Pour sa réouverture post-covid, le dernier-né des musées marseillais n’a pas fait les choses à moitié, en proposant trois nouveaux parcours esthétiques.
La présentation la plus déroutante, à même le sol d’une immense salle , au deuxième étage étale des reproductions anonymes, mêlant styles, genres et époques. L’installation est signée Alexandre Perigot, adossée aux collections des fonds iconographiques de Nantes et Rennes, Ajaccio et Villeneuve d’Ascq. Il y a de l’art brut, comme du populaire et du classique. L’auteur a choisi d’appeler l’étonnant assemblage «Mon nom est personne», comme un clin d’œil à Ulysse, antique héros d’Homère, ou au western spaghetti et à Mister Nobody de Jarmush.
Abécédaire floral
En ces temps où la nature se réaffirme comme valeur et enjeu majeur, une flore semblait s’imposer. Afin de garnir une salle d’exposition enchâssée au coeur d’un jardin en terrasses, le Mucem a puisé dans ses collections prodigieuses -plus de trois cent cinquante mille objets- pour illustrer en 26 étapes l’abécédaire des fleurs les plus éloquentes. D’anis à tulipe, en passant par le jasmin (de Grasse) et la violette, toutes les couleurs et senteurs ont pris racine. Ce n’est pas qu’un album végétal, puisqu’on croise aussi dans ces vitrines un pantalon garance, une carte russe d’alerte fleurie sur le sida, ou un gnome de jardin allemand brandissant face au public son doigt d’honneur majeur… Couvert d’or, cet étrange miniature figure à la lettre k, comme kitsch.
Habillé pour la saison
Conseil d’ami au visiteur : ne pas se laisser tromper par le titre «Vêtements modèles» de la principale expo de reprise. L’établissement n’est pas contaminé par la tourmente des passions éphémères pour la plus belle tenue qui éberluera le badaud et enrichira les compagnies du luxe. C’est même tout le contraire, car on a cherché ici à décrire ce qui persiste à travers les âges dans l’habillement humain, en explorant plus particulièrement cinq pièces quasi archétypiques.
La plus ancienne existait déjà voici quatre millénaires chez les Egyptiens et Grecs de haute époque. Elle portait même les corps, puisqu’il s’agit d’une semelle souple faite de fibre végétale tressée, qui sera ultérieurement désignée comme espadrille.
Cet ancêtre du soulier de sport chaussera les élégants pieds de Grace Kelly, quand Hitchcock la filme dans «La main au collet».
Non moins apprécié des sportifs, le jogging, ou survêtement mou et informe, qui libère le corps des rigidités et réchauffe après l’effort. Ce vêtement décontracté qui s’enfile sans bouton ni glissière s’adapte à toutes les morphologies. Si bien qu’on peine à imaginer un vestiaire de jeune marseillais qui en soit actuellement dépourvu. A l’instar de la casquette ou de la capuche, cet habit élastique se porte dans la rue comme à la maison.
Débarder
Autre tenue qui libère, et permet l’effort : le débardeur, ou Marcel, de son petit nom. Un tricot largement décolleté et sans manche. A l’origine, ce maillot de lutteur, ou d’haltérophile, incarne la force et la virilité. Débarder, en effet, c’est décharger des marchandises, et transpirer abondamment. Le boulot du docker ou du camionneur-livreur. Ardemment sexualisé, ce sous-vêtement ne saurait rester apanage masculin.
Dès l’entre-deux guerres, les femmes s’en emparent, tel l’étendard d’un corps libéré des corsets cherchant à l’entraver. L’épaule dénudée séduit les séductrices, qui en profitent pour jeter le soutien-gorge par dessus les moulins et les ligues de vertu.
Également issu du monde du travail, jusqu’à en devenir la couleur emblématique – «col bleu» -, le bleu de travail, solide et confortable traverse à son tour les décennies .
Bien avant Mao et ce que les Américains baptiseront «frenchworkerwear», la veste bleue à trois poches précédera la salopette et la cote. Même un parlementaire, d’origine ouvrière, défrayera un jour la chronique en portant ce veston coloré sur les bancs de l’Assemblée nationale. En filmant un paysan de Lozère aux traits aussi burinés que sa tenue est patinée , Raymond Depardon confirme une pratique populaire et séculaire.
Enfin le kilt. Voila bien un habit trans genre, créée en Écosse au XVIe siècle, cette jupe pour homme deviendra l’uniforme bariolé des collégiennes britanniques au long des années soixante. La scène rock s’emparera avec délectation de ces tissus aux carreaux en tartan. Le tout provenant du verbe anglais kilt : retrousser.
Informations pratiques et liens utiles :
A découvrir jusqu’au 6 décembre 2020
Gratuit jusqu’au 20 juillet.
Rendez-vous au Mucem dès le 29 juin !
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