Hors jeu ou culture globale : pourquoi le foot au MUCEM ?
Du fric, des beaufs, de la violence et de la triche : ainsi se résumerait ce jeu stupide dans lequel 22 crétins en culotte courte se disputeraient en braillant une balle, à l’aide de leurs seuls pieds. Si le football n’était que cela, comment comprendre que, chaque semaine en France, quatre cent mille bénévoles encadrent pour cette pratique deux millions de licenciés , dont la moitié sont mineurs ? Pour disputer, chaque année, un million de rencontres ! Et que des milliards d’autres amateurs suivront l’an prochain la coupe du monde en Russie ?
Les seules Bouches du Rhône comptent 230 clubs, jouant sur 430 terrains ! Autant d’indices d’une authentique passion populaire, qui se retrouve tout autour du bassin méditerranéen , d’Istanbul à Lisbonne , et d’Alger à Marseille… Une ville qui déprime quand l’OM perd. Pour donner chair humaine à leur présentation , enquêteurs et collecteurs ont ratissé stades et coulisses d’une dizaine de pays.
Glorieux retour
Et de tous ces lieux surgit une telle ferveur qu’il ne paraît pas incongru que le ballon tout rond s’engouffre cet automne dans la grosse cage noire cubique des civilisations d’Europe et de la Méditerranée. C’est un coup franc sans pénalité.
À tout seigneur…. L’occasion s’avère trop belle de saluer le retour en cité natale de l’un des plus glorieux héros de cette ville et de ce sport . Elle a plus de 20 ans, mais n’a pas pris une ride (ni un cheveu) : la marionnette de Zinedine Zidane, grandeur nature, créée par les Guignols de Canal + , en blouson gris à liséré vert pomme. (Le contribuable a investi 3 000 € pour cette acquisition ).
Beaucoup moins célèbre , mais non moins émouvant, un autre maillot numéro 10, tout rouge, est en vitrine. Celui de la capitaine de l’équipe féminine de foot de Palestine, Honey Thaljieh, 33 ans. Elle est marraine de l’exposition. Arabe et chrétienne, cette athlète née à Bethleem n’affronte pas seulement les sélections adverses, mais une large part du monde masculin qui l’entoure, en ordonnant : « pas de short, pas en extérieur, ni de mixité ».
Même en déportation
Aux préjugés machistes et chauvins, il faut rappeler que la France dénombre aujourd’hui 1200 joueuses professionnelles de football, et aussi plus de 25 000 arbitres. Après le Brésil, notre pays est aussi le premier exportateur de joueurs : 780 en 2017, face à 1 200 Brésiliens !
À découvrir encore, dans le secteur historique, que même dans le camp de déportation de Mathausen, des prisonniers espagnols montèrent leur équipe.
Ne manque aucune bannière, aucun fanion à la rubrique “culture ultra”. Plus douteuse, voire facultative, l’exhibition de barres de fer, férocement manipulées l’an dernier dans les rues de Marseille, lors des rencontres du championnat européen. Le visiteur pourra préférer cette caisse reliant huit Klaxons à deux batteries de voiture, imaginée par des supporters romains en 1972, pour assourdir l’adversaire.
Plaisir sacré
Selon le cinéaste Pasolini, « le football n’est pas seulement l’un des plus grands plaisirs de la terre », mais aussi « la dernière représentation sacrée de notre temps. »
Et le comique Groucho Marx de renchérir à sa manière, en clamant: « L‘ennui, c’est que nous négligeons le football au profit de l’éducation. »
Ceux qui ne s’ennuient guère, ce sont ces migrants d’Afrique, et d’ailleurs, sans papiers, mais mordus de ballon, qui ont constitué en Andalousie, l’équipe “Alma d’Africa”, aux couleurs du droits des hommes à l’asile.
Dans le catalogue de cette expo, le britannique Ken Loach, comme le philosophe Michea disent en quoi consiste le beau jeu. Il ne s’agit pas de courir solitairement au plus vite vers le but adverse pour marquer, mais de soigner avec précision la meilleure façon de transmettre la balle aux partenaires, afin de favoriser l’action collective, et de gagner, à la Kopa, ou à la Cantona. Cantona qui , un jour avouera :”mon plus beau but fut une passe”.
À rebours des milliardaires du pétrole, responsables des cadavres népalais tombés lors de la construction des stades du Qatar, le moment serait venu de s’interroger, avec Camus, et le sous commandant Marcos, sur cette hypothèse : « et si le football redevenait citoyen ? » Autre question , subsidiaire, : le public du stade ira t il au musée ?
– et inversement.
Informations pratiques
> Nous sommes foot, du 11 octobre au 4 février 2018
> Tous les jours sauf le mardi, de 11 à 18 h.
> Tarifs : 5 et 9,50 € l’entrée .
> www.mucem.org