Plus de 800 professionnels se sont réunis au palais du Pharo du 25 au 27 avril pour parler de l’avenir du secteur de l’éolien offshore flottant. Avec cette troisième édition du « Floating offshore wind turbines » (Fowt), Marseille renforce sa position de ville leader sur ce secteur en plein boom. « Ce choix n’est pas un hasard. Proclamons-nous capitale méditerranéenne de l’éolien flottant ! », a lancé pour à l’inauguration du salon, Maurice Wolff, vice-président délégué aux grands projets métropolitains de la CCIMP. Si la France a loupé le coche de l’éolien posé en mer, elle compte se rattraper grâce aux nouveaux systèmes flottants. Cette nouvelle technologie permet d’installer des machines au large des côtes méditerranéennes où les profondeurs atteignent rapidement plus de 100 mètres alors que les contraintes techniques empêchent actuellement d’installer des éoliennes posées à plus de 50 mètres de fond. Résultat, trois des quatre projets retenus en 2016 dans le cadre l’appel à candidatures lancé par l’État sur les fermes pilotes éoliennes flottantes se situent en Méditerranée. A 17 kilomètres des côtes de Fos-sur-Mer, EDF énergies nouvelles dirige l’un d’eux, Provence Grand Large, un parc pilote de trois éoliennes d’une puissance de 8 MW chacune capable d’alimenter une ville de 40 000 habitants. Un projet titanesque qui nécessite un investissement de 200 millions d’euros.
Le port accueillera la base industrielle de Provence Grand Large en 2019
Si la mise en service de cette ferme éolienne est prévue pour la fin de l’année 2020, elle doit encore franchir de nombreuses étapes notamment réglementaires car elle se situe sur un périmètre naturel très protégé. « Conservatoire du littoral, associations de pêcheurs, aviation civile et militaire, parcs naturels… autant d’acteurs à consulter pour avancer en bonne intelligence. C’est passionnant mais ça prend du temps », avance Philippe Veyan, le directeur du projet Provence Grand Large pour EDF énergies nouvelles. Au total, plus 1 000 réunions ont été organisées ces deux dernières années. Ainsi, les autorisations réglementaires devraient être obtenues avant la fin de l’année et l’enquête publique sera lancée cet été. « Mais c’était prévu et on tient notre planning », assure Philippe Veyan. Côté technique, il poursuit ses travaux avec ses partenaires comme Siemens qui fabrique les éoliennes ou encore SBM Offshore qui conçoit les flotteurs en partenariat l’institut IFP énergies nouvelles. EDF énergies nouvelles va également lancer d’ici la fin 2018 un appel d’offres pour sélectionner le fournisseur des câbles dynamiques qui achemineront l’électricité vers le réseau. Aujourd’hui, ce sont 20 emplois à temps plein qui sont consacré chez EDF pour ce projet mais à terme, plusieurs centaines de personnes seront mobilisés sur le chantier. Ils travailleront essentiellement sur les bassins ouest du port de Marseille-Fos. La base de fabrication des flotteurs et d’assemblage des éoliennes doit s’installer sur un terrain de 8 hectares au quai Gloria à Port-Saint-Louis du Rhône. Une réunion est prévue en septembre pour poser les bases de cet outil industriel et définir les conditions de l’autorisation d’occupation temporaire délivrée par le grand port maritime. Une fois ces détails réglés, le chantier doit réellement démarrer au début de l’année prochaine pour une mise en service en 2020 : « Nous serons alors la deuxième ferme flottante au monde en fonctionnement après celle inaugurée en Ecosse l’an dernier », affirme Philippe Veyan.
Les pros dans les starting blocks pour le lancement des fermes commerciales
« Les fermes pilotes sont une étape essentielle pour la filière mais maintenant, il faut passer la seconde », prévient Olivier Pérot, le président de France énergie éolienne. L’association des professionnels du secteur attend avec impatience le feu vert de l’Etat pour passer à l’étape commerciale. Le gouvernement prépare actuellement le prochain appel à projets pour le lancement des fermes commerciales. « On se prépare déjà et on espère qu’il arrivera dans le courant de l’année prochaine », annonce Patrick Baraona, le directeur du pôle mer Méditerranée. Les entreprises attendent avec impatience ce feu vert de Paris car le potentiel économique est énorme. Rien que sur les fermes pilotes de Provence Grand Large, la Région Paca estime les retombées potentiels à 60 millions d’euros avec la création de 200 emplois directs et 500 indirects. Les fermes commerciales s’étendront à une toute autre échelle : « On parle ici de 50 à 80 éoliennes d’une puissance de 8 à 10 MW chacune », avance Patrick Baraona. Un véritable parc éolien flottant qui pourrait générer à lui seul 500 millions d’euros ! Les attentes sont donc grandes chez les grands opérateurs et encore plus pour les PME du secteur : « Si on ne se lance pas maintenant, on va créer une rupture entre le déploiement technique et la phase commerciale qui risque de faire souffrir les petites entreprises qui ont besoin de visibilité. On attend plus d’agilité et de réactivité de la part des acteurs publics », insiste Olivier Pérot. Dernier signe de l’activité de l’État sur le dossier, la préfecture a reçu en début d’année un courrier du ministère de la transition énergétique pour définir une zone d’accueil potentielle de 1 500 à 3 000 km² au large de Fos pour accueillir les futures fermes flottantes. Ce périmètre doit rapidement être précisé pour lancer l’appel d’offres. Si il intervient l’an prochain, les candidats pourraient être sélectionner en 2020, « ce qui nous amène à une installation aux alentours de 2024-2025 », estime Patrick Baraona, « Ça reste raisonnable comme timing mais il faut aller vite si on ne veut pas perdre la compétition mondiale », ajoute-t-il.
L’éolien flottant a le vent en poupe en Provence
Si Provence Grand large promet de garnir les carnets de commandes des entreprises locales, la filière de l’éolien flottant n’a pas attendu l’État pour se développer. La métropole Aix-Marseille accueille un vivier de champion du secteur qui a su s’imposer bien au-delà de ses frontières. A La Ciotat, Ideol est passé par exemple du stade de start-up à celui de PME prometteuse avec 60 salariés et un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros. Avec son système floatgen, elle est la première société à avoir mise à l’eau une éolienne flottante en France et engrange désormais les contrats aux quatre coins du monde : Royaume-Uni, Japon, en Chine… Devenue bankable, l’entreprise a annoncé au Fowt jeudi 26 avril l’arrivée d’un nouvel actionnaire, le fonds d’investissement Hong-kongais Kerogen qui injecte 12,5 millions d’euros à l’occasion d’un nouveau tour de table de 15 millions au total. Ideol a également signé le même jour un contrat avec l’australien Macquarie pour le développement de plusieurs chantiers au Japon. La PME va d’ailleurs prochainement créer une filiale au pays du soleil levant pour y asseoir sa présence.
Sa voisine ciotadenne, Principia, s’est également taillé une place de choix sur le marché de l’éolien flottant. Société d’ingénierie spécialisée dans les réalisation de plateforme offshore pour le secteur pétrolier, elle a su transposer son savoir-faire sur l’éolien en mer. Principia a notamment réalisé les analyses sur la fameuse ferme flottante Hywind en Écosse. Son chiffre d’affaires dépasse désormais les 15 millions d’euros et elle emploie 80 personnes à La Ciotat, Nantes et Singapour. A l’occasion du Fowt 2018, elle a signé un accord avec le danois LIC « qui complète parfaitement nos activités car ils sont bien placés sur l’éolien posé », explique Benoît Chassé, responsable commercial chez Principia. Un partenariat qui pourra peut-être un jour se transformer en mariage pour donner naissance à un géant du secteur.
« C’est tout le secteur industriel qui profite de l’essor de cette nouvelle filière », explique Patrick Baraona. Le ralentissement des investissement dans le secteur pétrolier a provoqué un basculement des entreprises vers l’éolien. Le pôle Mer Méditerranée a recensé localement plus d’une centaine d’entreprises capables de prendre le virage. Certains gros ont déjà commencé comme Bourbon, Cnim ou Jifmar… Mais pour opérer ce virage, il va falloir imaginer de nouvelles formations qui sont encore rares dans la région.
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