Yves Delafon est président du réseau Africalink, chef d’entreprise dans le bâtiment et banquier en Afrique. Homme d’engagement et de conviction, il invite dans cette tribune (*) les lecteurs de Gomet’ à réfléchir “au jour d’après”, à cet “électrochoc” qui nous ébranle et qui va impacter l’Afrique.
Nous sommes entrés dans une crise sanitaire, économique, sociale et politique majeure. Nous nous posons tous des questions quant à l’état dans lequel nos familles, nos identités, nos entreprises, nos États et la communauté internationale seront en sortie de crise. Même si demain ne ressemblera pas à hier, une vie « normale » va reprendre. Car nous allons en sortir !
Il est incontestable qu’un certain nombre d’habitudes et de fonctionnements seront remis en cause dans l’organisation de nos sociétés, de l’économie, du politique, en local, au national et à l’international. Nous en serons les acteurs ! Si nous vivons et percevons déjà des conséquences directes et prévisibles de cette crise, nous sommes certainement encore loin d’en appréhender la diversité, l’étendue et les implications. Nous entrons en « terra incognita », en territoire inconnu. « Ne pas prévoir, c’est déjà gémir » écrivait Léonard de Vinci, à nous de choisir entre pouvoir et gémir !
Le choc est, et sera, sans commune mesure dans ses conséquences humaines, économiques et politiques pour l’Afrique
Yves Delafon
Nombreux sont ceux qui pensent que les réponses se trouveront dans le repli sur soi-même, l’isolationnisme et le nationalisme. Ces attitudes, enfants de la facilité et de l’inculture, qui, avec le fondamentalisme religieux, sont les racines de la guerre et des dictatures. Même s’il faudra, à l’évidence, revoir les dépendances économiques et industrielles de notre pays, de l’Europe. Le choc de la pandémie est stupéfiant et proprement sidérant sur les économies riches qui disposent pourtant de capacités financières et organisationnelles pour y répondre dans des conditions acceptables à court et moyen terme, même si le long terme reste une inconnue.
Il est, et sera, sans commune mesure dans ses conséquences humaines, économiques et politiques pour l’Afrique, où seuls une poignée de pays disposent d’un cadre institutionnel stabilisé et crédible, de moyens financiers pour soutenir l’activité économique (dont l’informel) et de compétences et structures sanitaires indispensables à une limitation réelle de la létalité.
Oublier l’Afrique n’est pas une option. Ce serait, non seulement une faute morale immédiate inacceptable, mais aussi une erreur économique et politique désastreuse à terme
Yves Delafon
Notre avenir est européen, et c’est notre premier devoir d’en poursuivre la construction en en rappelant clairement le sens et les valeurs, plutôt que les chiffres et les règlements. Mais cet avenir est intimement lié à celui du continent africain, tout autant par ses désastres possibles, que par ses réussites nécessaires. Oublier l’Afrique n’est pas une option. Ce serait, non seulement une faute morale immédiate inacceptable, mais aussi une erreur économique et politique désastreuse à terme. Pour autant, nous n’avons pas la réponse.
La communauté internationale ne peut venir qu’en soutien, en appui aux pays africains qui doivent être les premiers et véritables acteurs de leur devenir.
Cette crise est peut-être l’électrochoc indispensable au continent pour sortir d’un réflexe trop fréquent de dépendance à une « aide institutionnalisée » dont l’efficacité s’est malheureusement limitée, depuis des décennies et au mieux, à empêcher régulièrement la noyade… La solution sera endogène ! L’émergence incontestable de quelques pays (dont Rwanda, Sénégal, Botswana, Maroc, Ghana…) démontre le rôle essentiel de la volonté et du projet politique, de la gouvernance et de l’état de droit. La multiplication de ces facteurs conditionne tout autant une sortie de crise positive, que la confirmation que l’Afrique est l’un de prochains moteurs de la croissance mondiale. C’est sur le socle des volontés, des projets, des engagements structurés des gouvernants et soutenus par les populations, que pourront se définir et s’organiser les contributions, investissements et partenariats extérieurs. Bien sûr nous avons, pays riches, un devoir d’assistance, d’aide humanitaire immédiats.