Changement de cap pour l’Aquarius. Le bateau de l’ONG SOS Méditerranée a demandé à la France, lundi 24 septembre, de pouvoir accoster « à titre exceptionnel » dans le port de Marseille, pour débarquer 58 migrants secourus dans la Méditerranée, dont 18 mineurs secourus au large de la Libye. Paris qui préférait l’option d’une « solution européenne » a renvoyé la responsabilité de l’accueil à Malte, qui a finalement annoncé mardi 25 septembre, autoriser l’accostage du bateau pour accueillir de façon temporaire les 58 migrants, avant qu’ils ne soient « immédiatement répartis » entre plusieurs pays. La France en accueillera 18.
Depuis le début de la crise provoquée cet été par la fermeture des ports italiens aux migrants, la France n’a jamais accepté de laisser débarquer les navires humanitaires, arguant qu’en vertu du droit maritime les naufragés doivent être débarqués dans le « port sûr » le plus proche. C’est aussi ce que préconise le président de la Région Sud, Renaud Muselier, en demandant « le respect du droit international ! Aujourd’hui, Marseille n’est pas le port le plus proche. La question d’accoster dans notre port ne se pose pas », a-t-il déclaré ce matin, sur BFM TV. « Mais je suis médecin. Mon métier c’est de sauver des vies. Il faut sauver ces gens ». Il demande également à Emmanuel Macron « d’instaurer un conseil européen des ministres sur les migrants ».
#Aquarius: je demande le respect du droit maritime international ! Aujourd’hui #Marseille n’est pas le port sûr le plus proche du navire. La question d’accoster dans notre port ne se pose donc pas. Mais je suis médecin. Mon métier c’est de sauver des vies. Il faut sauver ces gens pic.twitter.com/nwv9E0NIYD
— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) 25 septembre 2018
Comme Renaud Muselier, nombre d’élus marseillais, de tous bords ont réagi à l’actualité. A droite, au sein de Les Républicains, des voix dissonantes se font entendre. En marge d’une visite des vestiges du port antique, le maire Jean-Claude Gaudin a affirmé que « l’accueil de l’Aquarius ne [le]gênerait pas ». « Vous connaissez ma tradition et celle de Marseille. Nous voulons une ville de générosité et de fraternité, a indiqué le maire, au micro de La Provence et France Bleu. Nous voulons une ville d’ouverture et d’accueil ». Une position qui tranche avec celle de la députée LR Valérie Boyer qui via les réseaux sociaux, indique tout net « Non à l’Aquarius ! Notre pays doit rester ferme ».
— Valérie Boyer (@valerieboyer13) 24 septembre 2018
Même fermeté du côté du sénateur LR Bruno Gilles. Le candidat déclaré à la mairie de Marseille en 2020, « refuse de céder au chantage humanitaire. Avec ce type de polémique nous participons tacitement au jeu des passeurs, au trafic d’êtres humains », indique-t-il dans un communiqué, ce 25 septembre. « Marseille est une terre d’accueil depuis des millénaires. Elle le restera mais pas sous cette forme ». S’il demande à ce que le « port ferme symboliquement son entrée », a contrario, le socialiste Benoît Payan brandit, lui, la devise marseillaise « Actibus immensis urbs fulget massiliensis » (La ville de Marseille resplendi par ses hauts faits). Il a immédiatement réagi après la demande de l’Aquarius d’accoster dans la cité phocéenne, souhaitant que le bateau humanitaire « batte pavillon à Marseille », fustigeant la décision du Panama. Il écrit dans son communiqué vouloir que Marseille devienne « le port d’attache de l’Aquarius, son refuge, celui qui lui ouvrira toujours ses portes, à chaque fois qu’il le souhaite, en tout temps et d’où qu’il vienne. »
Dans la même lignée, la question de l’accueil de l’Aquarius à Marseille ne se pose pas pour la sénatrice (PS) Samia Ghali. « C’est dans l’ADN de Marseille que d’accueillir ces femmes et ces hommes en danger », déclarait-elle sur CNews, dans la matinée. Et de nuancer sur Public Sénat : « Il faut aussi que les ONG arrêtent de jouer avec la stratégie du recours (…) Qu’elles comprennent qu’elles jouent avec le feu ».
— Samia GHALI (@SamiaGhali) 24 septembre 2018
Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon n’a pas attendu pour se positionner.
L’#Aquarius doit pouvoir accoster à #Marseille. C’est notre devoir et notre honneur.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 24 septembre 2018
Sur cette question, les élus de gauche et d’extrême-gauche, portent le même message d’ouverture, de devoir et d’humanité. Des mots qui résonnent pour le jeune secrétaire départemental du PCF13, Jérémy Bacchi, qui renvoie le gouvernement à ses responsabilités, quand l’élu communiste Jean-Marc Coppola interroge « quelle part d’humanité faut-il avoir pour refuser d’accueillir l’Aquarius ? 26 siècles d’histoire et d’accueil méritent que Marseille rebelle n’obéisse pas à Macron. Ouvrons notre port ! ».
@JeanMarcCoppola quelle part d’inhumanité faut-il avoir pour refuser d’accueillir l’Aquarius et ses 55 réfugiés à bord à Marseille ? 26 siècles d’histoire et d’accueil méritent que Marseille rebelle n’obéisse pas à Macron. Ouvrons notre port !
— Jean-Marc Coppola (@JeanMarcCoppola) 24 septembre 2018
Europe Ecologie les Verts Paca ouvre également grands ses bras à l’Aquarius. « Marseille, vous attend ». « Marseille étant le port d’attache de SOS Méditerranée « on ne peut douter que les associations et citoyen-nes de notre ville monde lui ouvre les bras », indique-t-il dans un communiqué, le 25 septembre. « Qu’il soit privé de son pavillon ne fait pas de l’Aquarius un bateau pirate et de ses passagers des fantômes ! ».
L’Aquarius, dernier bateau humanitaire patrouillant au large des côtes libyennes pour tenter de sauver des réfugiés ou migrants en détresse, a déjà connu un périple éprouvant en juin, quand le nouveau gouvernement italien puis Malte ont refusé qu’il débarque dans leurs ports les centaines de rescapés qui étaient à son bord, avant que l’Espagne les accueille finalement.