Malgré les progrès de la médecine et des neurosciences, le cerveau reste une zone difficilement accessible. Par exemple, seuls 2% des médicaments parviennent à franchir la barrière hémato-encéphalique qui protège le précieux organe. Mais une société de l’hôpital Nord a peut-être la solution.
Une levée de fonds de plusieurs millions en cours
Vect-Horus développe des vecteurs peptidiques qui permettent de tromper les récepteurs de la barrière afin qu’elle laisse passer les molécules. Ainsi, elle accroche les médicaments au peptide, un assemblage d’acides aminés, qui sera le vaisseau permettant de dépasser la membrane protectrice. Cette ruse technologique permet d’adresser directement des traitements dans le système nerveux pour cibler des maladies comme Alzheimer, Parkinson ou encore les cancers… Vect-Horus séduit les financeurs publics et privés avec déjà 14 M€ réunis depuis son lancement, dont 5 M€ de subventions et de crédit d’impôt recherche, un record en France pour le financement en fonds propres d’une société de biotechnologie. Elle travaille d’ores et déjà sur une nouvelle levée de plusieurs millions d’euros qui devrait aboutir en début d’année prochaine. « Plusieurs tours de table sont déjà bouclés. Cela servira à financer les études pré-cliniques pour plusieurs de nos candidats », précise Alexandre Tokay, co-fondateur de la société avec Michel Khrestchtisky.
Des accords avec Sanofi et Servier
La plateforme technologique de Vect-Horus, baptisée Vectrans, intéresse déjà les grandes compagnies du secteur pharmaceutique. En janvier 2015, Vect-Horus a signé un accord avec Sanofi pour développer un vecteur capable de transporter dans le cerveau des anticorps ciblant une maladie neurodégénérative. Un autre partenariat a été scellé en septembre de l’année dernière avec les laboratoires Servier pour le développement de nouvelles molécules destinées au traitement de maladies du système nerveux central. La société marseillaise, qui emploie une vingtaine de personnes, travaille également avec le lyonnais Advanced Accelerator Applications sur un projet dans l’imagerie médicale car si Vect-Horus peut transporter des médicaments, elle peut également le faire avec des marqueurs d’imagerie.
Ces alliances s’inscrivent pleinement dans la stratégie de l’entreprise : « Une fois vectorisées, les molécules libres de droit deviennent la propriété de Vect-Horus. On peut ensuite revendre les licences à nos partenaires ou les conserver en co-propriété comme avec Sanofi », explique Alexandre Tokay. L’entreprise négocie un paiement en deux phases avec les pharmas puis des royalties à l’issu du développement qui court en général sur six ans. Si pour l’heure, le chiffre d’affaires de la société reste minime, il devrait décoller dès 2018 avec des premiers paiements à plusieurs millions d’euros.
Huit candidats en développement propre
En parallèle de cette stratégie de co-développement, Vect-Horus travaille sur ses propres candidats-médicaments. Elle a démarré en mars 2015 le développement pré-clinique réglementaire de VH-N439, une forme conjuguée de la neurotensine, développée pour induire une hypothermie thérapeutique. « Jusqu’à maintenant, il était préconisé de plonger dans la glace les personnes victimes d’accidents cardio-respiratoires ou vasculaires-cérébraux afin de réduire le risque de lésions cérébrales en situation de réanimation. Avec le VH-N439, nous pourrons provoquer directement l’hypothermie par administration médicamenteuse », décrit Jamal Temsamani, directeur du développement chez Vect-Horus. En tout, elle travaille sur un pipeline de huit candidats pour l’imagerie, le traitement de différents cancers dont le cancer du pancréas, ou encore le traitement des maladies lysosomales.
Issue d’un spin-off d’un laboratoire du CNRS en 2005, Vect-Horus multiplie les projets collaboratifs de recherche avec le monde académique français et marseillais. Elle travaille notamment avec le laboratoire de Neurobiologie des Interactions Cellulaires et Neurophysiopathologie (NICN) et le Centre de Recherche de Cancérologie de Marseille (CRCM) sur le projet Nanovector. Il s’agit de remplacer les peptides utilisées comme vecteurs par Vect-Horus par les nanobodies, des anticorps à domaine unique que l’on retrouve chez le lama. Cette innovation permettrait de transporter de plus grosses molécules à travers la barrière hémato-encéphalique. Très actif au sein de DHUNE, le réseau marseillais des chercheurs sur les maladies neurodégénératives, Alexandre Tokay prône une « plus grande collaboration des acteurs locaux en neurosciences. Nous sommes le deuxième pôle français dans le domaine, tout juste derrière Paris, et personne ne le sait ».