La semaine a été marquée en Provence par la visite du président Emmanuel Macron à Arles puis Istres, 48 heures à peine après la Conférence nationale des territoires (CNT) qui traitait justement de l’avenir de l’organisation administrative du pays. Un simple hasard du calendrier ou gestion fine de l’agenda présidentiel, pour joindre le geste à la parole ? Les acteurs locaux et nationaux ont tous les cas scruté avec intérêt les annonces formulées lors ce 1er rendez-vous des territoires qui se renouvellera tous les six mois. Le discours du Président, dans la continuité de celui tenu au Congrès et de ses différentes engagements de campagne, a abordé, durant une heure, les grandes lignes de l’organisation « participative » que le nouveau pouvoir veut mettre en place.
Les territoires savent mieux que quiconque ce qui est bien pour eux. Il faut donc construire ce « pacte girondin » sans briser « l’unité nationale » et qui « redonnera aux territoires les moyens d’agir dans une responsabilité partagée. « Il ne s’agit pas pour moi de faire un grand soir institutionnel. Il n’y aura pas de nouvelles grandes réformes. Mais je suis ouvert aux réformes législatives qui permettent de corriger les aberrations qui remontent du terrain. Nous procèderons pragmatiques aux adaptations nécessaires. » Emmanuel Macron caresse les élus locaux. « Je souhaite que nous puissions à partir de la logique de terrain procéder à des réorganisations nécessaires. La réforme n’est pas allée jusqu’au bout de la simplification. L’Etat prendra ses responsabilités pour accroitre son efficacité. Nous n’imposerons pas, nous offrirons des libertés. Quand la logique est portée par les territoires, elle est pertinente. » Et d’envisager même une réforme de la Constitution si elle est nécessaire : « je suis prêt à une révision de de la Constitution. Je suis favorable à ce que l’Etat délègue ses compétences en matière économique, sociale en d’aménagement si l’intérêt local le justifie. »
Mais il veut des engagements. « J’aurai des lignes rouges simples : ne pas accroitre les inégalités et les déséquilibres, pas ajouter des redondances. Je souhaite accompagner les initiatives supprimer les verrous. Cette liberté sera laissée aux élus locaux en relations avec les services de l’Etat. Le droit à l’expérimentation sera simplifié. »
Martine Vassal « reprend la main »
Le matin c’est le Premier insister Edouard Philippe qui avait donné le coup d’envoi de la réunion où se retrouvaient de nombreux ministres élus locaux et parlementaires. Martine Vassal, la présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, faisait partie des représentants des cinq départements français. Une occasion pour elle d’évoquer la spécificité de la Provence alors qu’elle est également vice-présidente de la Métropole Aix Marseille Provence. La collectivité qui peine à accélérer et dont Emmanuel Macron avait souhaité le rapprochement avec le Département lors de la campagne présidentielle. Si dans son discours lundi 17 juillet, le président n’est pas revenu directement sur ce projet, Martine Vassal a abordé directement les ajustements dans plusieurs tweets publiés au cours et après la Conférence : « @AMPMetropole a été faite “au couteau”. Aujourd’hui je travaille à reprendre la main pour travailler conjointement avec le gouvernement. »
Le lendemain, dans un entretien accord à La Provence, elle confirmé la nouvelle donne qui semble s’installer entre le gouvernement et les collectivités : « Nous avons pu travailler en petit comité, aux côtés d’autres présidents de Départements ou de Région, avec le Premier ministre. Ça m’a permis de faire passer des messages, notamment notre expérience de la Métropole. Je leur ai rappelé que sa construction s’était faite à la hache, sans vision et sans argent. Là, une nouvelle page s’ouvre et j’ai remarqué qu’Édouard Philippe avait repris l’idée, que je défends, qu’il ne faut plus que les choses viennent d’en haut, de Paris, pour s’imposer en bas. » Selon la présidente du CD 13, aucun calendrier n’est encore envisagé pour procéder aux ajustements. Des propositions pourraient être faites lors de la prochaine conférence des territoires en décembre. Quant au scénario de la fusion entre le Département et la Métropole il n’apparaît pas pas selon Mme Vassal comme une issue inévitable : « Ce sera à nous de savoir comment monter le Mécano suivant, de monter les étapes de la concertation avec les maires – qui démarrera avec le forum que j’organise à l’Hôtel du département en septembre – et avec le Conseil de Provence. Il n’y a pas d’obligation de fusion à tous crins. Christophe Castaner en a parlé, mais c’était un effet d’annonce. Moi, je retiens la parole du Premier ministre et du président de la République qui ont dit vouloir agir dans le respect de chacun et dans un souci d’efficacité. »
Maryse Joissains ne lâche rien
Georges Cristiani, le président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône s’est réjoui de la montée en puissance de Martine Vassal sur ses sujets. « C’est tout à fait heureux qu’elle défende nos intérêt » a souligné le maire de Mimet. Ce dernier avait déjà ouvertement appelé Martine Vassal à soutenu le territoire lors du dernier Conseil métropolitain. Rencontrée au Conseil régional jeudi 20 juillet après lancement du Contrat avec la Métropole Aix Marseille Provence, Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence, n’a pas caché non plus sa satisfaction. Présente au Sénat avec sa fille lundi, elle se félicite de la posture du gouvernement même si elle ne lâche rien sur le fond. Le discours du président est « construit, intelligent, précis, pas fumeux du tout » et il a dit ce qu’il voulait et ce qu’il ne voulait pas. Ce qu’il veut ce n’est pas forcément ce que je veux mais ce qu’il ne veut pas c’est que je ne veux pas non plus. » affirme Mme Joissains. « Le comportement du Président est positif. C’est quelqu’un qui veut que ça marche?Je vais m’attacher à lui démontrer que la Métropole elle ne marche pas : elle n’est pas attractive, ce n’est pas une métropole économique. On s’endort dans un centralisme administratif phénoménal. » Et de considérer qu’une fusion entre la Métropole et le Département serait une « catastrophe ». « Je suis pour les communes, les départements et les régions ». « La Métropole est une superstructure qui ne sert à rien » souligne-t-elle encore. « Je crois que la Métropole Marseille et la Métropole Aix se justifieraient au sein d’une région qui harmoniserait les deux. » conclut l’adversaire de toujours de la Métropole intégrée.
Muselier en embuscade
L’actuel président de la Métropole, Jean-Claude Gaudin s’est montré plus critique à l’égard d’Emmanuel Macron, s’inquiétant notamment des économies demandées aux collectivités locales (un total de 13 milliards d’euros) et dénonçant une fois plus contre les réformes gouvernementales précédentes couteuses et mal organisées à l’instar de la réforme des rythmes scolaires. Un comportement qui pousse d’ailleurs à nouveau le député En Marche des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert à demander à Jean-Claude Gaudin de se retirer de la présidence : « Monsieur Gaudin doit passer la main sur la présidence de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Dès aujourd’hui, il faut entamer la démarche de fusion d’une partie du Département des Bouches-du Rhône avec la Métropole AMP, pour accélérer notre territoire et enfin être à la hauteur des enjeux actuels et à venir. Son immobilisme sacrifie l’avenir de centaines de milliers d’habitants de notre Métropole. »
Quant à Renaud Muselier le président de la Région et défenseur de longue date du projet métropolitain il a de nouveau considéré cette semaine qu’il fallait aller « plus fort » « L’Etat n’a pas mis les moyens nécessaires au bon fonctionnement de cette nouvelle collectivité. Il a placé notre Métropole dans un entre deux, à la fois financier et institutionnel qui la fragilise. » Avec 120 millions d’aides supplémentaires, le président de la Région ajoute à ses arguments politiques anciens des arguments financiers nouveaux. De quoi aussi renouer avec des ambitions politiques un temps écartées par l’adversité…
Demain la suite: Logements transports, économies, organisation : les principales annonces du “pacte girondin” d’Emmanuel Macron