Aide-toi et le ciel t’aidera. C’est ce qu’ont encore vérifié les anciens salariés de Fralib, l’usine de Gémenos transformée en Société coopérative ouvrière provençale de thé et infusion. Après les premières heures de lutte il y 5 ans pour empêcher la délocalisation de l’usine par Unilever, ils voient enfin leurs objectifs se réaliser. Les produits de la marque 1336 sont arrivés cette semaine dans les rayons de la grande distribution.
Lors d’une opération symbolique orchestrée devant la presse, ils ont disposé les premières boîtes de thés dans l’Auchan d’Aubagne, voisin de l’usine. Le même magasin que les ouvriers en lutte allaient visiter pour retirer les produits Thé Éléphant – qu’ils produisaient jadis – durant la lutte sociale et l’appel au boycott des produits Lipton.
A l’heure d’aujourd’hui, Auchan, Carrefour ont ouvert une cote nationale, Franprix propose les produits dans tout son réseau de distribution (900 magasins), Carrefour Market, Intermarché ou encore Casino ont également ouvert les portes à la marque. Les premières mises en rayon se font cette semaine, et nous allons progressivement livrer les grandes surfaces d’abord dans le Sud de la France pour remonter vers le nord, explique Thomas Blanchard, le directeur commercial. Pour l’instant, nous avons livré environ 70 000 boîtes. La marque bénéficie également d’un référencement auprès de la plateforme d’achat Maxicofee qui peut fournir partout en France, en Europe et dans les Dom-Tom.
Un ancien de Nestlé à la commercialisation
Thomas Blanchard, voici l’adjuvant de l’intrigue. Après avoir reçu une aide capitale de professionnels lors de la création de l’identité de marque – du naming au packaging – les scopistes ont de nouveau eu droit à une intervention quasi-divine pour ce nouveau cap. Il fallait bien trouver un professionnel du secteur pour aller négocier avec les réseaux de grandes surfaces (GMS). Fort d’une expérience de 10 ans en tant que cadre commercial pour Nestlé, Thomas Blanchard s’est approché des sociétaires en 2014 à l’invitation d’un ami. Pour moi c’était tout simplement impossible qu’une usine comme celle-là ne trouve pas de débouchés, déroule-t-il. Comme pour les designers, c’est par conviction (made in France, qualité du produit, histoires humaines) qu’il s’engage dans ce travail pour lequel il est rémunéré en tant qu’indépendant à la commission.
Le prix de vente des boîtes de 1336 en grande surface sera de 2,99€, soit 40% plus cher qu’une boîte de Thé Éléphant. C’est le choix de la qualité. Nous voulions un prix cohérent par rapport au produit. Nous avons remplacé les arômes synthétiques par des arômes naturels ce qui multiplie les coûts par 10 pour cette matière première, explique l’ancien de Nestlé. Après les GMS, l’entreprise s’attaquera début 2016 aux réseaux spécialisés avec sa deuxième gamme de produits bio positionnée haut de gamme : Scop TI. Dès à présent, l’entreprise peut livrer les épiceries fines, les salons de thé. On s’attaque à tous les canaux, résume le commercial.
A terme, un réseau de 30 commerciaux seront pilotés depuis Gémenos, déjà, 3 responsables régionaux sont en action. L’usine qui produisait 6000 tonnes par an à l’époque d’Unilever est taillée pour l’échelle européenne. L’enjeu commercial est désormais de convaincre des enseignes de les choisir pour la fabrication du thé marque distributeur. Pour la première année, l’entreprise table sur une production de 250 tonnes pour monter en puissance jusqu’à 650 tonnes à terme. Elle compte déjà 27 salariés en CDI, avec trois embauches supplémentaires d’ici à la fin 2015 et quatorze dans la première moitié de 2016, rapporte Le Monde. Scop TI, vise les bénéfices dès mi-2016 et veut atteindre 9 à 10 millions d’euros de vente d’ici 2019, rapporte Le Figaro.
Story-telling sur du long terme, RP qui attire les médias nationaux systématiquement, animation d’une communauté de fan précepteur, discours produit sur la qualité et le made in France, financement participatif, commercialisation performante. Et si les anciens ouvriers avaient reçu le don du marketing et de la communication sans s’en rendre compte ? Une certitude, la puissance éthique de leur démarche attire à eux des profils de professionnels spécialisés sans aucun autre cabinet de recrutement que leur réputation.