La semaine du 28 septembre trois manifestations (au moins) se sont déroulées sur le territoire métropolitain. Une quatrième les a précédées de quelques jours. Indépendantes les unes des autres, elles prennent toutes place dans ce qu’il est convenu d’appeler les politiques publiques d’insertion et d’emploi. Et si ces quatre rencontres, qui attestent de volontés partenariales fortes, constituaient une opportunité pour enclencher un renouveau des stratégies d’insertion et d’emploi ?
> Séance plénière du Club des entreprises solidaires du Département des Bouches du Rhône. > Opération Face à FACE de la Fondation Agir Contre l’Exclusion en partenariat avec Cap Au Nord Entreprendre.
> Remise des prix Talents des Cités 2015 à Aix-en-Provence.
> Signature de conventions entre le Plie MPM Centre et les réseaux d’entreprises Cap Au Nord Entreprendre et Entrepreneurs de l’Huveaune Vallée.
Insertion professionnelle et entreprises
Ces quatre manifestations ont réuni plus de cinq cents personnes ; chiffre significatif pour un sujet dont tout le monde parle mais qui ne fait rêver personne. Elles témoignent d’un dynamisme certain en faveur de l’emploi, et notamment à destination de publics socialement fragiles ou issus de territoires sensibles. Surtout, ces trois rencontres ont pour trait commun de réunir des entreprises sur des actions en faveur de l’emploi ; qu’il s’agisse d’améliorer les conditions de recrutement ou de se mobiliser pour rendre possible la création d’entreprise ou l’accès à l’emploi de ceux qui en sont le plus éloignés.
Une métropole de l’insertion et de l’emploi
Cela semble aller de soi. Et pourtant, le chemin a été long ; mais d’une situation de défiance réelle il y a deux décennies encore, le marché de l’emploi local est désormais caractérisé par une coopération de plus en plus grande entre acteurs de l’insertion et de l’emploi et entreprises ; forcément assise sur un socle de confiance éprouvée.
Et si notre nouvelle métropole se construisait aussi sur cette formidable dynamique ? Et si le changement de gouvernance au Conseil départemental comme l’ensemble des évolutions institutionnelles en cours était l’occasion d’un nouveau réveil de la politique territoriale d’insertion professionnelle ? D’un passage à un nouveau palier, au service de l’accès à l’emploi des uns, de la capacité de recrutement et de développement des autres ?
[pullquote] Veiller, le plus possible, à un équilibre entre emploi qualifié qui tire le territoire et emploi moins qualifié[/pullquote] Développement économique, attractivité du territoire, conduite de projets structurants… Seules ces actions créeront effectivement de l’emploi. Et c’est indispensable. Ces stratégies devront veiller, le plus possible, à un équilibre entre emploi qualifié qui tire le territoire et emploi moins qualifié (au sens du diplôme), accessible à une partie importante de la population aujourd’hui au chômage. Et s’il faut être exigeant, ne perdons pas de vue que des filières génèrent de l’emploi à forte valeur ajoutée (c’est à dire créateur de richesses et d’emplois directs et indirects) contrairement à d’autres (comme la très prisée filière touristique). Mais ce n’est pas de développement économique dont il est question ici. Peut-être d’accompagnement de ce développement. Le présent texte est consacré aux seules stratégies d’insertion et d’emploi. En corrigeant les dysfonctionnements du marché du travail, elles permettent prioritairement de mettre en relation une demande d’emploi qui en est éloignée et une offre d’emploi qui peine à être satisfaite et qui, bien souvent, reste méconnue. Elles sont distinctes et parfaitement complémentaires des logiques économiques.
Des pistes pour un nouvel élan.
[pulquote] Un cadre de coordination doit être repensé et réactivé [/pullquote]Une nouvelle dynamique d’insertion professionnelle est possible et impérative sur le territoire métropolitain. Un cadre de coordination doit être repensé et réactivé ; à des fins stratégiques d’une part et pratiques d’autre part ; par exemple, pour que les personnes les plus vulnérables puissent s’engager dans des dynamiques réelles et continues, sans les ruptures auxquelles elles sont confrontées à chaque étape de leur parcours, à chaque changement d’interlocuteur.
Surtout, sur le plan opérationnel, des actes forts peuvent être posés. D’abord, une évolution profonde des méthodes de l’accompagnement à l’emploi doit être engagée. Celles-ci doivent donner priorité à la mise en situation de travail, dès le début des parcours ; qui doivent traiter de façon périphérique les biens nommés « freins périphériques à l’emploi » ; qui doivent remettre la formation à sa juste place, complémentaire et non déterminante. Nous parlons-là de méthode, mais sur un volet des politiques d’insertion qui pèse plus de dix millions d’euros et concerne environ 15000 personnes par an sur le département ; avec un taux moyen d’accès effectif à l’emploi compris entre 20 et 30%. Un volet, donc, qui mérite toute l’attention.
Il s’agit aussi de renforcer la relation aux entreprises. Non pas uniquement pour en faire plus, mais pour faire mieux. C’est à dire en renforçant la présence effective en amont et aval d’un recrutement ; c’est à dire en travaillant d’abord à faire émerger les besoins plutôt qu’à mobiliser prioritairement les offres connues ; c’est à dire en créant une relation aux entreprises, et notamment aux plus petites d’entre elles, basée sur la confiance (nous considérons qu’elle existe aujourd’hui) et compatible avec ce qui doit devenir le nouveau credo des stratégies d’insertion professionnelle : multiplier les situations de travail.
Il convient aussi de marquer un effort collectif en faveur de la Très Petite Entreprise. Parce qu’il s’agit de casser les représentations dont elle souffre et qui la pénalisent dans ses recrutements et son développement ; parce qu’il s’agit d’aider les dirigeants à leur tête à devenir aussi des employeurs, en l’absence de culture managériale et de quelque service des ressources humaines que ce soit. Nous parlons d’un tissu de près de cent milles entreprise sur le département des Bouches du Rhône. Et ces pistes ne sont pas exhaustives.
Progresser encore !
[/pullquote]L’intelligence collective qui nourrit l’entrepreneuriat et la mondialisation, doit aussi faire vivre les stratégies d’insertion et d’emploi[/pullquote] Parce qu’un travail considérable a été conduit jusque-là et parce que entreprises et acteurs de l’insertion et l’emploi ne sont plus ces étrangers qu’il étaient les uns pour les autres il y a peu, le progrès est possible. L’intelligence collective qui nourrit l’entrepreneuriat et la mondialisation, doit aussi faire vivre les stratégies d’insertion et d’emploi. Sur les bases, il convient désormais d’accomplir ce que nous pensons ne pas savoir faire, plutôt que de simplement continuer à faire bien ce que nous savons, et dont la portée est aujourd’hui limitée. La construction métropolitaine est un prétexte ; le renouveau du contexte institutionnel est en revanche une réalité qui doit s’accompagner d’une efficacité plus grande, au service de tous les citoyens.
Repères :
> En France, chaque année, hors intérim, environ 20 millions de recrutements animent le marché du travail. Il est donc faux de considérer que notre niveau de chômage élevé soit le signe d’un marché du travail totalement atone.
> Si le CDI reste la norme, à court terme 75% des recrutements se font en CDD et 66% en CDD d’une durée maximale de un mois.
> Les enquêtes BMO conduites par Pôle emploi attestent qu’à horizon de douze mois moins de 10% des besoins des entreprises sont connus. Les entreprises, a fortiori les petites qui constituent l’essentiel de notre tissu économique, ne disposent que d’une faible visibilité en matière de recrutement ; et elles éprouvent de grandes difficultés à recruter d’une part, intégrer et fidéliser leurs collaborateurs d’autre part.
> Contrairement aux idées reçues, la formation n’est pas la réponse la plus adaptée au retour à l’emploi. Toutes les études l’attestent : c’est par l’emploi que l’on consolide sa situation d’emploi.
> Notre territoire, plus que la moyenne nationale est confronté à une faiblesse générale des niveaux de formation. Cela touche tout autant les demandeurs d’emploi que les patrons de petites entreprises.
> La politique d’insertion et d’emploi a vocation d’abord à corriger les dysfonctionnements et les inégalités du marché du travail, qui concernent prioritairement les demandeurs d’emploi les plus en difficulté comme les entreprises les moins outillées. Elle ne crée pas d’emplois, exceptés ceux des acteurs qui la mettent en œuvre et ceux qui reposent sur des contrats aidés, qui relèvent tout autant des logiques économique et sociale.
Par Fabrice Kehayan.
Consultant, spécialiste de politiques publiques d’insertion et d’emploi.
Derniers articles parus :
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