La visite du calen de Martigues, organisée par l’office de tourisme de la ville commence au bord du canal, face au pont levant. Jordan Ortiz, maître des lieux, orchestre les opérations. À 31 ans, il fait partie des rares à faire vivre cette technique de pêche aujourd’hui quasiment disparue. Le filet se tend lentement à la surface de l’eau.
Trois pêcheurs s’affairent dans une barque, tirant les mailles avec précision. En quelques minutes, des reflets argentés apparaissent. Des poissons se débattent, piégées dans le calen. Ce dispositif de pêche typiquement provençal, suspendu entre ciel et étang, vit encore à Martigues. Et ce matin-là, une trentaine de curieux assistent à sa démonstration. « Avant, il y avait douze calen à Martigues. Il n’en reste qu’un ici, et un autre qui vient de rouvrir à Port-de-Bouc », raconte-t-il, en montrant d’anciennes photos dans un épais album.
Le calen de Martigues, une pratique à « ne pas perdre »
Le calen de Martigues n’est pas un musée : c’est une concession privée, héritée du père et de l’oncle de Jordan. Depuis plusieurs années, il l’a reprise avec son associé Jean-Sébastien B, et travaille aujourd’hui aux côtés des enfants de ce dernier. « C’est important de ne pas perdre cette pratique », confie Jordan. Ici, tout est pensé pour conjuguer tradition et efficacité. Le filet de 11 mètres de profondeur et 115 mètres de longueur est remonté par un moteur mais redescend grâce à un système d’embrayage, un équilibre entre l’ancien et le moderne pour un système « presque centenaire ».
En pleine saison, l’équipe peut remonter le calen jusqu’à trente fois par jour. Au retour de la barque, le butin est présenté : uniquement des daurades ce jour-là. Mais l’étang de Berre est bien plus généreux. « On y pêche aussi des muges, des loups, des soles, des anguilles vertes l’hiver, et même la testu, utilisée pour faire la poutargue », énumère Jordan.
La visite se poursuit avec une dégustation maison : ceviche citronné et toasts de poutargue, accompagnés de rosé, de coca ou d’eau fraîche. Un moment de partage où les langues se délient. « Ah j’adore ça ! Je me régale », lance Martine, une sexagénaire à son amie. Elle s’étonne pourtant en découvrant un poisson peu commun : « Je ne savais pas que le muge se mangeait ! »
Pour Émilie, venue avec ses enfants depuis Port-de-Bouc, l’expérience est double. « C’était super intéressant de voir le patrimoine local. Je voulais le transmettre à mes enfants et les sensibiliser. Et puis on est de très grands amateurs de poutargue. Je trouve ça important de se fournir chez les producteurs locaux. » Son fils Adriano, 9 ans, repart ravi. « Mon moment préféré, c’est quand j’ai mangé le ceviche. Et aussi quand j’ai touché un poisson, il allait tomber de la table ! » La famille s’apprêtent d’ailleurs a visiter le calen de Port-de-Bouc afin de « pouvoir les comparer. »
Martigues : du calen à la poissonnerie
Mais tout n’est pas si simple pour ces pêcheurs. L’ennemi juré, c’est le crabe bleu. Cette espèce invasive venue d’Amérique fait des ravages dans l’étang. « Ils déchirent nos filets, il y a au minimum dix trous à chaque fois. Des fois, on en prend 50 à 60 kilos d’un coup », confie Jordan. Pourtant, même cet adversaire inattendu trouve sa place : « Ça vaut dix fois le tourteau, c’est vraiment super bon ! » Comme la palourde, elle aussi invasive, le crabe bleu devient une nouvelle ressource, que les pêcheurs proposent désormais à la vente. L’occasion de se diversifier et de proposer « beaucoup de variétés à vendre sur place. »
La visite s’achève dans la bonne humeur, entre bouchées salées et conversations détendues. Armande, une septuagénaire native de la région, se réjouit : « On ne m’avait jamais parlé de la poutargue quand j’étais jeune. Je trouve ça super qu’on puisse l’apprendre aujourd’hui. » Pour Jordan, ces moments sont essentiels : « Cela permet de partager notre passion pour qu’elle perdure. »
En attendant, les visiteurs peuvent acheter du poisson frais tous les jours, de 8h à 20h, directement sur place. Et ne poissonnerie ouvrira d’ici deux mois, avec « toujours des prix attractifs », promet Jordan.
Informations pratiques :
Prochaines visites : jeudi 7 août et samedi 20 septembre, de 10h30 à 12h30 (12 euros).
Réservations sur le site de l’Office de tourisme de Martigues. Un grand parking gratuit est disponible à proximité.