Avec 59,85% des suffrages, le leader de La France insoumise devance largement la candidate de La République en marche, Corinne Versini qui enregistre 40,15% des voix, dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône. Marseille offre ainsi à Jean-Luc Mélenchon son premier mandat de député. Il devrait siéger au Palais-Bourbon aux côtés d’un groupe de plus de 15 parlementaires de son mouvement.
Selfies, discussions avec les militants, interviews informelles avec les journalistes, poignées de main et sourires. Au Dock des Suds, Jean-Luc Mélenchon savoure. Les Insoumis sont venus de toute la région pour assister à cette ultime soirée électorale, avec l’espoir que leur leader porte leurs voix à l’Assemblée nationale. Ils n’ont pas été déçus. Devant une foule de journalistes qui jouent des coudes pour capter la bonne image ou retransmettre en direct la déclaration de l’ancien prétendant à l’Elysée, ils clament « président, président, président ». Il est sans conteste leur champion. Jean-Luc Mélenchon, arrivé un peu plus tôt que lors du premier tour de ces élections législatives, s’est isolé dans un pièce de la salle Cabaret. Faire le point. Préparer son discours de vainqueur. « Marseille a dit un grand oui à Jean-Luc Mélenchon, confie Luc Léandri, un militant de la première heure. Il incarnera magnifiquement cette ville à l’Assemblée, il redonnera à Marseille une voix forte dans l’hémicycle ». Avec 59,85%, il s’impose dans cette 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, devançant largement Corinne Versini, de La République en marche (40,15%). Une victoire aux airs de revanche… sur les présidentielles, mais aussi les législatives de 2012.
« L’abstention reste la grande gagnante ce soir »
De son côté, au restaurant le Mundart, à quelques encablures de la rue de La République, on tente de bonne figure. Corinne Versini paie même sa tournée aux quelques soutiens qui sont restés à ses côtés pour accueillir les premières tendances, favorables à son adversaire. Dans une combinaison fluide de couleur noire, la référente départementale du mouvement d’Emmanuel Macron est fair-play. Ses premiers mots sont à l’attention de son rival : « Je le félicite, il été le meilleur dans le combat. Notre programme, notre détermination n’ont hélas pas suffit à l’emporter », a-t-elle exprimé, jugeant qu’il lui a peut-être manqué «d’un peu de notoriété et d’expérience politique ». Même le soutien de Renaud Muselier, président de la Région Paca, n’aura pas suffi à lui faire combler son retard. Certes déçue, elle exprime également une forme de soulagement d’être arrivée au « the end » de deux campagnes électorales éprouvantes. « La déception ne doit pas nous faire oublier ni le travail que nous avons fourni, ni l’ampleur historique du renouvellement qui saisit la vie politique et parlementaire française », souligne-t-elle, saluant tous ceux de son parti qui ont réussi à transformer l’essai. Même si le président de la République rafle la mise avec plus de 350 sièges, « l’abstention reste la grande gagnante ce soir ».
« La force de la révolution citoyenne »
« Une écrasante abstention », clame, quant à lui, Jean-Luc Mélenchon, comme l’expression « d’une forme de grève générale civique », dans laquelle il voit « une énergie disponible pour peu que nous sachions l’appeler au combat… Que la force de l’abstention devienne la force de la révolution citoyenne ».
A la tribune, dans un discours qui – comme presque à son habitude – est emprunté au champ lexical guerrier, le « tribun », se satisfait d’avoir un groupe France insoumise à l’Assemblé nationale, « cohérent, discipliné, offensif » et d’appeler tous ceux qui le souhaitent à venir le rejoindre. Une main tendue à l’aile gauche du PS. Avant une mise en garde : « la lutte appellera le pays le moment venu à une résistance. J’informe le nouveau pouvoir que pas un être du terrain du social ne lui cèdera sans lutte ». Puis les acclamations du public. Pour lui « la majorité boursoufflée », n’a pas la légitimité pour « perpétrer le coup d’état social qui est en prévision», a-t-il brandi, en référence à la réforme du code du travail ; applaudi longuement par des militants qui comptent bien mener la lutte dans la rue. Une réforme pour laquelle il demande un référendum.
De l’Europe au Palais-Bourbon
Une ambiance qui tranche forcément avec l’autre camp. Paradoxalement, la défaite de Corinne Versini, semble lui donner davantage de perspectives. Créer un Institut Louis-Germain, le premier instituteur d’Albert Camus, pour accompagner des enfants en REP et REP + et les former à Kedge. Un projet dont elle n’a pas souhaité parler à l’occasion de la campagne parce que « je n’ai pas voulu exploiter certaines choses à des fins politiques. » Perdre ou gagner « proprement », elle qui n’avait jamais fait de politique a beaucoup appris sur le terrain, avec les échanges et même au contact des journalistes. Hier soir, elle n’était pas encore en mesure de dire quelles suites elle donnerait à cette longue et intense marche ; si elle conserverait son statut de référente départementale. « Ce sera décidé au congrès en juillet », mais elle entend continuer à s’investir pour le développement économique du territoire, à Marseille… ou pas. Une chose est sûre cette aventure politique l’a profondément changée.
Si elle devrait, selon ses dires, récupérer son poste au sein de son entreprise, à l’issue de l’assemblée générale prévue à la fin du mois, un autre quitte son siège à l’Europe pour occuper celui du Palais-Boubon, le seul mandat qu’il n’avait encore jamais exercé, sans compter la présidence de la République…
Un premier pas vers un mandat municipal ?
Il n’est pas certain de prendre la présidence de groupe parlementaire qui compterait d’après les projections plus de 15 députés, mais il compte bien peser à l’Assemblée, pour écrire cette Histoire avec « un grand H ». Jean-Luc Mélenchon a d’ailleurs appelé à la formation « partout d’un nouveau front populaire, social et culturel ». Pour y parvenir, il mise sur un maillage territorial. « Des satellites » de La France insoumise partout, pour remporter les prochaines échéances électorales. Et pour beaucoup, comme pour Corinne Versini (LREM), cette victoire est le premier pas vers un mandat municipal à Marseille, et cela même si Jean-Luc Mélenchon n’a eu de cesse de réfuter cette hypothèse, tout au long de cette campagne. « Entre une mairie honorable à 69 ans et briguer un mandat présidentiel à 71 ans… », sourit-elle, tout en prenant les paris. Reste que dans la dynamique de l’élection présidentielle, malgré un petit passage à vide, Jean-Luc Mélenchon vient de s’ancrer durablement dans la cité phocéenne. « A lui de faire la démonstration que les Marseillais ne se sont pas trompés », commente Corinne Versini. Marseille que le nouveau député a remercié de lui avoir dit «oui », lui permettant ainsi de vivre son Odyssée depuis les rives de la Méditerranée…
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