Formules bien senties et pensée bien posée, c’est la chronique hebdomadaire du journaliste Hervé Nedelec. Croustillant et décapant !
Des docks très NYC
On ne sait si Alfonso Femia, l’architecte des Docks réaménagés, a été influencé par le célèbre Chelsea Market de New York City, mais ce que l’on a donné à découvrir, ce samedi 10 octobre aux Marseillais, y ressemble furieusement. En mieux. Sans doute que les beaux bâtiments n’y sont pas pour rien, puisque dans la grande pomme le célèbre marché bobo était une ancienne usine de biscuit, alors que les 365 mètres de docks marseillais, inaugurés en 1856, abritaient des entrepôts et des entreprises alors très prospères. Bref l’aménageur Constructa a tenu ses promesses et, en attendant l’ouverture définitive de la soixantaine de boutiques, la ville tient là un lieu tout à fait exceptionnel. Affirmer en revanche qu’il ne fera pas d’ombre aux autres commerces marseillais serait sans doute imprudent.
Maryse hors la loi
Le préfet de Région a rappelé au maire d’Aix qu’elle était désormais dans la métropole qui sera effective au mois de janvier prochain. Stéphane Bouillon ne s’est pas laissé impressionner par la bouillabaisse cuisinée du côté du roy René, avec une tentative de création d’une «contre métropole » regroupant autour d’Aix, tous ceux qui craignent d’être absorbés par Marseille. Et de perdre leurs acquis au profit des besoins criants de la capitale régionale. Il est vrai que l’avocate aixoise a de quoi être échaudée. Lors d’une récente fusion – celle des trois universités – on lui avait juré que le siège du Pres (Pôle recherche de l’enseignement supérieur) serait implanté dans sa ville. Elle a vu arriver des meubles tout neufs, des locaux confortables libérés d’urgence à l’hôtel Maynier d’Oppède (alors que les étudiants sont partout à l’étroit), mais elle n’a jamais vu le Pres. De quoi refroidir ses ardeurs.
Supprimez la nuit.
« J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a « trahi la confiance du régime » et « devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités ». Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? ». Ainsi parlait avec ironie Bertolt Brecht en évoquant l’Allemagne de l’Est. Les autorités chargées du maintien de l’ordre ont-ils adapté la pensée du dramaturge à Marseille ? Puisqu’il y a des incidents et des crimes à répétition dans l’hyper-centre, et particulièrement quartier de l’opéra, une seule solution : « dissoudre la nuit ». On réfléchit sérieusement du côté de la préfecture de police à faire fermer les établissements à deux heures du matin. Ah si Mme Nadine Morano était une élue marseillaise, elle imposerait, elle, la nuit blanche, face à la nuit noire. Saint Jean-Claude nous en préserve.
Le banc des menteurs
Dans chaque village provençal, c’est su, mais cela ne se dit jamais, il y a … un banc des menteurs. On y pratique l’exagération, la galéjade, la tartarinade sans retenue. Sur la Corniche Kennedy, il y aussi un banc géant qui court du monument du Palm Beach au marégraphe. Près de ce dernier un glorieux anonyme a gravé avec application, en lettres aussi noires qu’indélébiles, cette jolie prose : « Valbuena est un nain culé ». Comme quoi sur les bancs publics il y a de quoi choquer aussi « le regard oblique des passants honnêtes ! » En regardant l’horizon et en pensant à ce pauvre solitaire, on a envie de reprendre l’expression du coin : « allez va te noyer ! »
Drôle de tram
Extraordinaire. Il est silencieux. Confortable. Propre. Il vous permet de glisser d’une place centrale aux quais, de l’est à l’ouest, du nord au sud, il glisse jusqu’à la gare d’où vous pouvez prendre un bus ou une navette pour l’aéroport. Le tramway c’est vraiment formidable… à Bordeaux. On se demande lorsqu’on a fait un petit tour dans la cité de M. Juppé, pourquoi la carte du tracé de celui de Marseille n’est pas un peu plus… gironde.
Il faut sauver la terre
La communauté du pays d’Aix voit, décennie après décennie, le foncier agricole rongé. Les élus ont bien tenté de faire des acquisitions pour préserver ces paysages qui font la beauté toscane de ce territoire au pied de Saint-Victoire, mais leurs efforts restent une aiguille dans une botte de foin. D’ailleurs les nouveaux propriétaires ne veulent garder que la vigne et les oliviers, et il sera difficile de trouver, si l’on y prend garde, d’autres cultures. Comment endiguer le phénomène et lutter contre l’urbanisation rampante ? On sait depuis longtemps que la propriété c’est le vol… du passé.
Où est le problème ?
L’angle d’attaque des socialistes comme des Républicains, pour contrer une éventuelle vague Marion Maréchal Le Pen aux prochaines régionales, est de souligner l’absence abyssale de programme de la jeune députée du Vaucluse. Il n’est pas certain que cela suffise à détourner les électeurs du vote FN. Dans les périodes d’incertitudes économiques, et l’Histoire fournit de nombreux exemples, les électeurs qui ont du mal à saisir les subtilités sémantiques de nos brillants chercheurs, vont au plus simple. Ils veulent des boucs émissaires – les réfugiés et les immigrants – des coupables – les gouvernants, l’administration, les fonctionnaires – et enfin un avenir simpliste énoncé clairement. Les experts du FN ont quelques longueurs d’avance.
Machiavel, mais c’est bien sûr !
Sur les réseaux sociaux un étudiant évoque un nom possible pour une promotion à venir de Sciences Po Aix : Machiavel. Nicolas le prince ça aurait de la gueule en effet, après les Badinter et autres Séguin. Et puis au regard de la récente et orageuse histoire de cet établissement, les étudiants de cette promotion pourraient faire leur grain de quelques citations du penseur italien. “L’habituel défaut de l’homme est de ne pas prévoir l’orage par beau temps.” ou encore “On s’attire la haine en faisant le bien, comme en faisant le mal.”