Règlement de comptes…
L’ironie des calendriers. Alors qu’Emmanuel Macron, président de la République et Edouard Philippe, Premier ministre, poursuivent leur marathon pour rencontrer et rassurer les édiles de France, la cour régionale des comptes (CRC) a rappelé, opportunément, que tout n’était pas parfait dans le meilleur des mondes des élus locaux. Rappelons au citoyen lambda et particulièrement aux Gilets Jaunes, passés experts dans la propagation de fausses nouvelles, que la CRC ne condamne pas, mais fait des observations sur la gestion des deniers publics. Il y a du coup, y compris chez ceux qui ont montré une certaine empathie pour le mouvement des ronds-points, comme de l’eau dans le gaz. Avec des bons points et des très mauvais points. Dans les Bouches-du-Rhône, si les magistrats ont relevé qu’Aix-en-Provence avait fait de réels efforts pour faire entrer les horaires des municipaux dans la pratique admise (1607 heures par an), on est très loin du compte à Fos, Istres. A Marseille aussi qui, à défaut de briller en ligue 1, est toujours championne des grandes villes en la matière (1567 heures). Mais la pointeuse, facteur d’un « stress insupportable » dénoncé par FO, devrait, promis- juré, remettre le train de vie des 12 000 fonctionnaires territoriaux sur les bons rails. D’autres perles ont été détectées par les enquêteurs de la cour des comptes – Sausset-les-Pins, Cuges ; Lançon – ce qui explique que ces maires, qu’on appelle aussi « premiers magistrats », soient restés fermés comme des huitres. On apprend enfin, ces dernières heures, qu’il y aurait une réactivation du mouvement des Gilets Jaunes sur les ronds-points de Fos. Ils vont sans doute être renforcés par les employés municipaux ; qui ont du temps libre à revendre avec 19 jours de congés de plus que la loi n’y autorise.
Mille millions de mille sabords
Qui ne se souvient au moins d’une des réparties du capitaine Hadock. « Bachi-Bouzouk, mille millions de mille sabord », ou, plus gustative, « bougres de faux- jetons à la sauce tartare », sans oublier l’obscure, mais efficace, « coloquinte à la graisse de hérisson ». Deux néo Marseillais pourraient les utiliser. Car à l’instar d’Emmanuel Macron et de « son » Alexandre Benalla, ils ont, à leur tour, hérité d’un sparadrap qui leur colle aux basques. Aux escarpins plutôt si l’on se réfère au goût de l’histoire de l’un des deux. Jean-Luc Mélenchon. N’est-il pas « tombé en amour », comme on le dit au Québec, pour Eric Drouet ? Son homonymie avec le Drouet (Jean-Baptiste) de Varennes, où s’acheva, grâce à lui, la fuite du roi Louis XVI, a suffi au député de Marseille pour l’élever au rang de héros, au même titre qu’un Chavez ou un Maduro. Quasiment la légion d’honneur des Insoumis. Bon, à l’occasion ce vendredi de son procès pour avoir appelé ou participé à des manifestations interdites, quelques fins limiers ont dressé le portrait du révolutionnaire de Facebook. « Tout en camion », puisque c’est à partir de son poids-lourd qu’il règne sur la France des Ronds-Points, est selon ceux qui l’ont côtoyé d’une « totale inculture politique ». Il a peu voté et a un léger penchant pour l’extrême droite. Bref, pour la France Insoumise, il est désormais un peu collant. Autre victime de sa passion pour les GJ, Bernard Tapie. Il a ouvert les portes de son journal, La Provence, à un certain Christophe Chalençon. Le Vauclusien, ferronnier de son métier, a porté le fer depuis quelques semaines en Italie. Il compte bien y trouver des alliés dans le mouvement cinq étoiles, créé il y a dix ans par un clown très médiatique, Pepe Grillo. On imagine que Tapie ne rit plus depuis les dernières déclarations, devant la télé italienne, de Chalençon. On comprend aussi, a contrario, la réticence de la rédaction de La Provence à accueillir le Vauclusien. Il a laissé entendre qu’il y avait dans les rangs des GJ « des paramilitaires prêts à renverser le pouvoir » et d’ajouter dans un délire incontrôlé que Macron est promis à la guillotine et son épouse au pire outrage. Georges Wolinski disait que « la majorité n’a pas le droit d’imposer sa connerie à la minorité ». L’inverse est vrai.
Sous le pavé du PLUi, la plage
Le syndicat des architectes 13 vient, avec l’association Laisse Béton, d’organiser une très opportune réunion d’information sur le Plan Local d’Urbanisme. Il faut y ajouter désormais le « i » d’intercommunal, puisque ce plan qui détermine, entre autres, les zones à construire ou à protéger, entre dans la perspective de la Métropole… en construction elle-aussi. On peut ainsi, au Pharo par exemple où siège la Métropole, consulter les 10 000 pages de ce qui dessinera le territoire de demain. Patrick Lacoste (Un centre-ville pour tous) a profité de cette opportunité, démocratiquement offerte par les architectes, pour rappeler ce que d’autres appelleraient la fracture sociale de Marseille. Les chiffres sont impitoyables : 46% de logements sociaux dans le 14ème arrondissement et 6% dans le 8ème. Si la remarque n’était pas cynique, on pourrait faire remarquer que les femmes de ménage qui ont à se rendre près des plages ou autour du deuxième Prado, peuvent garer gratuitement leur véhicule. Un des nombreux, privilèges de ce 8ème huppé est l’absence de parcs-mètres. M. Lacoste parle lui d’un PLUi « ségrégatif ». On dit dans le milieu immobilier que les deux années qui viennent seront gelées, en raison des élections municipales. Il faudra donc éplucher les promesses des candidats, pour plus de justice sociale et attendre le dégel.
Les murs sans lamentation
Des bâtiments imaginés en 1890 par Georges Giraudon, il ne restera que peu de choses (photo Une). Deux petites arcades seront sauvées dans la résidence de luxe conçue par Rudy Ricciotti pour inciter « les bourgeois à rester à Marseille ». Le quartier des Catalans bascule avec une certaine brutalité dans le monde nouveau. C’est ainsi dans la deuxième ville de France où l’immobilier et la spéculation sont deux mamelles nourricières pour une minorité. Giraudon avait, en son temps, décidé lui-aussi de se sucrer. C’était légitime puisqu’il en faisait métier et que son usine produisait cet aliment qui fait le bonheur des pâtissiers et de nos papilles. C’est une habitude ici, de rayer le passé d’un trait de plume, ou dans le mouvement malencontreux d’une pèle-mécanique. En particulier, lorsqu’il rappelle qu’il y eut ici une classe ouvrière présente, autant qu’active. Comme si certains Marseillais imaginaient, l’avenir sans peuple. En son temps un grand professeur de médecine avait conçu un programme où la cité était au cœur d’une « future Californie française ». Jean-François Mattei élaborait ainsi, en 1989, le programme de Jean-Claude Gaudin qui dut attendre 1995, pour s’imposer, sans claironner cette perspective azuréenne. Entre temps Robert P. Vigouroux régna et fit lui aussi table rase de certains vestiges industriels. Ainsi, la façade de l’ex-garage Raoul Mattei – ancien palais de l’automobile – qui s’écroula malencontreusement, alors qu’elle devait être épargnée, pour enjamber les allées Turcat-Méry. On tremble du coup en voyant la monumentale porte du lycée du Rempart préservée, alors que l’établissement est en cours de rénovation. L’Histoire nous apprend qu’il a été construit où dominait le rempart de la ville au XVIIème siècle. Il fut d’abord l’école pratique de l’industrie de garçons de Marseille. Elle ouvrit en 1905 et forma quelques noms célèbres. Des champions olympiques, Jean Bouin, Fernand Decanali, ou plus proche de nous Alain Bernard, mais aussi le peintre Hubert Agostini, et encore une plume célèbre, Jean-Claude Izzo. Ce passé vaut bien une messe…à Saint-Victor.
Varoise mais corse aussi
Maryse Joissains Masini n’en démord pas. Elle veut une métropole aixoise et rejette toujours la grande métropole voulue par l’Etat et particulièrement par Marseille. Elle juge cette union « contre nature malgré les apparences de proximité des limites territoriales de l’une et de l’autre ». Le grand débat actuellement en cours en France sert son argumentation. Il ne lui a pas échappé que le président de la République était prêt à revisiter certains dossiers de l’intercommunalité. Elle s’appuie aussi sur le département dans son approche et estime que les prérogatives de ce dernier en termes de voirie, de culture, d’éducation, de tourisme et même en matières sanitaire et sociale sont suffisantes pour faire progresser les communes dont elle a la charge en pays d’Aix. Mme Joissains prêche, on l’aura compris, pour sa paroisse et il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu’elle pressent que la problématique marseillaise sera budgétivore et relèguera au second rang sa ville et ses satellites. Et puis les fusions n’ont pas démontré jusqu’ici qu’elles étaient vertueuses en matière d’économies. Les dossiers intercommunaux recèlent dans bien des domaines des doublons voire des triplons. Or à Marseille, comme à Aix, on a pris l’habitude de faire de l’emploi des territoriaux un argument de campagne. Ils seraient les premiers touchés par des réductions d’effectifs s’il y a fusion des services. Mme Joissains le sait comme elle se souvient avoir créé la surprise en l’emportant au nez et à la moustache de Jean-François Picheral en 2001. Il avait parmi ses erreurs ignoré le poids électoral des employés de mairie. La maire d’Aix est varoise et corse et ces réalités comptent autant dans son département d’origine que sur son île.
Le visage de la France
Un de mes anciens étudiants, que je sais généreux et engagé dans l’humanitaire, écrit son émotion. Parlant de Simone Veil, il regrette d’avoir vu « son image détériorée ». Non mon cher, ce n’est que son portrait qu’un courageux tout droit sorti des égouts de l’Histoire a saccagé, avec force croix gammées. Son image est intacte puisque, comme le disait André Malraux, à propos de Jean Moulin, elle était aussi le visage de la France. Les deux reposent dans la paix des braves, au Panthéon, avec Jean Jaurès et Victor Hugo. Reste cette lèpre qui a ressurgi sur deux boîtes aux lettres de Paris, pour délivrer un message anonyme. Des boîtes assez semblables à celles où, pendant l’occupation, des salops jetaient prestement des lettres poubelles dénonçant des juifs et leurs familles. Pour ne pas oublier, la Fondation du Camp des Milles a organisé ce week-end deux journées portes ouvertes, au 40 du chemin de la Badesse à Aix-en-Provence. En 1942, une centaine d’enfants en partirent, pour ne plus revenir. Ils s’appelaient Martin, Abraham, Anna, Hélène, Isaac… Ils étaient juifs et ressemblaient tous à Simone Veil, par leur force de vivre et leur envie d’aimer. Le cachet des nazis au bas d’une trop longue liste en fait foi.