Quels sont vos objectifs à la tête de Région Sud Investissement ?
Alain Lacroix : En terme quantitatif, nous avons pour objectif de porter la taille du portefeuille d’ici à cinq ans à hauteur de 120 millions d’euros contre environ 40 millions aujourd’hui. Notre spécificité c’est d’avoir des co-investissements avec des investisseurs privés. Cette singularité a une double vertu. D’une part, les opérations dans lesquelles nous nous engageons sont validées par les acteurs économiques puisqu’ils sont présents au tour de table. D’autre part, nous allons parfois vers des opérations, en tant que fonds public, sur lesquelles le marché s’arrêterait parce qu’il les trouverait trop risqués. Je pense notamment à l’amorçage. Je crois que nous sommes le seul fonds en région à faire de l’amorçage. Car c’est très risqué. Vous financez des start-up qui ne font que démarrer avec une idée. Je précise que nous avons également une activité de prêt participatif (Paca Emergence, NDLR) destinée à financer également des jeunes entreprises sous la forme de prêts sur cinq ans.
Comment se répartissent vos activités entre amorçage et développement ?
A. L. : De 2011 à 2018, 70% des opérations qui ont été réalisées sont cataloguées en amorçage. Cela montre bien que le fonds dispose à la fois d’un impact fort avec les acteurs économiques mais aussi qu’il sait aller sur un marché où le privé ne va pas toujours. Nous allons continuer car personne d’autres ne le fera à notre place. Je souhaite aussi que l’on intensifie notre présence dans l’accompagnement des PME industrielles et de services et qui ont des projets de croissance. Il s’agit donc de capital développement. Cela permettra de compléter notre portefeuille et de pouvoir compenser les risques liés à l’amorçage. Certes nous n’avons pas un taux de rendement d’investissement (TRI). Mais en même temps nous avons le devoir de développer une activité de capital développement, plus productive en terre de création de valeur, qui permettra d’amortir une partie des pertes que l’on pourrait constater sur l’amorçage.
Quels sont les secteurs dans lesquels vous investissez ?
A. L : D’abord le bilan aujourd’hui sur les 79 entreprises financées depuis la création du fonds : 40% de nos investissements concernent le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication, 25% celui de la santé et du bien être, 19% l’écotech et les greentech et 5% sur les industries innovantes. Aujourd’hui, ce qui conduit notre action, sous le contrôle de Région Sud et de l’Europe (le fonds est financé à 50% par le Feder, NDLR), c’est d’abord la qualité du dossier bien sûr. Deux critères sont ensuite importants. Est-ce que le projet présenté s’inscrit dans le cadre de l’une des huit opérations d’intérêt régional (OIR)? Nous avons tendance à favoriser les candidats quand c’est le cas même si nous pouvons accepter des dossiers hors des OIR. Enfin, la dimension « emploi » revêt une valeur particulière. Bien évidemment, le but de tout cela est en effet de créer de l’activité et des emplois. Nous sommes très vigilants à ce que les fonds de la région servent à la région.
Concernant les règles d’engagement, la proportion 50% privés – 50% public demeure ?
A. L : Oui c’est le cadre général mais nous pouvons accepter des exceptions. C’est le rôle du comité d’investissement. Nous investissons avec des tickets de 200 000 à deux millions d’euros. Imaginons un très beau projet à deux millions, et qui risque de ne pas se faire car il manque une partie de l’argent privé…Si le dossier est exceptionnel et qu’il risque d’échouer, nous pouvons décider d’y aller. Mais nous avons des règles et on les tient.
Quel est le volume d’affaires actuellement ?
A. L. Depuis le 1er janvier 2018 jusqu’à aujourd’hui, Sud investissement a investi plus de 10,7 millions dans 26 entreprises, ce qui correspond à 31 investissements dont 5 réinvestissements. Les tickets vont de 200 à un million d’euros. Notre volonté est d’augmenter vers les deux millions. Ces tickets plus importants sont mieux pris en compte par les investisseurs parisiens. Nous examinons chaque mois en comité d’investissement trois à quatre dossiers. Concernant, l’activité de prêts participatifs, nous sommes plutôt sur cinq ou six dossiers par comité. Les tickets sont plus modestes de 70 à 200 K€. Le « deal flow » est important – il n’y a pas d’assèchement- et les dossiers sont de qualité.
Qu’est ce qui alimente cette dynamique selon vous ?
A.L. Difficile de répondre… Il y a d’abord les créateurs qui osent. Les porteurs de projets ont du génie et de l’envie. On le doit aussi sans doute aux caractéristiques de la région. Le modèle s’est modifié avec moins d’industrie que dans d’autres régions. Les nouvelles activités liées aux nouvelles technologies permettent un rebond régional. Enfin, la décrue de la rémunération de l’épargne et des placements ouvre de nouvelles voies pour investir. Celle de l’immobilier d’abord. Mais on voit bien qu’il est taxé et que les taux de rendement s’approchent de ceux de l’épargne. L’autre voie, c’est le capital développement. Et quand on confie ses fonds à des spécialistes, les TRI sont plus proches de 9% à 12% que de 3%.
N’y a t-il pas un risque de voir se former une bulle ?
A. L. Il y a toujours un risque. La crise de 2008 nous le rappelle : quand il y a trop de liquidités, on va chercher des solutions à risques qui participent parfois du jeu de bonneteau. Le risque, avec pléthore d’argent, serait que les fonds réemploient les sommes sur des tickets plus risqués avec des déconvenues. Nous n’en sommes pas là.