« Nous voulons à tout prix éviter une guerre des usages de l’eau », martèle Renaud Muselier. Ce vendredi 24 mars, la collectivité qu’il préside, la Région Sud, a voté en assemblée plénière un ambitieux plan « Or bleu » doté d’une enveloppe de 620 millions d’euros. Si le sous-détail des financements n’est pas encore fourni, ce plan comporte un volet dédié à la sensibilisation et à la sobriété hydraulique. « Ce n’est pas une punition. C’est un mode de vie, une adaptation », défend l’élu à l’occasion d’un déjeuner organisé la veille.
Malgré le rejet de son amendement visant à inclure dans ce plan un appel à projets auprès d’entreprises spécialisées dans la désalinisation de l’eau, le groupe d’opposition RN a voté en faveur de ce projet. En effet, si le plan est axé sur le recyclage des eaux usées, la solution de la désalinisation est jugée « pas favorable sur le plan coût bénéfice », estime Bénédicte Martin, vice-présidente régionale en charge de l’agriculture : « La question se pose en outre de la gestion des quantités de sel issues de ce processus. Mais cela reste une question d’innovation à terme », poursuit-elle.
A noter que les 620 millions d’euros acté lors du vote s’inscrivent dans le plan pluriannuel d’investissement qui court entre 2021 et 2038. Pour la période 2021-2023, selon les services de la Région, ce sont 94 millions d’euros qui ont été – ou seront – fléchés vers des projets hydrauliques agricoles, dont 27% financés directement par la Région, le reste l’étant par l’Etat (6%), par les fonds Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural), et par les départements de la Région, en particulier le Vaucluse qui abonde à hauteur de 12 millions d’euros.
Des états généraux de l’eau le 7 juin prochain
Le plan comporte aussi une dimension solidaire entre les différents territoires qui composent la Région Sud. « Nous devons faire travailler ensemble les territoires où l’eau coule et ceux où elle ne coule pas. Chaque problématique est différente sur chaque territoire, il faut donc dresser un état des lieux. » (?)
Pour générer cette solidarité, la Région a d’ailleurs initié des Assises de l’eau en octobre dernier qui réunissent les six présidents de Département. Le 7 juin prochain, cette concertation prendra une autre échelle avec l’organisation des Etats généraux de l’eau pour réunir territoires, associations, et start-up innovantes afin de réfléchir aux solutions.
Le plan« Or bleu » de la Région entend aussi faire la chasse aux fuites d’eau « en investissant massivement dans les infrastructures », conjointement avec la Société du canal de Provence, qui gère ces infrastructures à échelle régionale. De fait, les fuites d’eau constituent une perte d’un milliard de mètres cubes en France chaque année.
Enfin, la solidarité s’opère aussi entre les acteurs. Ainsi, la Région entend maintenir le dialogue avec les instances spécialisées, notamment à travers le monde universitaire représenté par Aix-Marseille Université et les spécialistes de l’eau au sein de la Société du canal de Provence.
La réutilisation des eaux usées se heurte à des problématiques techniques et juridiques
Enfin, la protection de la ressource en eau passera par l’innovation. Le 28 février dernier, le président de Région annonçait une expérimentation pour le recyclage des eaux usées en Provence-Alpes-Côte d’azur. Un projet compris dans le plan« Or bleu », mais qui pourrait cependant ne pas se concrétiser tout de suite. « Nous nous heurtons à des difficultés aussi bien techniques que juridiques », déplore Renaud Muselier.
« Il y a des territoires où il n’y a qu’un seul réseau dédié à l’eau potable. Nous ne pouvons pas y faire circuler des eaux recyclées. Nous attendons d’avoir plus d’expertises pour savoir comment procéder », explique l’élu qui reste néanmoins fermement convaincu de la nécessité de cette solution qui pourrait servir au nettoyage des rues ou encore à l’arrosage des terres. « On avance doucement là-dessus, et on attend de faire le point. Je réalise qu’il y a des gens qui ne veulent pas que le système change et que l’eau des toilettes reste potable. Sauf que cela risque d’être compliqué lorsqu’il n’y aura plus d’eau », s’agace l’élu.
Sur le plan juridique, alors qu’un décret de mars 2022 a ouvert la porte au recyclage des eaux en France, la réalité demeure différente, poursuit-il : « Nous attendons le feu vert de l’Agence régionale de santé. Mais certaines agences peuvent être frileuses avec le fait d’injecter de l’eau non potable au réseau … »
Face à ces incertitudes, le président de Région, interrogé par Gomet’, avoue ne pas savoir à quelle échéance l’expérimentation pourra se concrétiser. « Je ne sais pas ce que le gouvernement et l’ARS vont me dire, mais je peux en tout cas vous dire qu’ils sont obligés de me répondre », assure-t-il néanmoins.
Quoi qu’il en soit, Renaud Muselier a planifié un déplacement en Israël du 21 au 26 mai pour s’inspirer de ce pays qui « recycle 80% de son eau. » Le président de Région dit aussi vouloir s’inspirer des solutions innovantes qui y sont mises en place, comme le goutte-à-goutte pour l’irrigation agricole, la désalinisation de l’eau ou encore l’épuration de l’eau grâce à la lumière ultraviolette.
Les autres votes de la Région Sud
Ce 24 mars, la Région Sud a également voté une série de mesures pour lutter contre l’inflation, « la véritable source d’inquiétude de la population » souligne Renaud Muselier. Au total, 72,4 millions d’euros sont mobilisés pour ces mesures. Certaines déjà mises en place (Pass santé jeunes, bourse d’internes de médecine générale, bourses majors de promo …) voient leur montant augmenté, d’autres sont ou seront mises en place pour la première fois en 2023, notamment l’aide à la transition énergétique des taxis (170 000 euros) ou encore le dispositif Champions du Sud pour aider les sportifs en préparation des Jeux olympiques 2024 (600 000 euros). A noter que l’ensemble de ces dispositifs sont combinables.
La Région compte aussi venir en aide aux petites entreprises avec la mise en place d’un chèque urgence énergie doté d’une enveloppe de 3 millions d’euros, destinée aux artisans, commerçants, TP et boulangers pour faire face à la hausse des prix. Elle consacre en outre 4,3 millions d’euros à ces dispositifs : « Cèdre premiers pas », « Mon projet rénovation » ainsi que « Sud prêt climat.»
Enfin, la Région a acté une aide de 4,78 millions d’euros à destination des pôles de compétitivité et clusters régionaux en 2023.
[Document source] Le rapport sur le plan « Or bleu » voté par la Région Sud
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