« Mourir de vieillesse n’est pas une fatalité », par ces mots, le longétiviste belge, Didier Coeurnelle, pose les jalons de ce que permettent d’envisager les derniers progrès techniques dans le domaine médical : un prolongement considérable de la vie. Face à lui, le public venu assisté à la conférence de clôture du Health Future Show reste incrédule : « Croyez-vous réellement que l’on puisse devenir immortel ? », demande un jeune homme sceptique de l’audience. « Non, ce n’est pas envisageable », avoue le vice-président de l’association française transhumaniste. S’il ne semble pas possible de vaincre la mort, il reste persuadé que rien ne nous empêche de la repousser : « Neuf décès sur dix sont liés aux maladies du vieillissement. Dans la nature, ce n’est pas la norme. On connaît des plantes qui n’ont pas de limites de temps et certains animaux peuvent vivre jusqu’à trois ou quatre siècles. C’est une question de milieu idéal pour eux, de progrès technologique pour nous », ajoute Didier Coeurnelle. À ses côtés, le docteur Jacques Mateu, chirurgien plasticien, semble persuadé de la capacité de la médecine moderne à repousser les limites actuelles de la mort : « À la fin du siècle, nous pourrons vivre jusqu’à plus de cent cinquante ans si nous investissons massivement dans les biotechnologies, la génétique et les intelligences artificielles », affirme le médecin.
Le numérique s’attaque aux maladies du vieillissement
En septembre 2013, le Time Magazine titrait en une : « Google peut-il résoudre la mort ? » à la suite de l’annonce du géant de Mountain View du lancement de Calico, une entreprise consacrée au défi de l’âge et des maladies associées. Si les travaux exacts de la firme dans le domaine de la santé restent très mystérieux, son intérêt est réel. L’investissement s’élève à plusieurs milliards de dollars pour ce projet à long terme où Google est persuadé que ses compétences en gestion de données lui offrent un coup d’avance. Très vite, il a été suivi par les autres géants du numérique : Facebook, Microsoft, Apple, Amazon… Tous se jettent dans la bataille contre le vieillissement en investissant dans des jeunes entreprises prometteuses. En juin dernier, Microsoft a mis la main sur la pépite française Median, spécialisée dans l’interprétation médicale. En septembre dernier, Verily, la filiale santé d’Alphabet (Maison-mère de Google), a créé une co-entreprise avec Sanofi pour développer des objets connectés pour lutter contre le diabète. Le monde du numérique et de la santé est en train de se confondre dans la course à l’immortalité et cela se ressent jusqu’à Marseille. Par exemple, la start-up Genepred, basée à Luminy, utilise les mathématiques et l’informatique pour prévenir certains cancers par analyse du génome. Sur le même campus, HalioDX utilise également des outils logiciels pour détecter certains cancers. « Pour avancer dans le domaine de la santé, la puissance informatique est indispensable », confirme Marc Roux, le président de l’association française transhumaniste également présent sur le plateau du Health Future Show. Mais toutes ces avancées techniques posent de nouvelles questions éthiques sur l’avenir de l’être humain et la pratique de la médecine.
L’amélioration de l’être humain nuira-t-elle aux conditions de vie ?
Si la perspective de repousser les limites de l’âge de la mort au-delà de plusieurs centaines d’années en effraient certains, l’un des pères du mouvement transhumaniste, James Hughes reste confiant. Sur le risque de surpopulation et de dégradation de l’environnement par l’homme, il répond que « ce n’est pas un problème si nous concentrons nos efforts pour trouver des solutions technologiques. Je pense que la population se stabilisera à hauteur de 10 milliards d’individus dans un avenir proche et pour ne pas impacter l’environnement et protéger nos ressources, il existe de nombreuses solutions techniques ». De plus, il semble que la hausse de l’espérance de vie dans la plupart des pays soit corrélée avec une baisse de la natalité, régulant ainsi les populations. Mais si la plupart des intervenants trouvent des bénéfices à l’amélioration de l’être humain par la technique, ils alertent sur la prise de conscience indispensable qui doit en découler : « Ces évolutions vont poser de graves problèmes économiques et sociétaux. Il faut s’assurer de ne pas augmenter les inégalités et que notamment toutes les populations puissent accéder au progrès », prévient Jérôme Goffette, professeur en histoire de la médecine à l’université Claude Bernard de Lyon. Il va falloir également modifier les parcours de vie et notamment le rapport au travail : « Nous projeter dans une vie en bonne santé nous oblige à repenser la retraite, l’employabilité mais surtout l’éducation. Cela peut nous permettre d’avoir plusieurs vie en une, de se former à de nouvelles compétences pour imaginer des parcours professionnels différents au cours d’une même existence », avance Marc Roux.
Le progrès technique à l’origine d’une révolution sociétale
L’avènement des intelligences artificielles impacte également les modèles économiques. Par exemple, IBM a lancé le logiciel Watson qui tendrait à remplacer les agents commerciaux dans les banques. De nombreuses professions seraient ainsi amenées à disparaître à moyen terme. D’autres à évoluer comme celle de médecin. « L’innovation technologique est un plus pour la médecine mais les praticiens doivent rester un accompagnant du patient. Cette relation va prendre d’autant plus d’importance au fur et à mesure que les gens voudront s’améliorer grâce à la technique. On ne doit pas le refuser en bloc mais s’assurer que c’est un réel besoin », explique le docteur Mateu. Et face à cette révolution technologique, les politiques doivent prendre leurs responsabilités pour s’assurer de la maîtrise des risques. « Mais ce sont les entreprises et les chercheurs qui vont porter ce changement, ce sont eux qui prendront les risques. Ainsi, même si certains trouvent que nos idées sont de la science-fiction, je les enjoins à y réfléchir dès à présent. Leur responsabilité quant à l’avenir de l’homme est énorme et ils doivent se préparer avant de prendre des décisions économiques qui pourraient avoir des conséquences terribles pour nos enfants », conclut Marc Roux.