Passer à la mobilité électrique est une évidence. Et pourtant les énergies carbonées résistent dans nos transports. Avignon Université, Enedis et AtmoSud se sont associés, le 6 mai dernier, pour mettre à plat les données techniques, économiques et climatiques et donner la parole aux acteurs de terrain au cours d’un débat factuel, argumenté et riche qui a permis de clarifier les enjeux et de déceler, dans les pratiques d’une cité comme Avignon ou d’une entreprise comme Ortec, les pistes concrètes d’aménagement et de progrès.
Hôte de cette conférence, animée par Gomet’, le président de l’université d’Avignon, Georges Linares, a souligné en introduction : « la dimension mobilité est au cœur de nos préoccupations aussi bien dans le domaine de la recherche, de la formation que dans le fonctionnement même de l’établissement ». Sa vice-présidente déléguée à la transition environnementale, Céline Bourgeois, a précisé que chaque université se doit d’établir un schéma directeur mobilité visant à définir une stratégie de l’établissement pour la transition énergétique.
À cette occasion, l’université a fait le bilan de ses émissions de gaz à effets de serre : 43 % d’entre elles sont dues aux déplacements domicile-travail. Pour y remédier, plusieurs solutions ont été développées : mises en place d’abris à vélos sécurisés, promotion du covoiturage et recours au forfait de mobilité durable qui permet la prise en charge par l’employeur des frais de transport de ses salariés lors de leurs trajets domicile-travail s’ils utilisent un moyen de transport alternatif.
Les transports sont le secteur le plus émetteur de CO2 devant l’industrie (Pierre de Firmas, Enedis)
Enedis s’est lancé dans l’aventure de l’électromobilité. Pierre de Firmas, directeur national de la mobilité électrique, a rappelé les données de base : « les transports sont le secteur le plus émetteur de CO2 devant l’industrie et c’est également le secteur le plus facile à décarboner ». La solution est sans équivoque le recours à l’électricité car elle est faible émettrice de CO2 à la production. Le chemin vers l’électrification des véhicules est engagé avec, chaque année, la vente de 1,8 million de véhicules électriques ou hybrides. Pour Pierre de Firmas, il n’y a « pas de retour en arrière possible, tous les véhicules seront électriques demain ! »
Au sein même de sa propre flotte, Enedis a électrifié 40 % de ses véhicules, ce qui a fait économiser 5 millions d’euros en carburant en 2024. L’entreprise a fait le calcul : 110 000 passages à la pompe ont été évités – les véhicules se rechargeant la nuit – ce qui correspond à un bonus de 10 équivalents temps plein. Du côté de la mobilité lourde, Pierre de Firmas s’est réjoui que « la filière industrielle mette en ordre de bataille pour construire des camions électriques ». Enedis est alors sollicité pour de nouveaux raccordements en vue d’alimenter les stations de recharge. À ce jour, 30 sont dédiées aux poids lourds et 150 sont en voie de l’être.
Les bénéfices de l’électromobilité pour la santé et l’environnement
Dominique Robin, directeur d’Atmosud, l’observatoire de la qualité de l’air en Provence Alpes Côte d’Azur, a réaffirmé le bénéfice des véhicules électriques sur le bilan carbone, auquel il a ajouté deux autres polluants, les oxydes d’azote et les particules fines. Sur le Grand Avignon, l’Observatoire a pu démontrer la surconcentration de ces polluants dans les centres-villes et sur les autoroutes. Dominique Robin a néanmoins souligné l’inconvénient du véhicule électrique : le poids de ses batteries qui augmente la consommation d’énergie du véhicule, avec l’émission supplémentaire de particules fines.
L’électrique fâché avec les autocars
Marie Bernard, déléguée générale de la FNTV (Fédération Nationale des Transports de Voyageurs) l’a reconnu : « nous allons pouvoir décarboner tous les véhicules, mais pas tous de la même manière ». Pour exemple, l’électrique ne serait pas la solution pour l’exploitation des cars de tourisme qui ont besoin d’une grande autonomie. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 impose aux transporteurs de renouveler leur flotte, avec de l’électrique, de l’hydrogène ou des biocarburants. En fait, les principaux leviers d’actions pour décarboner les autocars sont de travailler sur le report modal et de rationaliser les déplacements.
Marie Bernard représente une filière fortement émettrice, mais qui est prise dans la logique au moins-disant des appels d’offres des collectivités territoriales. . Elle reconnaît que la politique de la Région Sud pour la décarbonation des transports avec l’objectif d’avoir un parc de 100 % de véhicules décarbonés en 2028 est ambitieuse. Plusieurs lignes sont exploitées avec des autocars électriques. Mais la limite est pourtant économique : un autocar électrique coûte deux fois plus cher qu’un véhicule thermique.
Ortec veut accélérer le passage à la recharge
Avant de créer son propre réseau de recharges électriques appelé Oreve, le groupe Ortec a analysé ses propres besoins. Avec ses 1 500 camions et ses 3 000 véhicules de flotte, il déplorait la lenteur de leur recharge. D’où l’idée de lancer ses propres stations de recharge ultrarapide ouvertes aux poids lourds et véhicules légers des professionnels. Nicolas Dourrassof, représentant d’Oreve a confié l’ambition de ce nouveau réseau : 260 stations opérationnelles d’ici 2030. La demande ne fera qu’augmenter avec l’obligation en 2026 des constructeurs de vendre 15 % de camions électriques.
Électromobilité, la Ville d’Avignon s’engage
La ville d’Avignon est partie du constat que, dans le Vaucluse, 52 % des émissions de gaz à effet de serre viennent du transport routier, et, pour plus de la moitié de ces émissions, ce sont les véhicules particuliers qui sont en cause. Olivier Marquet, directeur de projet mobilité et aménagement à la Ville d’Avignon, travaille sur tous les aspects : les infrastructures de recharge, les véhicules de la municipalité et les subventions en faveur des vélos électriques. Sur les bornes de recharge, la mairie a opté pour un partenariat avec un opérateur privé la start-up tropézienne E55C qui « a assuré l’intégralité des coûts d’investissement et de fonctionnement ».
Aujourd’hui ce sont globalement 262 bornes accessibles 24 heures/24 à Avignon et la Ville a développé des bornes dans les parkings publics. Parallèlement, la ville a obtenu de son opérateur des tarifs résidents de nuit et de passer d’une tarification sur la durée à une tarification au kilowattheure. Olivier Marquet interviendra dans la matinée du vendredi 23 mai à Marseille à l’occasion des 4e Rencontres du vélo et des mobilités douces organisée par Gomet’ Media (inscrivez-vous).
Le tonneau des Danaïdes des mobilités
En synthèse, Laurent Perron (animateur des fresques de la mobilité présent lors des précédentes Rencontres du vélo et des mobilités douces organisées par Gomet’), spécialiste des mobilités au sein des Shifters, le mouvement du think-tank The Schift Project de Jean-Marc Jancovici a douché les bonnes intentions en rappelant que le secteur des transports est le seul dont les émissions de gaz à effet de serre ne baissent pas depuis 50 ans, car « les kilomètres que l’on parcourt tous les ans continuent à augmenter ».
En un mot : « les voitures consomment moins, mais on les utilise plus ». L’électrification des moyens de transport ne suffira pas. Il faut également agir sur les usages en effectuant le report modal ou augmenter le taux d’occupation des voitures.
La mobilité électrique, on en parle lors des 4e Rencontres du vélo et des mobilités douces
organisées à Marseille à La Coque le 23 mai.
Événement gratuit sur inscription.