Le Président directeur général de CMR Group, Yves Barraquand, explique sa stratégie pour répondre aux défis de la maîtrise de l’énergie. Les appareils et les systèmes de CMR sont des outils puissants pour réduire les frais et l’empreinte carbone des instruments industriels.
Yves Barraquand pilote depuis le siège de Château-Gombert à Marseille un groupe discret localement mais mondialement reconnu par les plus grands industriels. Car CMR Group a su au fil de ses plus de 60 ans d’existence démontrer un savoir-faire exceptionnel pour fournir aux motoristes des outils de suivi très profitables. A l’heure où le développement durable et la maîtrise énergétique deviennent des priorités, CMR Groupe se renouvelle avec de nouveaux produits et services comme dans le solaire et l’hydrogène. Explications.
Pouvez-vous nous présenter les grandes étapes du développement de CMR Group ?
Yves Barraquand : L’activité de CMR (Controle Mesure Regulation) est d’abord intimement liée à l’histoire de Marseille. La société a en effet été créée en 1959 à la Joliette dans le secteur des services liés à la réparation des moteurs maritimes, pour des bateaux de pêche, de transports de passagers et tout ce qui concerne l’avitaillement. Puis son fondateur a décidé de développer son activité à l’échelle industrielle en devenant concepteur et fabricant de câbles, de capteurs de température et d’aficheurs électroniques, toujours pour les bateaux. La société s’est fortement développée durant la période, notamment à l’international. Des filiales ont été créées au fil des années. En Angleterre d’abord, puis à Singapour, en cherchant toujours à se renforcer dans le secteur maritime. En France, l’entreprise a également réussi, dans les années 80, à fidéliser de nouveaux clients dans le domaine nucléaire. Puis, à la fin des années 90, CMR franchit plusieurs grandes étapes : le déménagement à Château-Gombert, l’achat d’une société à Singapour pour entrer dans le marché de l’offshore pétrolier, et enfin le marché confié par le motoriste Cummins, groupe américain membre du SP 500, l’un des plus importants du monde, pour la conception des câblages de ses nouveaux moteurs.
Et déjà CMR accompagne ses clients dans la transition énergétique…
Y. B. : Oui à la fin des années 90, une nouvelle réglementation est entrée en vigueur pour les émissions de gros moteurs thermiques équipant les gros engins de mines, de la construction… Cummins a décidé de passer tous ses moteurs en injection électronique pour pouvoir être dans les nouvelles normes d’émission. C’est à ce moment-là que CMR a connu un très fort développement. En Angleterre, en Amérique, en Chine puis en Inde. A partir de 2015, le marché du pétrole dans lequel CMR s’était développé via l’offshore a fortement ralenti. Le groupe a décidé alors de s’orienter fortement sur les énergies nouvelles et renouvelables.
Comment avez-vous abordé ce marché ?
Y. B. : D’abord, dans le secteur hydraulique, par une acquisition en Suisse avec la société Costronic (automatisme et génie électrique), puis des partenariats en Afrique pour proposer des solutions solaires aux industriels. Dans l’hydraulique, nous opérons à la fois des projets neufs mais aussi beaucoup de réhabilitation. Dans les barrages, il y a besoin à peu près tous les dix ans de changer les automatismes. Vu le besoin en énergie, les opérateurs industriels spécialisés dans l’hydraulique sont très recherchés dans tous les pays émergents. Plus généralement, tous ces pays vont devoir avoir recours aux énergies renouvelables. Le besoin va être considérable notamment en raison du contexte géopolitique actuel et des sanctions économiques contre la Russie.
Est-ce que cette tension internationale liée à la guerre en Ukraine est selon vous susceptible de remettre en cause le recul des énergies fossiles ?
Y. B. : Non pas du tout. Mais à court terme, il y a toujours un besoin des énergies fossiles comme le pétrole, le gaz et le charbon.
Comment se répartissent vos débouchés aujourd’hui ?
Y. B. : L’industrie minière représente 20% de notre activité, le digital à travers les data-centers 15%, viennent ensuite la marine qui représente 10%, le nucléaire 5%. Et puis il y a toute l’énergie solaire.
Quelles sont vos perspectives ?
Y. B. : Il y a une forte accélération de la demande en énergie partout dans le monde. On a fait une très bonne année en 2021. On s’attend à une excellente année 2022 également.
Nous avons une capacité de production extrêmement flexible avec des usines situées dans douze pays dans le monde
Yves Barraquand
Comment faites-vous pour piloter l’activité dans ce marché qui évolue vite ?
Y. B. : On essaye d’être agile. Nous avons une capacité de production extrêmement flexible. Nous avons des usines dans douze pays dans le monde (notamment en Tunisie, Chine et Inde). En France nous avons la R&D puis quelques productions (nucléaire et rails). Notre « supply chain » est mondiale. Nous achetons des composants pour nos usines qui font les assemblages puis les produits sont dirigés vers les clients qui se trouvent aux Etats-Unis, en Angleterre, en Europe et en Chine où nous avons une grosse clientèle. Nous nous attendons en 2022 à avoir une demande encore supérieure à celle de 2021. Nous nous préparons à des coûts d’inflation sur les composants, potentiellement sur les salaires aussi. Il faut également arriver à gérer tout le recrutement des talents partout où nous en avons besoin. Aujourd’hui nous sommes 1000 salariés contre 800 il y a deux ans et 500 il y a cinq ans. Le siège ici à Marseille occupe près de 100 per- sonnes.
Dans le nucléaire, le projet de lancer des petites centrales nucléaires annoncé par le président de la République peut-il renforcer encore vos débouchés dans ce secteur ?
Y. B. : Pourquoi pas mais c’est à long terme. Aujourd’hui, nous travaillons beaucoup pour des programmes de grand carénage. Nous sommes fournisseurs des centrales EPR Hinkley Point en Angleterre. Nous sommes présents aussi en Inde, en Chine, en Corée. Dans ce marché, très peu d’entreprises dans le monde peuvent fournir les capteurs classés que nous proposons. Ce sont toujours des capteurs de température dont la capacité de résistance est avérée dans des environnements potentiellement dégradés (hautes températures, vibrations). Les annonces du Président sont une bonne nouvelle : cela entérine le fait que le nucléaire est bon pour le climat. Sans le nucléaire on ne peut pas faire la transition énergétique. C’est aussi positif car l’industrie a parfois du mal à recruter, notamment chez les jeunes. Le fait de contribuer à la protection du climat constitue un facteur de motivation pour les jeunes ingénieurs. L’industrie a absolument besoin de leurs compétences. C’est fondamental.
A quel horizon pensez-vous que les ENR seront majoritaires dans votre activité ?
Y. B. : Je pense que dans dix ans la transition énergétique aura fait un bond considérable. Ce sera l’essentiel de notre marché, à la fois dans l’hydraulique, le solaire mais aussi l’hydrogène, les bio gaz, les bio carburants. Nous développons des capteurs pour pouvoir mélanger le gaz naturel et l’hydrogène, pour pouvoir assurer le pilotage de moteurs. Ce sont des capteurs très technologiques (optoélectronique) que nous sommes prêts à mettre sur le marché. Concernant le solaire, on propose des solutions aux entreprises en Afrique et aux Philippines. Là-bas, les sociétés utilisent de l’électricité qui est fournie par des réseaux électriques. Mais cette énergie est chère et/ ou pas fiable. Ils ont parfois des moteurs diesel. Nous leur proposons des solutions solaires qui sont compatibles avec un réseau électrique et/ou les moteurs diesels. Nos solutions hybrides permettent tout à la fois de réduire l’empreinte carbone et la facture énergétique. Par exemple, nous menons en ce moment un projet au Ghana dans l’agro-alimentaire. On s’aperçoit qu’il y a une forte demande dans le solaire hybride à la fois dans l’industrie mais aussi dans le tertiaire.
En Europe, quels sont vos marchés en ENR ?
Y. B. : Nous sommes dans l’hydraulique. On travaille en Suisse mais aussi sur tout le continent pour proposer des automatismes dans les installations. Certes il y a très peu de nouveaux barrages mais il y a beaucoup de réhabilitation et de renouvellement des systèmes de pilotage des barrages. Et beaucoup de projets existent en Afrique et dans les Dom Tom. Là aussi, avec la demande en énergie, les opérateurs sont incités à gagner en productivité, et donc à investir.
Dans les industries digitales, le potentiel d’économie d’énergie s’avère encore considérable
Yves Barraquand
Dans ce contexte de tensions sur les marchés énergétiques vous plaidez pour la sobriété. Comment aidez-vous vos clients ?
Y. B. : Nos activités sont destinées à aider les entreprises à optimiser leur consommation énergétique. L’installation d’automatismes et de capteurs permettent de d’atteindre cette sobriété énergétique. Il faut savoir que de nombreuses industries peuvent faire des économies significatives. Exemple : nous travaillons sur des mesures de consommation dans des datas-center d’un important opérateur télécom. Ces équipements consomment beaucoup d’énergie. Or nous mesurons les zones plus chaudes afin de mettre en place des dispositifs d’optimisation qui entrainent une réduction significative de la consommation électrique. C’est le thème de l’efficacité énergétique des industries digitales. En la matière, le potentiel d’économie s’avère encore considérable. Je l’estime de l’ordre de 5% par an pendant dix ans… Il suffit de comparer les niveaux de consommation entre les datas centers les mieux gérés et le data center moyen. Ce dernier consomme 50% de plus à puissance équivalente.
Vous continuez à être présents dans le maritime ?
Y. B. : Oui cela doit représenter encore 10% de notre activité, avec des capteurs, des harnais mais aussi des systèmes beaucoup plus complets pour le monitoring de la gestion des moteurs, avec des systèmes hybrides, diesel-électrique. Dans ce domaine, nous travaillons surtout pour la Marine nationale.
Nous avons réalisé par exemple les systèmes diesel-électrique des patrouilleurs outre-Mer. Ils permettent de faire des économies mais aussi de réduire les nuisances. Tous les acteurs du maritime ne veulent pas polluer et être silencieux quand ils arrivent dans les ports.
Concernant l’international, quels sont vos projets ?
Y. B. : C’est déjà 85% du chiffre d’affaires ! Nous souhaitons essentiellement nous développer dans le ferroviaire puisque nous venons d’acquérir une société dans ce domaine, Procaly, basée à Lyon. C’est un marché très lié à la transition énergétique qui croit fortement. Nous pourrions faire éventuellement faire d’autres acquisitions en Europe, aux Etats-Unis et pourquoi pas en Asie.
Liens utiles :
> Le site officiel de CMR Group
> [Industrie] Procaly (Lyon) roule pour le marseillais CMR Group