Le Syndicat des énergies renouvelables est très actif dans le débat sur notre mix énergétique. Il est enfin reconnu comme partie prenante et il défend pied à pied des propositions industrielles argumentées. Jules Nyssen vient d’en être élu président. Il est bien connu dans notre région. Arlésien, ancien étudiant de Jean-Louis Reiffers en finance et économie, professeur agrégé en économie, il a été directeur général des services à la région Provence Alpes Côte d’Azur puis DGS à la mairie de Montpellier. Il est « monté » à Paris où il a été directeur de Régions de France. Il trace pour Gomet’ les pistes d’un mix énergétique pour 2030.
Le mix est en débat public et chaque secteur défend (âprement !) sa filière. Avec le Syndicat des énergies renouvelables, quel mix proposez-vous ?
Jules Nyssen : Le Syndicat des énergies renouvelables réunit plus de 450 adhérents qui représentent l’ensemble des filières des énergies renouvelables et l’ensemble de la chaîne de valeur, des bureaux d’études jusqu’aux gros industriels. Notre premier message est de rappeler que le débat ne se résume pas à l’électricité. Aujourd’hui, notre consommation d’énergie repose encore à 60% sur les énergies fossiles. L’électricité ne représente que 25% de cette consommation. Même en électrifiant le plus possible les usages et en faisant de gros efforts de sobriété, si l’on veut atteindre la neutralité carbone en 2050, il sera indispensable de produire en quantité du gaz renouvelable, d’exploiter intelligemment la biomasse, de développer la géothermie, etc.
Mais 2050, même si ce n’est « que » dans 10 000 jours, c’est un horizon trop lointain. Il faut se fixer un jalon. Dans le cadre des débats sur la future loi de programmation énergie climat, définit notre futur mix énergétique, nous pensons qu’il est essentiel de se focaliser sur 2030. Le Syndicat des énergies renouvelables a publié l’an dernier une feuille de route qui détaille nos propositions. À cet horizon, nous défendons l’idée que la consommation d’énergie peut être satisfaite à 45% par des énergies renouvelables (contre 19,1 % en 2020). La moitié environ d’électricité et l’autre moitié via la production de chaleur renouvelable et de gaz renouvelable. Les filières ont la capacité industrielle d’atteindre cet objectif.
On oppose le renouvelable au nucléaire, depuis toujours. Est-ce qu’il y a un antagonisme rédhibitoire ?
J. N. : Bien sûr que non ! Il n’y a qu’en France d’ailleurs que l’on oppose à ce point les deux. Et ceci vient du fait que notre débat sur l’énergie est focalisé autour de l’électricité. Comme une part importante de notre production électrique est assurée de façon très décarbonée par le parc nucléaire, on a pensé que les énergies renouvelables étaient une lubie inutile et consommatrice de fonds publics. Or, la situation actuelle montre que d’une part, le renouvellement des centrales nucléaires (nécessaire pour assurer a minima le maintien d’une capacité de production équivalente à celle d’aujourd’hui) est déjà un gros challenge industriel et prendra beaucoup de temps, et que d’autre part les énergies renouvelables ne coûtent plus d’argent public aujourd’hui, et contribuent même au budget de l’État par un mécanisme de reversement des écarts entre le prix garanti dont elles bénéficient et le prix du marché.
Nous avons la chance d’avoir deux manières complémentaires d’assurer à notre pays une électricité décarbonée, sans compter les énergies non électriques dont j’ai parlé plus haut. Pour moi, opposer nucléaire et renouvelable n’a donc aucun sens !
Les questions des ENR renvoient à leur prix. Pensez-vous qu’elles peuvent, sans soutien de subvention, quelles qu’elles soient, parvenir à une maturité qui les place en situation concurrentielle ?
J. N. : Les énergies renouvelables très innovantes, comme les énergies marines (les hydroliennes par exemple) ont encore besoin de soutien public pour se développer. Mais le solaire et l’éolien ont aujourd’hui atteint une maturité qui les rend très concurrentiels. Bien sûr, des appels d’offres publics peuvent rester nécessaires pour donner une direction générale à tout ça. Mais la tendance mondiale va dans le sens d’une autonomie poussée par l’abaissement des coûts de fabrication des unités de production. Par ailleurs, le potentiel offert par l’exploitation des déchets et plus globalement, par la méthanisation, laisse entrevoir les mêmes perspectives, surtout dans un contexte de renchérissement des énergies fossiles.
Vous connaissez les régions du Sud. Quel potentiel pour une région comme région Sud Provence Alpes Côte d’Azur dans la montée en puissance des ENR ?
J. N. : L’atout de la région, ce sont évidemment ses caractéristiques naturelles : le soleil et le vent. Le frein, c’est la relative rareté du foncier, et donc son coût. Mais Provence Alpes Côte d’Azur est une grande région et le Président Renaud Muselier est très engagé dans la transition énergétique avec sa « COP d’avance ». Il me paraît évident que la région prendra toute sa part dans le développement des énergies renouvelables avec des solutions innovantes et adaptées. Car les ENR, ce sont des énergies de territoire. Chaque projet est pratiquement développé « sur mesure » et doit trouver le bon équilibre entre enjeux énergétique, enjeux patrimoniaux, et enjeux de biodiversité.
Les énergies renouvelables sont compatibles avec la recherche d’une forme d’autonomie énergétique locale.
Jules Nyssen
Quels rôles peuvent jouer d’un côté les élus, de l’autre les chefs d’entreprise pour accélérer la transition ?
J. N. : Les élus locaux ont un rôle essentiel à jouer. Je disais que les énergies renouvelables sont des énergies de territoire. Elles ne se développeront, ni par la loi, ni par le décret. Elles se développeront, car elles s’inscrivent dans les stratégies territoriales de développement local. Elles sont compatibles avec la recherche d’une forme d’autonomie énergétique locale et de sécurité d’approvisionnement. Elles sont porteuses d’emploi local, de développement industriel et d’innovation. Enfin, elles rappellent que l’énergie, ça « ne tombe pas du ciel » et ça doit être produit. Il me semble important qu’au moment où tout le monde est appelé à faire un effort de sobriété, on recrée un lien entre les citoyens et les moyens de la production de l’énergie qu’ils consomment au quotidien. C’est cette idée que les élus locaux peuvent développer, en s’appuyant sur l’expertise des entreprises de la filière.
Quant aux entreprises consommatrices d’énergie, elles ont intégré la question depuis longtemps dans leur équation économique, et je ne doute pas un seul instant qu’elles aussi chercheront à être innovantes et responsables dans la manière dont elles feront évoluer leurs approvisionnements.
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