Le Conseil municipal a voté mercredi 13 décembre la vente de l’ancien couvent et collège des Prêcheurs ainsi que du déambulatoire de l’église de la Madeleine à l’héritière de la dernière femme du peintre pour 11,5 millions d’euros.
La collection est qualifiée de « triplement exceptionnelle » par Maryse Joissains. Plus de 2 000 œuvres, dont plus de 1 000 peintures, constituent ainsi « la plus importante collection au monde des œuvres de cet artiste majeur du XXe siècle ». Ensuite, par la diversité des périodes créatives de Picasso, avec une présence particulièrement dense de la période 1952-1973, au cours de laquelle Jacqueline et Pablo ont vécu ensemble, jusqu’à la mort de ce dernier. Enfin, par la présence des formes les plus diverses d’expression de l’artiste : céramiques, dessins, sculptures, tôles peintes, photos, etc. « Le musée exposerait ainsi des tableaux inédits, jamais vu auparavant, argue Odile Bonthoux, conseillère municipale et rapporteure de ce projet. Certains portraits de Jacqueline Picasso avaient déjà été exposés à Landerneau en Bretagne en août dernier et ont attiré 250 000 visiteurs. C’est une aubaine pour Aix-en-Provence. »
Maryse Joissains confirme qu’ « il s’avérait opportun d’accepter l’ouverture des négociations avec la société Madame Z, détenue par Catherine Hutin, la fille de Jacqueline Picasso ». Le 2 octobre, celle-ci avait formulé une offre d’acquisition de 11,5 millions d’euros. Les services des domaines ont quant à eux évalué à plus de 12,6 millions d’euros l’ancien couvent ainsi que le déambulatoire le 14 novembre dernier. Maryse Joissains rappelle que « l’évaluation domaniale ne lie pas juridiquement la Ville et qu’il est possible d’y déroger. Les éléments caractérisant un fort intérêt local justifient pleinement qu’il soit consenti un abattement de prix de 8%. »
Pour le maire, ce troisième musée Picasso de France constitue une occasion en or de redynamiser le centre-ville. « Les 4 600 m² permettent d’en faire un projet homogène, cohérent et prestigieux », rappelle-t-elle. Le programme, à travers une muséographie innovante, se déploierait sur trois niveaux et permettrait ainsi l’organisation de collections contemporaines temporaires. Il autorise également la réalisation d’espaces d’accueil des publics, un centre de documentation sur l’artiste et des ateliers poterie et gravure ouverts au public, ainsi qu’un auditorium de 200 places. L’objectif de la ville est d’accueillir 500 000 visiteurs par an, soit environ 1 500 visiteurs par jour.
Un droit de retour à la Ville
Mais des contreparties existent dans ce projet d’accord. La société de Catherine Hutin renonce ainsi à céder son bien pendant 15 ans et renonce, sur la même durée, à réaliser un autre projet que celui présenté lors du conseil municipal. L’acquéreuse s’engage également à réaliser le musée dans un délai de trois ans à compter de l’obtention des autorisations nécessaires. « Dans 15 ans, si Catherine Hutin ne souhaite pas poursuivre ses activités au collège des Prêcheurs, celui-ci reviendra dans le giron de la Ville, pour le prix qu’elle a versé », précise la maire.
Catherine Hutin avait déjà mis à l’honneur le peintre dans le pays d’Aix. En effet, c’est elle qui est à l’origine de l’ouverture au public du château de Vauvenargues en 2009, où a vécu l’artiste espagnol et où il est d’ailleurs enterré aux côtés de Jacqueline Picasso. Elle a également déjà prêté une sculpture de Picasso au musée Granet. Elle avait encore prêté 45 céramiques du maître espagnol pour l’exposition Picasso, céramiste et la Méditerrannée qui avait lieu en 2013 à Aubagne.
Un projet qui inquiète certains élus
Charlotte de Busschère, conseillère municipale du groupe de l’opposition Démocratie pour Aix, émet quelques inquiétudes concernant ce projet. « On peut s’interroger sur la solvabilité de l’acquéreur dont la structure juridique, Madame Z, de création récente, n’a aucun salarié. Espérons que ce preneur pourra financer l’investissement de la réhabilitation qu’il a évalué à 25 millions d’euros. » L’élue alerte également sur les contraintes que poseront l’accès de ce musée par des autocars qui déposeront une moyenne de 1 500 visiteurs par jour, soit environ 30 bus quotidiens, sur un site annoncé comme piétonnier et occupé trois fois par semaine par les marchés. « Enfin, j’espère que les études d’impact des travaux d’un projet d’une telle envergure sur les sols et les bâtisses avoisinants seront menées avec la rigueur qui s’impose, ajoute Charlotte de Busschère. Avec un projet de création d’un auditorium en sous-sol de 200 places dont on n’a pas évalué les impacts imprévisibles sur les bâtisses des rues environnantes, alors que l’on sait que la nature argileuse du sol de cette commune peut constituer un élément rédhibitoire, ces dévoiements mèneront à l’assèchement du sol, et risquent de fragiliser irrémédiablement les structures. » L’élue rappelle que le projet de création d’un complexe cinématographique avait dû être abandonné à proximité du Pasino, de même qu’un projet de parking sous le parc Rambot, où la nappe phréatique se situe à trois mètres en dessous de la surface du sol et qui évolue progressivement jusqu’à 80 centimètres en dessous des maisons et jardins.À lire notre précédent article : Aix négocie son musée Picasso