Au départ, il y a une rencontre entre deux hommes. Un maire fraîchement élu, Nicolas Isnard (LR), et un agriculteur, François Proust. De l’écoute mutuelle, une prise de conscience et au bout, une initiative. Puis il fallait un lieu pour la mettre en œuvre. Et c’est spontanément que le domaine du Merle, au cœur de la Crau, s’est proposé pour accueillir cet événement d’ampleur : le Salon des agricultures de Provence. Les partenaires ont suivi, parmi lesquels le Conseil départemental et bien sûr la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône. C’est en juin 2016 que cette manifestation a vu le jour. Une première édition qui rencontrait d’emblée un « succès sans précédent », affirme Nicolas Isnard, le maire de Salon-de-Provence : autoroute bloquée, des heures d’attente pour accéder au site, plus de 40 000 visiteurs en deux jours quand les organisateurs n’espéraient que 20 000. Une forte affluence qui témoigne de l’attachement du public à l’agriculture locale et aux produits du terroir.
Alors forcément, « cela nous a donné envie de recommencer. Et refaire une telle manifestation, c’est possible parce que certains ont mouillé la chemise », poursuit le maire qui, n’en déplaisent à certains, estime « qu’il y a une vraie légitimité » à ce que cette manifestation se déroule en pays salonnais. Si la ville a démontré sa capacité à organiser de grands événements – le dernier en date, le Salon des maires – le territoire qui l’entoure est « profondément agricole. Là où il y a le plus d’agriculteurs : 7000 personnes travaillent dans ce secteur, 12 AOP et 258 exploitations… toutes les agricultures sont représentées. »
Une réelle vitrine pour l’agriculture du département, qui comptait l’année dernière 80 agriculteurs et 140 stands, « et nous n’avons eu aucun retour négatif, bien au contraire », assure Claude Rossignol, président de la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône. « On nous disait : « Enfin un salon de l’agriculture dans le département. Ça manquait… » D’autant que ce n’est pas n’importe quel cadre qui a servi de décor à cette manifestation familiale. Un site « idyllique », qui abrite la plus vieille école de bergers de France.
Dans le bain de foule de la première édition et face aux assauts enthousiastes et répétés des agriculteurs enchantés par ce salon, il a été difficile aux propriétaires des lieux de se projeter pour une nouvelle édition. Et pourtant… « Après le salon, nous avons eu comme une révélation face aux retours, raconte, à son tour, Pierre-Marie Boucquet, directeur du domaine du Merle. Tout le monde était content. On a réussi à atteindre un objectif qui dépassait nos attentes. Nous nous sommes dit qu’il fallait développer ce salon. Ça ne sert à rien d’avoir une vitrine comme le domaine du Merle, sans l’ouvrir. C’est donc dans cet esprit que l’on repart. »
“Donner envie aux gens de consommer près de chez eux”
Et bien sûr, les premiers concernés sont les plus partants, à l’image de Monique Aravecchia. Elle a participé au Salon des agricultures l’année dernière. Une expérience riche et enrichissante pour cette productrice de tomates. « Les agriculteurs étaient heureux de montrer leur savoir-faire, ça fait du bien. C’était aussi pédagogique et cela a peut-être contribué à susciter des vocations. Nos produits ont été goûtés, vus… C’est important de montrer ce que l’on sait faire mais aussi donner envie aux gens de consommer près de chez eux. Ça change la vision que les gens ont de nous » confie Monique, ravie de revivre ces journées « encore mieux, car on est aussi riche d’une expérience et on est partant pour cinq ans”, sourit-elle.
Cinq ans, une durée clé pour l’agriculture dans les Bouches-du-Rhône, l’un des rares de département en France à investir autant pour l’agriculture. Un budget de 10,5 millions d’euros, notamment pour l’aide aux projets innovants. Mais la loi “NOTRe” change la donne. A compter du 1er janvier, cette compétence ne dépendra plus du Département mais de la Région. C’est pourquoi, la présidente Martine Vassal a décidé de prendre les devants pour poursuivre dans la même dynamique, par le biais d’une signature d’une convention avec le Conseil régional. « J’ai demandé au président de Région de renouveler cette convention et pour ne pas être obligé de quémander chaque année, j’ai demandé à ce qu’elle court sur cinq ans. J’espère que le message politique sera entendu à la Région pour continuer à travailler », souligne Martine Vassal, qui a fustigé au passage le gouvernement actuel. « Il n’a de considération que lorsqu’il s’agit de l’agriculture de la région parisienne », et d’afficher une volonté de réussir, à nouveau, le Salon des agricultures, qui s’inscrit, dans tous les cas, comme une « reconnaissance territoriale importante et économique », confie François Proust. L’homme sans qui, peut-être, cette manifestation n’existerait pas.
Plus terre à terre, il a rappelé que la profession était sinistrée. « Tous les jours dans les médias, on entend agriculteurs-pollueurs, pour nous c’est assez terrible, sans compter les suicides de nos collègues. On avait besoin de relancer notre image de marque, de montrer qu’on détient des savoir-faire, qu’on peut les transmettre » et en tant que père de famille aspirer à un avenir plus réjouissant. « Le salon va dans ce sens et là où nous sommes allés au-delà de nos espérances c’est sur les revenus financiers générés ». Une occasion aussi de se retrouver entre paysans, « car on ne se voit plus. De parler de nos problèmes, découvrir du nouveau matériel. Ce salon, c’est aussi entrevoir un rayon de soleil… »
Reportage réalisé en partenariat avec le Département des Bouches-du-Rhône