Pas de migraine pour les migrants
A regarder la participation aux deux manifestations antagoniques qui saluaient, ce samedi l’arrivée, de quelques nouveaux migrants à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, le sort de ces pauvres gens ne semble pas donner des migraines à beaucoup. Quelques dizaines de frontistes d’un côté, rameutés par le sénateur Stéphane Ravier qui peut ainsi détourner les regards de sa gestion chaotique de la mairie du 7ème secteur. De l’autre, trois centaines d’opposants réputés anti-fascistes et souhaitant la bienvenue aux nouveaux arrivants. Pas de quoi enlever à une majorité de Marseillais la conviction que l’information du jour reste la défaite de l’OM à Montpellier, malgré la renaissance annoncée par ses nouveaux dirigeants. Faut-il se réjouir pour autant de cette incapacité de l’extrême droite à mobiliser sur un de ses thèmes favoris ? Ce serait imprudent, car Mme Le Pen s’adresse d’abord à ceux qu’elles nomment « les invisibles ». Ceux qui considèrent que leur bulletin de vote vaut bien des barricades. Et à ce jeu souterrain, le FN n’en finit pas de prospérer et des électeurs de droite et de gauche de migrer vers lui.
Coup de balai et tutelle
Dans un entretien accordé au Point, dans sa dernière livraison, notre confrère et écrivain Xavier Monnier (auteur des « Nouveaux parrains de Marseille. L’emprise mafieuse » chez Fayard) préconise une mise sous tutelle préfectorale de la ville, comme l’a été un temps une autre mégapole méditerranéenne, Rome. Le journaliste part du constat que Jean-Claude Gaudin, avec 109 000 suffrages aux dernières municipales, n’est pas qualifié pour représenter plus de 800 000 Marseillais. Et qu’il faut renouveler la classe politique locale et changer le mode de gouvernance. Tout un programme comme dirait l’autre, qui vise d’abord à sortir la ville d’une dérive mafieuse que croit déceler Xavier Monnier. Des chercheurs – sociologues et politologues notamment – s’inscrivent en faux et estiment que la qualification de « mafia » n’est pas adaptée à une analyse approfondie de la problématique phocéenne. On ne tranchera pas, mais on peut entendre ce que dit Monnier, à défaut de l’approuver. On peut rappeler aussi qu’avant la guerre, après l’incendie tragique des Nouvelles Galeries de 1938 qui avait fait 70 victimes, le maire Henri Tasso fut destitué et la ville placée sous tutelle. Elle y gagna un corps de marins pompiers organisé et efficace, mais n’empêcha pas les pires, dont un certain Sabiani, de prendre le pouvoir et de s’y vautrer avec l’aide du grand banditisme. En sommes-nous là ? Sans doute pas, mais Monnier a raison de sonner le tocsin avant que l’incendie ne gagne à nouveau.
A défaut d’un plan Marshall
D’aucuns regrettent que l’on n’y ait pas eu recours. Guy Teissier le premier. Le député qui ne cache plus son hostilité frontale au maire, Républicain comme lui, estime qu’on a raté la rénovation de l’hyper-centre et que l’on a agi au coup par coup, avec des programmes dispersés, plutôt que d’établir une stratégie globale et surtout concertée. Comme nous l’avons écrit à maintes reprises la communication ne fait pas tout et le commerce, qui est consubstantiel à cette ville autrefois triomphante dans le négoce, est en grande souffrance. Certes on peut se féliciter ici (notre photo) de la belle rénovation du Centre Bourse, de la réémergence d’une belle enseigne comme Cacharel, de perspectives alléchantes aussi comme l’animation programmée du périmètre du vélodrome. Mais force est de constater que tout cela, n’en déplaise à Mme Solange Biaggi, adjointe chargée du commerce, s’est fait sans cohérence, sans plan d’ensemble et, disons-le tout net, sans vision. La faute à qui ? D’abord à la réalité têtue qui fait que Marseille n’est pas une ville, mais 110 villages. Chacun du coup y va de son intérêt micro-local et pas un élu ne peut passer outre. Ensuite, il est évident que dans cette bataille quotidienne l’artillerie lourde – les grands groupes de la construction comme ceux du commerce – ont une puissance de tir supérieure à celle des fantassins du petit commerce et de ceux qui les font vivre, les utilisateurs. Lorsqu’on regarde le palmarès de l’attractivité des villes, on constate que Marseille n’a pas la place qui devrait lui revenir si l’on tient compte de son potentiel. Et à y regarder de près pour Toulouse, Bordeaux, Lyon ou Nantes chacune de ces villes a réussi son centre.
Apprendre à recevoir
Attentats aidant si l’on peut dire, certains prônent l’urgence d’un plan, pour donner un élan nouveau au tourisme dont les indicateurs sont à la baisse. Valérie Pécresse est de ceux-là et elle souhaite que la région Ile-de-France qu’elle préside, soit en pointe dans la bataille à mener. Renaud Muselier vice-président de la région lui fait écho, et il plaide, à Bruxelles, pour faire de Marseille une capitale du tourisme. Parmi les recommandations, Mme Pécresse veut favoriser l’apprentissage de l’anglais. Bonne idée adaptable au terreau marseillais. On sait en effet que dans notre bonne ville et particulièrement sur nos terrasses le langage des signes est parfois plus pratiqué que la langue de Shakespeare. [pullquote]« Je boirai bien un croissant ! »[/pullquote] Ce week-end, j’ai testé une nouvelle manière de recevoir dans un établissement des terrasses du port. Je n’avais pas encore posé mon séant, qu’une serveuse m’interpelle : « vous savez ce que vous voulez boire ». Ayant vu récemment l’exposition Magritte à Beaubourg j’ai failli lui répondre : « je boirai bien un croissant ! » Heureusement, pour me faire retrouver le sourire, je me suis souvenu des accents que m’avait récemment donné à entendre dans ses annonces l’hôtesse du Mucem en Anglais, Espagnol et Français. Au début des années 90 un certain Bernard Tapie avait lancé à Marseille une école des vendeurs. L’urgence pour Marseille aujourd’hui est de mettre en place des formations au « savoir accueillir ».
L’après primaires s’annonce à l’orage
A lire les messages ou à entendre les discours des centristes d’une part, et, d’autre part, des Républicains, il va falloir une dextérité de chirurgien pour reconstituer l’unité de la droite marseillaise. Si l’on constate aujourd’hui que quelques-uns frappent très fort – Maurice Di Nocéra, Renaud Muselier – sur leurs adversaires et néanmoins amis, on aura remarqué l’habile neutralité de Jean-Claude Gaudin, qui sait qu’il ne sert à rien d’insulter l’avenir. Comme il aime à le confier, en parcourant les pages de son histoire ou celle de ses amis, il en passe tant d’eau sous les ponts et elle n’est pas toujours très claire. Il y a fort à parier qu’il se fera une fois de plus, que ce soit Juppé ou Sarkozy, un devoir de rassembler tout ce petit monde. Ancien professeur, il sait qu’après le chahut, les élèves retrouvent toujours leurs esprits en pensant au classement final. Et puis, ils ont sous leurs yeux l’exemple de cette gauche qui tenait tous les manches à balai et qui, à force de tirer dessus dans tous les sens, a fini par une chute libre dont elle ne voit plus la fin.
Les tarifs en roue libre
Vous avez aimé les tarifs prohibitifs des parkings du centre-ville ? Vous allez adorer les hausses qui s’annoncent pour les parcmètres et autres vignettes pour résidents. La municipalité a décidé de faire la guerre aux automobilistes. Une saignée plutôt qu’un vrai remède. Comme toujours. Qu’on ne vienne pas argumenter en défense pour rappeler que la pratique du vélo est quasiment impossible ici. Que les transports en commun sont insuffisants. Que le tracé du tramway ne couvre pas la ville d’une manière satisfaisante. Que la L2 n’est toujours pas opérante. Que les axes fluides ont été aussi éphémères que leur communication outrancière… liste non exhaustive. A priori, ce sera « circulez y-a rien à voir ! » Ceux qui sont optimistes peuvent se dire que politiquement la roue tourne. Au casino aussi, mais il y a peu de gagnants.