En mars 2023, la région Sud adoptait son plan Or bleu, destiné à protéger la ressource en eau et doté de 3,5 milliards d’euros au total, dont 620 millions fléchés vers la Société du canal de Provence (SCP), détenue à 80% par les collectivités locales. A l’horizon 2038, ce plan vise à économiser 111 millions de mètres cubes d’eau. Un an après, la Région dresse un premier bilan.
A la manœuvre, la société du Canal de Provence a présenté, vendredi 17 mai, ses premières concrétisations. « La force de ce plan, c’est d’avoir élargi les moyens d’intervention de la Région » rappelle en préambule Bénédicte Martin, vice-présidente régionale à l’agriculture et nouvelle présidente de la SCP. Après la sécheresse de 2022, la recherche de la sobriété en eau est passée du stade d’objectif à un impératif vital, malgré le bon état actuel des nappes phréatiques, dû aux précipitations abondantes ces derniers mois.
Plan or bleu : le monde agricole revoit ses méthodes d’irrigation
En premier lieu, la SCP a mené un travail de fond avec la Chambre régionale d’agriculture afin de diversifier les modes d’irrigation. « L’agriculture a souvent été pointée du doigt comme pour sa consommation d’eau. Aujourd’hui, nous sommes en train de prendre conscience qu’il y a une diversité d’usages de l’eau et que chacun doit faire des efforts », souligne Patrick Lévêque, président de la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône. Pour autant, la chambre d’agriculture poursuit avec la Région son travail de modernisation des réseaux d’irrigation, notamment dans le domaine de l’arboriculture, au travers du projet Arb’eau Crau, également appuyé par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. « On pose des capteurs au sol et dans les arbres pour calculer la quantité d’eau que l’on peut économiser, sans impacter la production de l’arbre », explique Patrick Lévêque. En effet, l’enjeu est de faire preuve de sobriété tout en gardant un modèle économique viable pour les agriculteurs locaux.
Gomet’ Planète avec un dossier spécial eau
Autre volet du plan Or bleu, la Région a entamé l’équipement de son bâti scolaire, en équipant les lycées de récupérateurs d’eau de pluie ou en désimperméabilisant les sols. Le lycée Jean d’Ormesson, à Châteaurenard, a ainsi été équipé d’un compteur d’eau avec détecteur de fuites et d’équipements hydro-économes pour les sanitaires et le lavage des sols. Tous les lycées régionaux devraient être équipés de la même manière d’ici 2026. Du reste, la collectivité vient tout juste de lancer des aides à l’adresse des particuliers pour les aider à s’équiper en récupérateurs d’eau de pluie. Pour l’instant, une quarantaine seulement ont été installés depuis le début de l’année. « Nous attendons les demandes des particuliers ! » incite Bénédicte Martin.
« Lever les freins à la réutilisation des eaux usées »
Dans le cadre du plan Or Bleu, le président de la Région Renaud Muselier avait également pris un engagement ambitieux : recycler 10% des eaux usées à l’horizon 2038, une mesure inspirée d’un voyage en Israël, pays précurseur dans la réutilisation des eaux usées. Un engagement qui s’est rapidement heurté aux réticences de l’agence régionale de santé (ARS). « L’ARS s’appuie sur la réglementation pour donner son avis. Tant que les freins réglementaires n’auront pas été levés, que la loi n’aura pas évolué, nous aurons du mal à avancer » analyse Bénédicte Martin.
Malgré ces freins, quelques expérimentations ponctuelles sont menées dans la région. C’est le cas dans les Alpes-Maritimes, où la Métropole de Nice travaille sur le projet Haliotis 2 , pour moderniser sa station d’épuration et lui permettre de recycler cinq millions de mètres cubes d’eaux usées par an. Soit « la totalité des besoins en arrosage des espaces verts et de nettoyage des voiries de la Ville de Nice », précise Arnaud Rostand, directeur technique et innovation de la régie Eau Azur. Une expérimentation rendue possible par la présence d’un réseau d’eau brute, distinct de l’eau potable, dans la zone concernée. Ce qui n’est pas le cas dans toute la région… Outre les freins réglementaires, l’absence d’un tel réseau peut aussi entraver l’expérimentation du recyclage des eaux usées. « Nous devons effectivement réfléchir aux moyens d’acheminer les eaux recyclées en l’absence d’infrastructures dédiées », reconnaît Benoît Moreau, directeur du développement de la Société du canal de Provence.
Transformer l’air en eau, une solution future ?
Dans ce plan Or bleu, la sobriété se couple à l’innovation. Dès juin 2024, la région accueillera une station mobile de production d’eau qui sillonnera les routes, pour s’arrêter spécifiquement dans les zones les plus frappées par les problématiques d’eau. Cette « Tulipe », développée par l’entreprise AirDrink (La Bouilladisse) n’est pas comme les autres : elle transforme littéralement l’air en eau, en captant l’humidité contenue dans l’atmosphère. Selon la Région, cette technologie serait capable de produire 500 à 600 litres d’eau par jour. L’été 2024 sera une phase d’expérimentation, avant d’être proposée comme solution ponctuelle aux communes manquant d’eau à compter de 2025, en période de sécheresse.
En savoir plus :
> Le plan eau régional sur le site de la Région Sud
> [En bref] La consommation d’eau du robinet à nouveau possible à Rognac
> La députée Pascale Boyer (Hautes-Alpes) décrypte le plan « Eau » d’Emmanuel Macron
> Notre rubrique environnement