Depuis quinze ans, la filière éolienne française a quitté le stade expérimental pour devenir l’une des technologies de production d’électricité les plus compétitives. Mais derrière les mâts et les pales qui rythment déjà les paysages de nombreuses régions se cache une équation financière complexe : investissement initial, coûts d’exploitation, provisions de fin de vie et recettes liées à la vente d’électricité. Voici, poste par poste, le véritable prix d’une éolienne moderne.
Un investissement initial conséquent, mais en baisse
Pour une éolienne terrestre actuelle de 4 MW, il faut prévoir en moyenne entre 1 million et 1,7 million € par mégawatt installé, soit de 4 à 6 millions € pour la machine, son raccordement et les études préalables. Cette fourchette (CAPEX) intègre déjà la provision obligatoire pour le démantèlement, imposée par décret en 2020, ce qui évite les « coûts cachés » souvent évoqués par les opposants. Le recul des prix des turbines et les économies d’échelle ont fait chuter le CAPEX de 10 % entre 2010 et 2024, malgré les tensions récentes sur les matières premières. L’énergie éolienne est donc une énergie de moins en moins chère pour le consommateur.
Des coûts d’exploitation maîtrisés mais incompressibles
Une fois la mise en service prononcée, l’exploitant doit assumer les opérations de maintenance préventive et corrective, l’assurance et la surveillance à distance : environ 40 000 à 50 000 € par mégawatt et par an, soit près de 200 000 € par an pour une turbine de 4 MW. Ces dépenses représentent entre 2 % et 3 % du capital investi, un ratio stable depuis dix ans grâce aux contrats dits « full service » passés avec les fabricants.
Le coût du démantèlement déjà provisionné
En France, la loi impose depuis 2011 que chaque projet consigne une garantie bancaire couvrant l’intégralité du démontage et la remise en état du site. Indexée sur la hauteur du mât, cette provision varie de 50 000 à 70 000 € par machine et est incluse dans le CAPEX. Elle n’alourdit donc pas le budget en fin de vie, mais assure aux collectivités qu’aucune charge ne leur reviendra.
Du coût de production à la rentabilité
En additionnant le CAPEX, les charges de maintenance (OPEX) et le coût du capital, le coût complet de l’électricité éolienne terrestre (LCOE) atteint en moyenne 59 €/MWh pour les parcs mis en service en 2022, selon l’ADEME. C’est moins cher que le gaz à cycle combiné estimé à 172 €/MWh et comparable au nucléaire existant (60 €/MWh). À un prix moyen de marché de l’électricité de 85 €/MWh sur 2024, la marge brute dégagée permet de rembourser l’investissement en 8 à 12 ans, alors que la durée de vie technique dépasse aujourd’hui 25 ans.
Un retour sur investissement territorial
Au‑delà des revenus de l’exploitant, chaque mégawatt installé génère environ 12 000 € de retombées fiscales annuelles (IFER et taxes locales) et 3 000 € de loyers pour les propriétaires fonciers, sans compter les emplois de maintenance non délocalisables. Ces flux contribuent à la balance économique globale lorsqu’on évalue la « rentabilité » d’une éolienne pour un territoire.
Conclusion : une filière de plus en plus compétitive
En France, installer, exploiter et démanteler une éolienne terrestre représente donc un engagement financier de l’ordre de 4 à 6 millions €, assorti de 200 000 € de charges annuelles et d’un LCOE inférieur à 60 €/MWh. Résultat : un amortissement en moins de quinze ans, des bénéfices potentiels sur une décennie supplémentaire et des retombées fiscales stables pour les collectivités. À l’heure où la transition énergétique impose de nouvelles capacités de production décarbonée, ces chiffres expliquent pourquoi l’éolien terrestre reste la technologie la moins chère à déployer à grande échelle en France.