Le préfet a pris acte le 23 décembre de la décision du tribunal administratif qui a confirmé le 16 décembre dernier la nécessité de réaliser des travaux de mise en sécurité des dépôts de scories (déchets industriels constitués de résidus de fonderie renfermant intrinsèquement une pollution concentrée en arsenic et en plomb non lixiviables) sur le littoral sud de Marseille, entre le Mont Rose et Callelongue. Autre injonction et non des moindres, la dépollution de l’ancienne usine Legré Mante située dans le quartier de La Madrague de Montredon dans le 8e arrondissement de Marseille.
14 millions d’euros de travaux d’ici juin 2028
La juridiction exige la mise en sécurité des sites pollués définis comme prioritaires dans le site sensible du parc des calanques. Les opérations pourraient être élargies, selon des modalités qu’il appartient à l’État de définir, si des mesures de sécurisation complémentaires s’avérent nécessaires. En conséquence, l’État doit mener à bien la démarche de dépollution dans les délais prévus. « Ces travaux particulièrement complexes et d’un coût global estimé à 14 millions d’euros, visent à mettre en sécurité d’ici juin 2028, 20 dépôts de scories dans les calanques entre le Mont Rose et Callelongue à Marseille » explique la préfecture dans un communiqué.
Legré-Mante : Gingko et Constructa responsables de la sécurisation du site
S’agissant du site de l’usine Legré-Mante, le tribunal administratif tire les conclusions des jugements qui ont prononcé l’annulation des permis de construire de Gingko et de Constructa. Il demande à l’État d’intervenir auprès du propriétaire du site, qui, bien que n’étant pas à l’origine des pollutions, s’est substitué à l’exploitant industriel, afin qu’il procède à des opérations de sécurisation du site. En parallèle, l’État devra mettre en place des mesures de servitude d’utilité publique afin d’encadrer et de limiter l’usage des sols de ce secteur précise la préfecture.
Une vie industrielle du 19e jusqu’au début du 21e siècle
Secteur recherché par les industriels au 19e siècle, compte tenu de sa position stratégique à la fois éloignée de la ville pour préserver la tranquillité des citadins et proche de la mer pour le transport, Hilarion Roux implante en 1876 à la Madrague de Montredon une usine de traitement de plomb et de zinc. C’est à cette époque que la cheminée et son grand conduit (plus de 1000 mètres de long), faisant partie du patrimoine du site, sont construits. Rachetée en 1885 par la famille Legré qui s’allie à la famille Mante trois années plus tard, l’usine est transformée et produit jusqu’en 2009 de l’acide tartrique utilisé notamment dans la conception de boissons, le polissage de métaux et la production de comprimés effervescents. Elle a aussi fabriqué de la soude, de l’acide sulfurique, de l’acide citrique et du sel de Seignette. L’activité a engendré diverses pollutions du milieu, notamment sous la forme de dépôts de scories terrestres visibles. Faute de pouvoir engager la responsabilité des entreprises qui sont à l’origine de ces pollutions, car disparues ou inconnues, le code de l’environnement désigne l’État comme responsable ultime.
Des sources de pollution toujours présentes
Après sa liquidation judiciaire le 24 juillet 2009, en l’absence de toute gestion de ses déchets, l’usine a laissé des vestiges de construction délabrés et un terrain très fortement pollué. On y trouve un crassier et un empilement de très nombreux résidus laissés sur place, contenant principalement des métaux (plomb, cadmium, cuivre) et des métalloïdes (arsenic), bien connus pour leur forte toxicité dénonce le CIQ St Anne. Le rapport de la Mission régionale de l’Autorité environnementale (MRAE) observe dans son avis rendu le 31 août 2022 : « L’étude d’impact identifie et localise les sources de pollution potentielle pour l’environnement encore présentes, dont certaines très concentrées : sur les parcelles A et C : six zones limitées et accessibles dans les sols de surface (pollution concentrée en hydrocarbures, en cyanures totaux et en mercure) et deux zones moins accessibles, dans les sols profonds (concentrées en cyanures et en mercure) ; sur la parcelle B : remblais de résidus industriels (pollution concentrée en arsenic et en plomb).»
Le tribunal administratif de Marseille a rendu ses jugements à la suite d’une vingtaine de recours formés par des particuliers et associations concernant des demandes d’indemnisation résultant de la carence de l’Etat face aux pollutions issues des activités situées sur le littoral sud de Marseille.
Liens utiles :
Le rapport de la Mission régionale d’autorité environnementale sur le projet de réhabilitation de Legré-Mante (2022)
Le projet de Gingko et Constructa sur le site de Legré-Mante présenté en 2018
Legré-Mante dans les archives de Gomet’