Il jure en privé qu’il n’y pense pas. « Il évite même de se raser pour ne pas y penser ». Dit avec le sourire, ça passerait presque. Sauf que depuis quelques mois, la rumeur d’une candidature de Christophe Castaner à la mairie de Marseille pour les municipales de 2020 bruisse. Enfle même. Le nom du délégué général de La République en marche revient souvent pour se lancer à l’assaut de la cité phocéenne. Le 8 novembre dernier, dans une interview accordée à Gomet’, Christophe Castaner confiait qu’en vue de cette échéance, La République en marche se préoccuperait « de construire avec les habitants dans chaque quartier, dans chaque arrondissement de Marseille, un projet d’alternance politique », et semblait poser les bases d’une future coalition, allant du centre gauche au centre droit : « il y a des points extrêmement positifs dans la municipalité et dans le travail de Jean-Claude Gaudin, mais il y aussi besoin d’un nouveau souffle ».
Comme pour alimenter un peu plus la rumeur, la petite phrase de l’ex-député des Alpes-de-Haute-Provence « Marseille, ça ne se refuse pas », murmurée à l’oreille de Franz-Olivier Giesbert et relayée dans La Provence, mercredi 17 janvier, n’a fait qu’amplifier l’hypothèse de sa candidature dans la cité phocéenne. Et comme pour l’adouber Jean-Claude Gaudin vante les qualités de « Casta », qu’il considère comme un « garçon intelligent ».
« Tous ses endroits magiques où j’aime flâner »
Alors, oui, pour le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, « évidemment, Marseille, ça ne se refuse pas… », réitère-t-il, gardant la porte entrouverte, vendredi 19 janvier, à la permanence parlementaire d’Alexandra Louis, députée de la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône. Puis de plaisanter « Vous voulez que je vous parle de ses restaurants, de ses calanques, de La Plaine… de tous ses endroits magiques où j’aime flâner ». Blague à part, il a réaffirmé que sa venue n’avait d’autres objectifs que d’assister à l’inauguration de la permanence « d’une députée active à l’Assemblée et active ici aussi »; avant d’annoncer qu’il serait à Draguignan, samedi 20 janvier, pour une autre soirée identique, histoire de glisser une « confidence. Je ne suis pas candidat aux élections municipales à… Draguignan », a-t-il lâché, avec un temps d’hésitation et un large sourire. Quant à Marseille ? «où il prend ses marques depuis de nombreuses années», «la question ne se pose pas aujourd’hui, je ne suis pas venu pour cela. L’action politique, c’est de respecter les missions que vous avez. J’ai des missions ministérielles, des responsabilités fortes, celles de construire le premier mouvement politique de France, structurer le mouvement au plus près des territoires, cela suffit largement à ma tâche ».
Celui qui dit ne jamais être sur le coup d’après, préfère se mettre en ordre de marche pour les élections européennes, avant de songer aux élections municipales. Sans affirmer, ni infirmer, à deux ans du scrutin, le patron des Marcheurs ne ferme pas la porte à la cité phocéenne. Si elle lui ouvre les bras, le soutien du maire de Marseille, pour battre le Front national et les Insoumis apparaîtrait dès lors comme un scénario idéal, mais il « n’appartient pas » au délégué général de LREM « de parler au nom de Jean-Claude Gaudin ». Mais chez les Républicains beaucoup se souviennent qu’il « a su retirer notre liste aux régionales de 2015 pour empêcher le FN de l’emporter. Ceux qui n’ont pas su le faire lors de la présidentielle, comme Laurent Wauquiez le regrettent ».
Marseille, future terre d’affrontement entre Castaner et Mélenchon ?
Dans cette configuration, la France insoumise se tiendra prête à pousser Jean-Luc Mélenchon, qui présentait ses vœux ce même soir. Faut-il y voir une coïncidence ? « La date de cette inauguration a été convenue sans que nous ayons la totalité de l’agenda de Jean-Luc Mélenchon. Il a oublié de nous prévenir, sinon je ne lui aurais pas fait cette indélicatesse, plaisante Christophe Castaner, avant d’être un peu plus sérieux. Je respecte ses qualités, sa légitimité d’élu, c’est un excellent président de groupe la France insoumise à l’Assemblée nationale. Je n’avais pas l’intention de me mettre en concurrence avec sa cérémonie de vœux. »
Cela ne l’a pas empêché de piquer le leader de la France insoumise. Lors de son discours, en parlant de la nécessité pour tout élu de ne pas se couper de son territoire, il a évoqué « ceux qui font du nomadisme électoral, qui peuvent se faire élire dans trois, quatre ou cinq régions de France, et déclarent à chaque fois, leur passion, leur fougue… ». Riposte de Jean-Luc Mélenchon, partagée sur son compte twitter en direct de ses voeux : « Il paraît que Monsieur Castaner est plus souvent à Marseille que moi. Eh bien, j’y suis trois jours par semaine tout en étant président de groupe, il n’y a plus qu’à gouverner depuis Marseille “. Ou alors gouverner… sur Marseille !
Muselier : « Les dauphins pêchés par des filets espagnols »
Epouser Marseille ne sera pas une mince affaire. Jean-Luc Mélenchon qui a raflé la mise marseillaise lors des dernières législatives voit chuter sa popularité, selon le dernier sondage Odoxa (36% novembre contre 42% en septembre), mais reste pour les Français, selon l’enquête, le meilleur opposant à Emmanuel Macron. Christophe Castaner jouit d’une belle réputation, mais sa candidature au Conseil régional, en 2015, pour le compte du PS n’a pas laissé un souvenir mémorable (il s’était retiré pour permettre à Christian Estrosi, de battre Marion Maréchal Le Pen). Quant aux Républicains, pas sûr qu’ils laissent la porte grande ouverte à En marche, même si les prétendants rencontrent quelques difficultés. Yves Moraine a perdu les dernières élections législatives, Dominique Tian est en attente d’une décision de justice qui pourrait le condamner à une inéligibilité, quant à Bruno Gilles, il fait face à des ennuis de santé. Plusieurs évoquent la possibilité Martine Vassal, actuelle présidente du Conseil départemental, même si elle n’est officiellement “que” candidate à la Métropole. Renaud Muselier, le président de la Région, qui a retrouvé de l’appétit pourrait-il venir bousculer l’échiquier ?
En soutenant Laurent Wauquiez, le président de la Région Sud se laisse la possibilité de demander à diriger la future commission d’investiture LR. Il aurait alors un droit de regard sur la désignation du successeur de Jean-Claude Gaudin. D’ailleurs, Renaud Muselier a déjà son idée sur la question : « Je me méfie toujours des initiatives de Gaudin. Chaque fois qu’il donne un poulain, il va mourir en rase campagne, confiait-il à Gomet’, vendredi 19 janvier, en marge d’un événement à la CCIMP. C’est le spécialiste de la désignation des dauphins qui sont pêchés par les filets espagnols en mer Méditerranée. J’ai vu Gaudin faire ça avec moi en son temps, M. Moraine, M. Tian, Bruno Gilles il y a peu, maintenant, c’est Castaner, c’est un coup à mourir très vite ça, il faut qu’il fasse attention ».
A suivre sur Gomet’
> Notre deuxième volet. Reportage à la permanence parlementaire d’Alexandra Louis.
* Selon un sondage Odoxa pour « Le Figaro » et Franceinfo, le 27 novembre 2017.