La mobilité est aujourd’hui le chantier prioritaire de la Métropole. Que ce soit sur rail ou sur route, les transports en commun sont sous-dimensionnés par rapport au territoire. Les axes entre les grandes agglomération sont saturés, avec des effets de plus en plus néfastes sur l’environnement et même le développement des entreprises locales. Autant dire que les grands projets structurants sont attendus en urgence par les habitants. Après son agenda de la mobilité lancé en 2016, la Métropole devait franchir une nouvelle étape cruciale dans politique de transports : le vote du Plan de déplacement urbain (PDU), un document hautement stratégique qui définit les projets de mobilité sur le territoire à l’horizon 2030.
Une opposition comptable et politique
Les services de la Métropole planche sur le PDU depuis décembre 2017 et les élus devaient voter la première mouture du document au conseil métropolitain de la rentrée. Las, lors du dernier comité de pilotage qui s’est tenu le 5 juillet, la Métropole a finalement annoncé qu’elle bloquait les travaux et repoussait l’adoption du document. Présents à la réunion, le Rassemblement d’associations pour les modes de déplacements alternatifs de la métropole (Ramdam) et France nature environnement (FNE) expliquent dans un communiqué commun : « La Métropole se donne un délai supplémentaire pour adopter le PDU pour notamment convaincre l’État de participer à son financement… cela nous rappelle l’agenda de la mobilité métropolitaine qui était très ambitieux mais sans financement… ». Le PDU, tel qu’il a été imaginé, table sur plus de 3 milliards d’euros d’investissements et la Métropole estime que la part de l’État reste insuffisante pour boucler le document stratégique.
Ce revirement de dernière minute s’inscrit aussi dans la droite ligne des déclarations de la présidente de la Métropole, Martine Vassal, qui avait annoncé en mai dernier le gel de l’élaboration des documents stratégiques : « L’État a lancé une réflexion sur une fusion. Tant que la décision de faire ou ne pas faire cette fusion n’aura pas été portée à la connaissance de nos territoires, notre Métropole n’adoptera plus aucun document stratégique », avait-elle déclaré. Entre le manque de financement et la lenteur du processus de fusion avec le Département, ce serait donc la faute de l’État si la Métropole n’avance plus sur les dossiers urgents du territoire comme la mobilité.
Pour Jean-Pierre Serrus, ancien vice-Pprésident délégué aux transports à la Métropole et désormais élu LREM, les arguments ne tiennent pas : « Si on voulait financer le PDU, c’est tout à fait possible à condition de revoir la répartition des moyens de la Métropole comme les très chers reversements aux communes. J’ai toujours souhaité qu’il y ait un débat sur le sujet. C’est une question de volonté politique. Seulement, à l’approche des élections municipales, il y a surtout un consensus pour ne rien faire et ne pas prendre de risque », déplore-t-il. Malgré le coup d’arrêt sur l’élaboration du document, les services de la Métropole ont tout de même préparé une première mouture du futur PDU. Gomet’ a réussi à se procurer ce document de travail qui détaille un peu plus les plans de la collectivité pour la mobilité du territoire jusqu’en 2030.
Un projet ferroviaire insuffisant pour les associations et l’opposition
Parmi les solutions de transports en commun à développer, le train tient une bonne place dans les projets de la Métropole. La première version du PDU propose de développer une armature ferroviaire basée sur trois « TER + ». Il s’agit de renforcer les lignes Aix-Marseille, Miramas-Marseille et Marseille-La Ciotat et vers Toulon. L’objectif est d’offrir un train toutes les quinze minutes au moins sur ces trois lignes considérées comme prioritaires. La Métropole espère atteindre cet objectif à l’horizon 2030, un calendrier jugé un peu tardif par l’association Ramdam qui estime qu’il ne faut « pas attendre la réalisation de la Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur prévue au-delà de 2030 pour rénover et moderniser le réseau ferré existant sur notre Métropole ». Avec France Nature Environnement, elle demande également que « la ligne ferroviaire de la Côte Bleue soit bien intégrée dans le réseau TER+ de la Métropole », ce qui n’est pas encore le cas dans le document produit par les services de la Métropole.
Autre projet en débat, la ligne Aix-Rognac toujours à l’étude qui apparaît en pointillée sur la carte du réseau express métropolitain ferré. Le maire du Puy Sainte-Réparade, Jean-David Ciot, également président du groupe « Agir pour la Métropole » soutient la réouverture de cette ligne. « Notre priorité est de remettre en service la ligne TER reliant Aix-en-Provence à Rognac, aujourd’hui uniquement dédiée au transport de marchandises, sur laquelle deux trains de bauxite circulent chaque jour, à destination de Gardanne », explique-t-il dans un communiqué. « Cette ligne est stratégique pour le transport de voyageurs, puisqu’elle traverse la ville d’Aix et va jusqu’au cœur du pôle d’activités des Milles. Elle desservirait Plan d’Aillane, la zone d’activités des Milles, Ventabren et Velaux. C’est un axe structurant pour le bassin de vie d’Aix Nord et de Pertuis. Notre objectif est de relier Vitrolles et l’Ouest de l’Étang de Berre à Aix-en-Provence de manière beaucoup plus fluide », précise-t-il.
La Métropole prévoit 100 millions d’euros de charges supplémentaires en 2030
Le document de travail du PDU présente également une projection financière pour l’ensemble des projets envisagés. Pour respecter ses objectifs, la Métropole estime qu’elle devra investir environ 350 millions d’euros par an entre 2020 et 2030, contre 110 millions investis en 2018. Le renforcement et la modernisation des infrastructures (réseau, pôle d’échanges multimodaux, accessibilité…) va ainsi alourdir ses charges d’exploitation. Les services estime à 100 millions d’euros les charges supplémentaires avec une augmentation des recettes d’exploitation de 47 millions, soit un solde de 53 millions d’euros de charges nettes à supporter. La Métropole va devoir travailler sur une nouvelle organisation de ses services pour gagner en productivité et réaliser des économies. L’augmentation des dépenses est au coeur de la position bloquante de la présidente de la Métropole. Elle demande plus d’argent à l’État qui en retour veut aussi qu’elle fasse des efforts pour dégager de nouvelles marges de manœuvres financières. « En tous cas, ce n’est pas en suspendant les travaux sur les documents stratégiques que les relations avec l’État vont s’améliorer », prévient Jean-Pierre Serrus.