Deux mois après le dépôt des offres de Xavier Niel (groupe Iliad Free) et Rodolphe Saadé (CMA CGM), les salariés de La Provence sont toujours dans le flou : « On est au courant de rien alors que c’est de nos vies et de notre outil de travail dont il s’agit », s’émeut Jérôme Lorant, le secrétaire du comité social et économique (CSE) du groupe. L’inquiétude grandit dans les rangs du journal quant à la bataille juridique qui se livre sur la liquidation du groupe Bernard Tapie (GBT) au tribunal de commerce Bobigny. Les 650 salariés comptent bien peser sur le choix d’un repreneur et le font savoir à l’occasion d’une conférence de presse dans l’imprimerie du journal le 26 janvier.
Une spécialiste des luttes ouvrières pour défendre les salariés de La Provence
Au pied des rotatives, les représentants des salariés réclament l’attention de la justice : « Nous voulons voter sur le contenu des offres avant la décision du tribunal », insiste Jérôme Lorant. Problème, la teneur exacte des propositions des deux candidats reste inconnue. Le patron de CMA CGM et les représentants de celui de Free ont rencontré les syndicats pour évoquer leurs intentions : « Mais cela reste des déclarations. L’un dit qu’il veut maintenir les emplois, l’autre parle de développement du groupe… Mais sans chiffres et précisions sur la manière de procéder, cela n’a pas de sens. On veut du concret », demande la nouvelle avocate du CSE, Emilie Brand. Ce ténor du barreau de Caen est une habituée des luttes ouvrières. Elle a défendu les salariés de ST Ericsson, des abattoirs AIM et connaît bien Marseille car elle était également aux côtés des équipes de NetCacao au début des années 2010 lors du plan social de l’usine de Saint-Menet. Elise Brand s’implique dans le dossier à un moment charnière de l’affaire. Le nouveau liquidateur de GBT, Marc Sénéchal, s’apprête dans les jours qui viennent à lancer un nouvel appel d’offres pour la reprise de La Provence. L’avocate compte en profiter pour faire entendre la voix des salariés.
Le contenu des offres dévoilé mi-février
Elise Brand n’a toujours pas reçu la confirmation d’un nouvel appel d’offres mais reconnaît que « c’est la piste la plus sérieuse pour la suite ». Aussi, elle s’y prépare et travaille avec les salariés sur l’élaboration d’un texte à intégrer dans le cahier des charges de la future procédure : « Salaires, maintien des emplois, investissements… tout doit être mis sur la table. On veut des garanties pour les salariés », avance-t-elle. Le document doit être envoyé très prochainement au liquidateur. Selon une autre source judiciaire proche du dossier, le nouvel appel d’offres devrait être publié le 7 février et les plis seraient ouverts dix jours après, autour du 17.
En attendant, les salariés interpellent aussi les pouvoirs publics et les politiques. « Nous n’avons reçu aucune réponse à nos sollicitations », regrette Jérôme Lorant. Les syndicats vont donc tenter d’attirer l’attention des plus hautes sphères de l’Etat en profitant de la visite d’Emmanuel Macron le 7 février prochain à Marseille pour plaider leur cause auprès du président de la République. « L’Etat a aussi une responsabilité dans cette affaire, il pourrait intervenir pour défendre la pérennité de cet outil indispensable à la démocratie locale qu’est La Provence », souligne Me Elise Brand.
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