Ouf on respire… ou presque
Paroles de chauffeur de taxi : « C’est la pluie et deux rencontres internationales à Chanot qui ont provoqué le bordel dans Marseille cette dernière semaine… ». On aimerait croire le brave homme mais il faut ajouter à son information que la multiplication des travaux, petits ou grands programmés sans coordination, l’absence chronique de communication en temps réel sur la circulation, l’impéritie des gouvernances qui se sont succédées depuis l’avènement du tout automobile individuel, l’incroyable faiblesse des réseaux de transports publics, l’absence quasi-totale de politique en matière de pistes cyclables, le scandaleux chantier de la L2, font que Marseille et plus largement la métropole ont pris un retard colossal en la matière. On apprend par ailleurs que la ville à l’instar de quatorze autres cités s’est engagée auprès du ministère de la Transition écologique et solidaire à créer d’ici 2020 une zone à faible émission. En clair à limiter les véhicules en centre-ville. On hésite à la croire tant la situation s’est dégradée et si les Marseillais les plus inconscients en doutaient encore, ils n’auraient qu’à se plonger dans le trafic à partir de 17h sur les autoroutes qui rallient le centre en venant du nord ou de l’ouest. Coincés sous la tour Saadé (photo) ils pourront observer la conjugaison des pollutions des milliers de véhicules piégés et des navires à quai ou quittant le port. Aujourd’hui plus personne ne peut prétendre ignorer que la santé publique est en jeu même si les corbillards font moins de bruit que les ambulances.
La plus belle du monde
Martine Vassal tenterait-elle de concurrencer la bonne mère alors que Jean-Claude Gaudin égrène toujours son chapelet en priant que le pape François veuille bien lui rendre visite avant la fin de son mandat ? On ne sait mais tous les deux sont convaincus qu’un miracle est toujours possible pour leur ville. Mme Vassal a ainsi confié au micro de Sud Radio qu’elle voulait faire de Marseille la plus belle ville du monde. Le cœur a ses raisons… on connait la suite évoquée par Pascal dans ses Pensées. Mais sans vouloir tuer l’ambiance on promet un long chemin de croix à la présidente du Département et de la Métropole pour passer de l’incantation à la réalité. Longtemps les maires se sont accordés quelle que soit leur orientation politique pour jurer par tous les Dieux de l’Olympe que leur ville était caricaturée, méprisée, humiliée. Defferre, Vigouroux, Gaudin ont chanté tour à tour le même cantique. Aujourd’hui Mme Vassal qui n’est pas encore maire assure que nous irons tous au paradis puisque Marseille est bénie des Dieux. On comprend pourquoi son mentor Jean-Claude Gaudin insiste pour que le pape vienne sur le Vieux-Port d’ici la fin de son mandat.
La complexité qu’on vous dit
Deux ans avant de prendre la succession de Jean-Claude Mailly, Pascal Pavageau et ses sbires se constituaient un fichier éminemment illégal pour repérer les éventuels empêcheurs de prendre la pouvoir à Force Ouvrière. Pavageau s’est défendu mollement en expliquant que le document déniché par le Canard Enchaîné n’avait que peu de valeur, qu’il était officieux et qu’en résumé il s’agissait de l’insigne maladresse de quelques proches collaborateurs. On pouvait lire – sans surprise – dans ce travail de basse police que l’union départementale des Bouches-du-Rhône était « complexe » et qu’on ne savait pas « tout ce qui s’y passe ». Pourtant Pavageau lors de sa rentrée « politique », à Marseille justement, s’était enthousiasmé début septembre pour ces militants provençaux qu’il décrivait comme les Gaulois du village insoumis d’Astérix. Il y avait donc quelque chose de trouble dans la potion magique qui donnait alors du muscle à la parole du syndicaliste. Autant dire que l’on ricane dans les autres centrales syndicales depuis les révélations du Canard même s’ils sont peu nombreux, là encore, à pouvoir donner des leçons de transparence. Il ne reste plus à Pavageau qu’à relire l’histoire de son syndicat créé à l’issue de la dernière guerre mondiale avec l’aide à peine secrète de la CIA. C’est peut-être dans cette ADN là qu’il faut trouver l’origine des turpitudes qui embarrassent tant aujourd’hui le leader syndical. Pour la complexité de son union départementale du 13 il faudra, par contre, qu’il se munisse d’un bon équipement de plongée. L’eau trouble du port est difficile à sonder.
La CGT plénélienne
« Le militant n’est pas celui qui ne voit pas. Il voit les choses mais il les fait passer après la cause ». La phrase est d’Edwy Plenel et c’est Laurent Huberson qui la rapporte dans l’excellent livre qu’il a consacré au patron de Mediapart (Plon). Elle peut laisser sceptique un journaliste mais elle n’étonnera pas ceux qui suivent depuis longtemps le parcours de celui qui est passé du trotskysme le plus radical au plénélisme le plus exacerbé. Ainsi va l’information bousculée par la vitesse que craignait tant Albert Camus – « on veut informer vite, au lieu d’informer bien, la vérité n’y gagne pas » – et les impératifs économiques dont dépend sa survie. Pour autant, comment le citoyen peut réclamer tout ce que lui garantit une société démocratique sans d’abord s’assurer qu’il dispose des éléments objectifs pour y vivre. Le débat républicain devrait exiger de chacun un minimum de sincérité. Prenons l’exemple des revendications syndicales. Elles ont leur légitimité et c’est le rôle des syndicats d’opposer des contre- propositions aux pouvoirs qu’ils soient patronaux ou gouvernementaux. D’établir aussi des rapports de force. A condition qu’ils soient avérés. Aujourd’hui on entend encore la CGT prétendre que la SNCF est toujours en lutte alors que la mobilisation s’est étiolée au cours de l’été. Comme elle annonce 40 000 manifestants sur la Canebière lorsque la préfecture de police en dénombre 5 300. Plenel dirait que les faits passent après la cause. Un vrai journaliste peut lui répondre que non. Jamais.
Une charte un point c’est tout…
Chassez le mauvais goût, il revient au galop. S’il est une réussite qu’il faut applaudir, c’est bien la réhabilitation du Vieux-Port. Et même si certains professionnels font profession de larmoyer, il faut rappeler que la saison estivale 2018 fut exceptionnelle. Quelques mètres encore à rénover, quelques barrières à éliminer et une gare maritime enfin retrouvée. La ville aura là un espace exceptionnel où déambuleront en paix autant qu’heureux des milliers d’autochtones et de visiteurs. Il faut cependant veiller à ce qui est aujourd’hui un fleuron ne sombre pas rapidement en fleur séchée voire fanée. Il ne faut pas être fin observateur pour constater ici et là quelques dérives inquiétantes. Certaines terrasses de restaurants ressemblent désormais à des cimetières militaires pour avoir cerné leurs périmètres de fausses haies plastifiées totalement opaques. Les plots en béton qu’exigeaient la protection contre d’éventuels attentats mériteraient, comme certaines stations balnéaires l’on déjà fait sur la Côte d’Azur, un habillage qui améliorerait leur esthétisme. Il faudra bien aussi qu’un jour une autorité se penche sur le sort qui est fait aux piétons aux embouchures de la Canebière, de Breteuil ou de République, sur ce qu’on ose encore appeler des passages protégés. Enfin pourquoi n’imagine-t-on pas sur les trois quais des points information pour ces milliers de passants qui cherchent un itinéraire. Un sourire marseillais vaut souvent tout l’or du monde. Avec ou sans accent.
Calme luxe et volupté
C’était un de ces dimanches où la tiédeur le dispute à la sérénité. La nuit, le ciel avait déversé une pluie chaude comme pour étancher les plantes meurtries par le trop plein solaire. Le Parc Borély exhalait ce parfum de terre qui dit que l’orage est passé. Il y avait au cœur du jardin botanique une journée consacrée au Japon. A tout ce que ce pays profond recèle de subtilité, d’ingéniosité, de perfection. On a pu ainsi s’initier (photo) à l’art du bouquet, aux soins du bonsaï, à la calligraphie… toutes choses qui demandent un goût sûr et la précision du geste pour le magnifier. On a pu aussi découvrir les arts martiaux dans ce qu’ils ont de plus traditionnel, cette noblesse qui se perpétue depuis la nuit des temps et apporte à celui qui l’approche la sagesse et la paix. Les Marseillais étaient nombreux en famille ou en solitaire à déguster à petites lampées ces moments rares. On a quitté à regret les murmures gourmands qui s’échangeaient avec un verre de saké. On aura eu du mal à s’inscrire aux Japonais absents.