appellent les amateurs de poisson, s’est ainsi moqué de l’accent du sud (de Toulouse en fait) de Véronique Gaurel, une journaliste de France 3 qui l’interpellait sur son indignation à géométrie variable après le sort que lui avait réservé la justice. Il avait cependant applaudi les mêmes faits quand ils visaient Sarkozy, Fillon, ou Le Pen. Mélenchon avait, il est vrai, justifié par avance ses outrances : « Je suis le bruit la fureur, et le fracas » lançait-il y a quelques mois, empruntant à William Shakespeare. Il aurait pu s’inspirer de Patrick Bosso pour fustiger la question joliment chantante de notre consœur. Au moins il aurait été drôle. Dans ces heures ébouriffantes, il a aussi hurlé à la police que sa personne était « sacrée ». Il a dû lire Louis Pauwels qui affirmait que seul « le droit de se tromper, d’être stupide ou fou devrait être sacré. »
Une étoile est morte
Dans sa dernière chronique (Challenges) Ghislaine Ottenheimer parle du Parti Socialiste comme d’un astre mort. Dans les Bouches-du-Rhône plus qu’ailleurs l’image est vérifiable, sans longue vue. D’Aix à Marseille, en passant par quelques lambeaux de section, ce qui fut la voie lactée du socialisme dans le Sud, est réduit à un vaste cimetière intersidéral où quelques satellites tentent d’émettre ici et là des signaux dérisoires. Le charisme d’Olivier Faure, Premier secrétaire, étant égal à celui d’un Pierre Laurent pour le Parti communiste français, les fédérations agonisent dans l’indifférence générale avec, si besoin en était, quelques lasers meurtriers qui tirent sur ce qui bouge encore. On rejoint ainsi l’attelage Mairie-Noëlle Lienemann-Emmanuel Maubert tentés comme Benoit Hamon d’exister sur le strapontin que leur tend sous condition Jean-Luc Mélenchon pour créer un improbable rassemblement. Il faut saluer dans ce foutoir sidérant la constance d’un Benoit Payan qui s’évertue à Marseille de faire entendre sa différence au cœur d’une droite repue et indifférente à ses critiques souvent fondées. Les échéances qui arrivent, à commencer par les Européennes, ne devraient pas changer cette sombre donne. Le PS a définitivement sombré dans un trou noir. Les scientifiques donnent de ce dernier cette définition : « Les trous noirs stellaires se forment à l’occasion de l’effondrement gravitationnel de certaines étoiles massives. » Ne reste plus, aux élus roses du 13, que le web – la toile planétaire – pour exprimer leurs idées noires ou leur rancœur.
Où est la marche avant ?
On connait la plaisanterie : « Quand j’entends qu’un philosophe s’est penché sur la réalité je me demande, mais où donc était-il perché ? ». C’est un peu ce qui arrive à La République en Marche après le départ pour le ministère chronophage de l’Intérieur de son leader Christophe Castaner. Dans les Bouches-du-Rhône LREM détient 9 circonscriptions sur 16. Ce qui ne se voit ni ne s’entend, tant à l’exception de deux ou trois cas, ses députés sont relégués au plan national par Jean-Luc Mélenchon (Les Insoumis) ou Valérie Boyer (Les Républicains), jouant à plein temps leurs rôles d’interpellant, et au plan local par les Guy Teissier, Eric Diard et autres Bernard Deflesselles, cultivant avec système leur enracinement dans le terroir. On ne doute pas un instant à écouter quelques-uns de leurs porte-paroles que ces parlementaires apparus avec la Macronie font leur part de travail législatif mais force est de constater qu’ils n’occupent pas l’espace dans leur terre d’origine. Faut-il pour autant qu’ils se résolvent à flatter le cul des vaches à la manière d’un Chirac en Corrèze ou à pratiquer la langue de Pagnol comme le fit en son temps un Defferre évoquant à la TV un « tafanari grand comme la porte d’Aix’ » ? Sans doute que les choses ont changé et qu’Internet a ringardisé les serrages de mains ou le cirage des pompes qui allaient en retour. Pour autant, et Macron l’avait assimilé pendant sa campagne, la politique est d’abord tactile dans le midi et lorsqu’on oublie de caresser le bon peuple dans le sens du poil il a tendance à vous faire une coupe au carré.
Peut tellement mieux faire
La L2 a enfin une existence après avoir été, 80 ans durant, une utopie, un rêve puis un cauchemar. On attend une bouffée d’air frais pour la ville d’autant que l’autoroute intérieure sera surveillée, pendant un an, pour vérifier qu’elle ne pollue pas les quartiers qu’elle traverse. Du côté de la Corniche Kennedy on vient d’entamer d’importants travaux pour consolider cette quatre voies et ses pilotis. On se dit que tout cela va dans le bon sens et que Marseille rejoint enfin la queue du peloton des villes qui ont décidé que la voiture ne ferait plus sa loi intra-muros. On peut regretter cependant que les autorités n’aient pas saisi cet événement historique pour frapper un grand coup et mettre au pas tout ce qui peut l’être. Un magazine rapportait récemment que c’était difficile d’appliquer comme dans d’autres cités une limitation à 30 kilomètres heure au centre, car les sudistes ont un rapport très passionnel à leur voiture. Comme il parait peu envisageable d’instaurer un péage, comme l’ont fait plusieurs mégapoles européennes, pour pénétrer dans la ville, avec des résultats probants en terme de pollution. Les statistiques confirment cependant que la métropole marseillaise frôle des records pour la possession de 4×4 tout en étant, paradoxalement, le périmètre où le taux de pauvreté est record. Marseille doit ainsi accélérer son développement ; mais en même temps freiner l’invasion automobile pour assainir son air. Pas simple ! Et elle n’a pas 80 ans pour y parvenir si elle veut éviter la catastrophe.
Les priorités vitales
La Fondation de France vient de récompenser à Paris le travail de Jeanne Bouvier, en faveur de la scolarisation des enfants roms, à Marseille. Cette suffragette de l’égalité scolaire a permis de faire emprunter le chemin des écoliers à 200 enfants, issus d’une communauté en grande souffrance, quoi qu’en disent la rumeur ou les préjugés. Ce coup de projecteur doit nous inciter à répandre une idée simple : l’école sera ou ne sera pas l’outil d’émancipation d’une très large partie de la population marseillaise, marginalisée par la pauvreté ou l’exclusion culturelle. On peut, dans une spéculation à courte vue, considérer que ces populations ne votent pas et que les électeurs qui constituent les majorités, leur sont majoritairement utiles. Mais le rôle des politiques est justement de se projeter et de dépasser les idées reçues. Le romancier et essayiste André Maurois, résumait bien la mission que devrait induire le suffrage universel : « L’action politique doit être la sage-femme qui aide la société à mettre au monde le meilleur avenir possible. Son rôle est de sauver la mère et l’enfant ». On attend que se lève à Marseille celle ou celui qui dira que la lumière du savoir doit éclairer chaque quartier comme dans les pires tempêtes le phare dit la route aux marins.
Grande et petite lumières de l’art
A partir du 1er novembre Aix-en-Provence aura un petit air niçois. Le centre d’art fiché au cœur de l’Hôtel de Caumont nous proposera une évocation avec force œuvres de Marc Chagall (1) et plus exactement la période de l’après-guerre. Le commissariat de l’exposition a été confié à Ambre Gauthier, Docteure en Histoire de l’art, chargée de recherches au Comité Chagall à Paris et à Meret Meyer, vice-présidente du Comité Marc Chagall à Paris. Ce juif biélorusse a éclairé le siècle passé autant qu’un Picasso et depuis son refuge de Saint-Paul de Vence il a délivré jusqu’à sa mort un message singulier où l’art se confondait en une alchimie joyeuse avec la spiritualité. Ceux qui ont eu le bonheur d’admirer sa fresque ornant le plafond de l’opéra Garnier savent à quelles altitudes artistiques il se situait. Il faudra aller à Aix sur ce toit du monde de la peinture. Plus modeste mais aussi touchant ce portrait découvert un matin sur le rideau d’un magasin de Vauban. L’artiste Franck Conte a immortalisé là un samouraï. Singulièrement sous son armure on distingue des chaussures de sport. C’est ainsi que le Japonais de l’OM (Hiroki Sakaï) devint une icône. Sans tambour ni trompette. L’art est partout (Photo).
1 : Chagall du noir et blanc à la couleur. 1er Novembre 2018 – 24 mars 2019