Elle était aux côtés d’Emmanuel Macron à Savines-le-lac, jeudi 30 mars dernier, pour l’annonce d’un plan « eau » destiné à préserver cette ressource. La députée de la 1ère circonscription des Hautes-Alpes Pascale Boyer (Ren.) connaît bien ces problématiques : sa circonscription, et le reste du département, est le château d’eau de toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pourtant, années après années, des difficultés se font sentir. L’élue de la majorité présidentielle revient pour Gomet’ sur les annonces présidentielles.
Le chef de l’Etat a choisi les Hautes-Alpes pour annoncer son plan eau. Quels y sont les enjeux en termes de ressource en eau ?
Pascale Boyer : Les Hautes-Alpes sont la principale source d’approvisionnement pour toute la région avec les Alpes-de-Haute-Provence. Le lac de Serre-Ponçon,, avec la Durance, est une véritable colonne vertébrale de l’eau. Si demain les réserves venaient à y manquer, il faudrait en trouver d’autres. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est l’état des glaciers. Dans quelques décennies, il n’y en aura plus. Or, la fonte des glaciers alimente les plaines. C’est vraiment un point qui doit nous interpeler. La première solution est de réduire les gaz à effet de serre et décarboner nos énergies. La situation est urgente. J’ai alerté le Président et le ministre de la Transition écologique à ce sujet lors de leur venue.
« L’état des glaciers est particulièrement inquiétant. Dans quelques décennies, il n’y en aura plus. Il est urgent d’agir. »
Pascale Boyer, députée des Hautes-Alpes
Le président de la République a annoncé une série de mesures réparties en cinq axes majeurs. Que va-t-il se passer maintenant ?
P. B : Le président de la République s’est adressé au ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, qui est maintenant chargé de mettre en œuvre ces grandes lignes. Je n’ai pas entendu parler d’une loi pour l’instant. Cette mise en application se fera sûrement par la prise d’arrêtés.
> Sobriété, tarification… les grandes lignes du plan « Eau » d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a évoqué 170 « points noirs » en termes de fuite d’eau qui vont être aidés financièrement. Parmi ces territoires en difficultés, de nombreuses villes des Hautes-Alpes, dont Savines-le-lac … Les territoires de montagne sont-ils plus sujets aux problématiques de fuite d’eau ?
P. B : La situation en France en matière de réseau d’eau est vraiment disparate. En Provence-Alpes-Côte d’azur, ce phénomène s’observe principalement dans les territoires de montagne comme les Hautes-Alpes, certes, mais aussi les Alpes-Maritimes ou les Alpes-de-Haute-Provence. A contrario, les Pyrénées ne sont pas touchées.
Dans les montagnes, la situation peut être plus complexe car l’eau vient directement des sources. Une même source peut approvisionner plusieurs petites communes, éloignées les unes des autres, ou bien un réseau d’eau peut avoir plusieurs sources. Cela fait un grand nombre de kilomètres de réseau à entretenir. En outre, pour avoir le droit aux subventions, il faut que le prix du mètre cube d’eau soit supérieur à un euro… ce qui fait que de nombreuses petites villes ne peuvent y prétendre pour moderniser leur réseau. Le plan« eau » prévoit 180 millions d’euros pour aider les communes les plus en difficultés.
D’ici le 1er janvier 2026, le transfert de la compétence eau vers les établissements publics à coopération intercommunale sera obligatoire
Pascale Boyer
D’ici le 1er janvier 2026, le transfert de la compétence eau vers les établissements publics à coopération intercommunale sera obligatoire, ce qui déplaît aux maires des communes qui souhaitent garder la maîtrise de leur ressource, notamment pour gérer directement les problématiques de fuites. C’est pourquoi Emmanuel Macron a insisté sur l’importance du rôle des élus locaux dans le plan« eau » afin de rassurer ces maires sur leur implication.
Le président de la Région Sud Renaud Muselier a également lancé son plan « Or bleu » doté de 620 millions d’euros d’ici 2038. Comment ce plan régional peut-il se combiner avec le plan national ?
P. B : Nous l’avons vu lorsque Renaud Muselier a énoncé son plan devant le président : il y a beaucoup de mesures similaires. Par exemple, sur le fait d’acheter des récupérateurs d’eau, mais aussi l’expérimentation de la réutilisation des eaux usées que souhaite mener la Région. Ce dispositif rentre dans l’objectif du Président d’atteindre 10% d’eau recyclée d’ici 2030.
Le président de la République a annoncé des simplifications administratives pour concrétiser cette ambition en matière de réutilisation de l’eau car il y a urgence. La loi Agec (anti-gaspillage et économie circulaire) a déjà permis de poser les bases de la réutilisation des eaux usées. Car avec ce qu’il s’est passé l’été dernier dans le département, on se rend compte qu’il va falloir accélérer… Mais les agences régionales de santé peuvent encore être un peu frileuses sur le plan de la sécurité sanitaire.
> La Région Sud vote un plan « Or bleu » à 620 millions d’euros d’ici 2038
Les mesures annoncées par le Président peuvent-elles permettre de voir une amélioration l’été prochain ? Il a été demandé aux différents secteurs économiques de mettre en place un plan de sobriété d’ici là, l’échéance semble courte…
P. B : Le plan comprend deux phases dont une première phase à court terme qui va axer sur la sobriété. Une application va être mise en place pour permettre aux usagers de vérifier leur consommation en eau, comme pour la consommation énergétique ou l’incitation aux éco-gestes. Des campagnes d’information seront mises en place pour faire comprendre la nécessité d’économiser l’eau.
Pour ce qui est de l’économie, des mesures ont déjà été mises en application cette année. Par exemple, concernant l’hydroélectricité, la production s’est organisée dès l’hiver dernier. Le barrage de Serre-Ponçon, a aussi moins turbiné à partir de février pour préserver la ressource en eau. Il faut continuer à adapter les barrages.
Concernant l’industrie, nous avons aussi des pistes. Un plan d’investissement va être mis sur pied pour aider les entreprises à essayer d’économiser leur eau. Ce plan va être élaboré en concertation avec les 56 industriels qui ont le plus gros potentiel en matière de baisse de consommation d’eau. Cependant, même si cela doit être fait à court terme, je ne pense pas que ce le soit en 2023 car les process sont longs à mettre en place.
La réutilisation des eaux, la sobriété, l’évolution des modèles… Ces mesures sont-elles vraiment novatrices ?
Je ne sais pas si on peut dire que c’est révolutionnaire, mais en tout cas, c’est déjà une volonté politique. Il est important de souligner l’augmentation du budget alloué aux agences de l’eau (500 millions d’euros supplémentaires par an, ndlr) pour aider les collectivités territoriales. Si une commune doit financer son réseau, l’agence de l’eau pourra ainsi fournir des fonds complémentaires, d’autant que le plafond de dépense des agences de l’eau saute, comme l’a annoncé le Président.
Emmanuel Macron a longuement parlé de l’agriculture, secteur très représenté dans les Hautes-Alpes. Comment ce secteur peut-il concrètement évoluer ?
P. B : Il y a déjà pas mal de solutions qui ont été mises en place avec le goutte-à-goutte pour l’irrigation. Maintenant, il faut accentuer là où ça n’a pas encore été fait. L’idée serait de constituer des réserves d’eau, avec des bassines.
Justement, la venue d’Emmanuel Macron a Savines-le-lac s’est déroulée dans un contexte de tensions à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), où un projet de méga-bassines visant à puiser dans les nappes phréatiques notamment pour approvisionner le secteur agricole fait polémique…
P. B : Avec ces systèmes, il peut effectivement y avoir un impact environnemental, mais il faut rester pragmatique. Si prélèvement dans les nappes il y a, il faut s’assurer en amont que le débit des rivières est conservé et que le préjudice sur la nappe reste faible. Le lac de Serre-Ponçon est lui-même une sorte de méga-bassine XXL qui permet de conserver l’eau en prévision de l’été ! En même temps, ce sont des réserves qui ont vocation à revenir à la terre : l’eau n’est ni perdue ni polluée.
« Il est important de préserver l’agriculture pour assurer notre autonomie et notre souveraineté alimentaire »
Pascale Boyer
Il est intéressant de pouvoir stocker l’eau lorsqu’on en a et de l’utiliser lorsqu’on en a besoin. L’agriculture est indispensable à l’autonomie et à la souveraineté alimentaire française. Actuellement, en termes de production de fruits et légumes, nous sommes autosuffisants à 50%. Ce qui signifie que le reste est importé d’autres pays où les normes d’utilisation des produits phytosanitaires peuvent être moins restrictives qu’en France. Pour réduire les importations, il est nécessaire d’accroître notre autosuffisance agricole.
Un des axes évoqués par Emmanuel Macron est la mise en place d’une tarification progressive pour l’utilisation de l’eau. Quand cela sera-t-il effectif ?
P. B : Il n’y a pas encore de calendrier, ce sont vraiment de grandes annonces qui doivent encore être précisées dans les semaines à venir. Personnellement, je suis satisfaite de l’annonce de cette mesure. En tant que parlementaires, il nous faudra bien sûr veiller à ce que les calculs pour établir la tarification soient équitables, et que les critères pour une famille de cinq personnes ne soient pas les mêmes que pour une personne seule. Il faudra éventuellement penser à une tarification sociale pour les plus précaires.
Liens utiles :
> Les 53 mesures du plan Eau sur le site du ministère de la Transition écologique
> Notre rubrique environnement