Pour Matthieu Capuono, président du cabinet d’expertise comptable et commissariat aux comptes Crowe Ficorec, partenaire du baromètre régional des levées de fonds produit par Gomet’, relève plusieurs faits sont marquants des derniers chiffres révélés le 8 juillet pour la période du 1er semestre 2024. Analyse.
La RSE devient un enjeu économique
Des opérateurs innovent pour répondre aux changements des modes de vie comme Qommute sur la mobilité. Cet enjeu plutôt “green” et RSE s’affirme sur le marché.
La Varappe, avec sa belle levée de fonds, ouvre la voie à d’autres acteurs. Il y aura de plus en plus de levées dans l’écosystème de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui représente, une part importante du PNB de la région, qui emploie beaucoup de monde et qui aujourd’hui fait face à de nombreux besoins d’investissements. Il y aura de nouveaux acteurs ou des acteurs traditionnels qui vont développer des nouvelles approches.
Mais force est de constater que nous sommes encore sur des schémas assez traditionnels. On pressentait, on avait imaginé lors des précédentes présentations de ce baromètre, que les indicateurs extra-financiers seraient pris en compte. Ce qui n’apparaît pas encore.
La transition est en train de se faire. Il faut maintenant trouver les bons indicateurs et les opérateurs. Les entreprises plutôt jeunes, arrivent souvent avec ce “mindset” directement intégré dans leur stratégie. Les entreprises plus traditionnelles doivent opérer cette bascule pour aller chercher des nouveaux fonds, mais ça prend un peu de temps, ces transitions sont rarement brutales, elles demandent le temps de la conversion et de la mutation… c’est plutôt une transition douce.
La question du foncier est un enjeu du développement territorial
Les chiffres à la baisse des investissements à Marseille même, sont inquiétants. C’est un véritable enjeu territorial que de libérer du foncier pour les industries. Malheureusement les chiffres annoncés lors de la soirée du Forum de l’immobilier en avril dernier, confirment que l’ensemble des programmes s’oriente vers le tertiaire. Nous sommes à la baisse en comparaison à d’autres territoires. Les entreprises quittent Marseille pour sa périphérie. Nous savons que les enjeux sont à moyen terme et que la tendance s’accentuera. Les entreprises maintiennent leur siège social, mais n’ont pas d’espace pour développer une activité industrielle. Le projet Euromed II sortira beaucoup de foncier mais principalement du tertiaire et des infrastructures de vie quotidienne (écoles)
Pour développer une industrie, il faudra aller sur la zone de Rousset, sur Meyreuil, voire peut-être même encore un peu plus loin. La tendance sera d’avoir un centre de décisions à Marseille ou Aix pour se rapprocher des donneurs d’ordre et des financeurs, mais dans le même temps d’avoir une activité opérationnelle plus importante dans les territoires autour des métropoles, parce que le foncier y est encore disponible. Mais l’aménagement territorial, la voirie, les écoles, les transports devront suivre !
Les défis de la réindustrialisation
Les enjeux de l’industrie se portent vers la zone industrialo-portuaire de l’Étang de Berre ou vers Fos. Si les projets annoncés se concrétisent, nous aurons alors un niveau de levées exceptionnel : les projets sont très, très, très consommateurs de capital. On parle en milliards sur l’étang de Berre. Il suffirait qu’il y en ait un, pour voir exploser la courbe des investissements !
Le numérique poursuit sa course en tête car dès qu’on développe un projet aujourd’hui, il est forcément numérique. La tendance est à la baisse pour le “go-between”, pour les plateformes de mise en relation, (B to C ou B to B to C avec marge). Cependant, ces plateformes développent des nouvelles approches en complément d’une approche commerciale. Marseille reste attractive pour ces projets car ils bénéficient des infrastructures adaptées à leurs activités, notamment avec les câbles sous-marins. Étant le premier nœud de raccordement de télécommunications du Sud de l’Europe, Marseille déjà à la 9e place mondiale des hubs numériques est en passe de se hisser dans le Top 5. Pour autant, leurs industries se situent ailleurs et seules les têtes de pont commerciales s’implantent sur notre territoire.
L’énergie, quant à elle, renforce sa position dans notre région avec des entreprises comme Tenergie et TSE qui poursuivent le financement de leur croissance.
Les cycles des tours de table ont tendance à s’allonger
Les cycles observés l’année dernière étaient de plus en plus longs, et nous observons la même tendance avec des cycles de six mois, voire un peu plus aujourd’hui. Certains projets demandent plus de maturation car les opérateurs de financement sont aussi beaucoup plus exigeants.
Nous vivons un retour à la normale avec des dirigeants plus prudents qui connaissent des épisodes de crises successifs (la pandémie de Covid, la guerre en Ukraine, le conflit Israël Palestine, les élections, la dissolution de l’Assemblée nationale…). Donc les entreprises qui ont un besoin de financement y vont, mais celles qui le peuvent se laissent la possibilité d’attendre des conditions plus favorables avec la baisse du taux de la BCE annoncée il y a un mois. Ceux qui n’ont pas un besoin urgent de financement, décalent certaines opérations ou en tout cas, mettent plus de temps parce qu’elles n’ont pas forcément envie de souscrire avec les taux actuels qui sont hauts.
Matthieu Capuono
En savoir plus :
L’intégralité des opérations de levée de fonds au 1er semestre 2024 à retrouver dans Gomet’ L’Hebdo