Corinne Iehl, membre du collectif Vaï Marseille ! fondé par l’écologiste Sébastien Barles en vue des municipales prend position dans cette tribune (*) publiée contre le méga projet de hangar de réparation de super yachts, porté par Monaco Marine, racheté par l’américain Safe Harbor cet été, au nord des bassins est du port de Marseille. Les enjeux dans ce dossier révélé par nos confrères de La Marseillaise et de Marsactu en juin dernier sont, selon Corinne Iehl, multiples « d’un point de vue autant écologique que social. »
Un hangar de réparation des super yachts et un immense élévateur de 55 m de haut ! Ce hub, pouvant accueillir quatre yachts en même temps, sera installé dans le bassin Mirabeau à l’Estaque. L’hubris, avec ce méga projet, piloté par un fonds d’investissement américain, n’a plus de limite. Il est, avec le projet du J4, nouveau terminal de croisière et celui du J1 – son hôtel 4 étoiles, ses restaurants de luxe entourés d’un écrin de verdure – un nouvel affront aux Marseillaises et Marseillais vivant à proximité et laissés-pour-compte au sein de quartiers insalubres où prospère la pauvreté. Il est aussi une insulte à l’histoire du port d’une Marseille, populaire et industrieuse, où se mêlent les populations immigrées venues des anciennes colonies. Et aujourd’hui leurs enfants.
Cette verrue, défigurant tout le paysage du nord de la rade de Marseille – magnifié par Braque ou Cézanne – vouée à une activité de yachting, doit être combattue. Il ne s’agit pas de carte postale nostalgique, mais de préserver la beauté, la poésie de ces lieux, au sens de poésie vécue, un patrimoine que nous voulons tourné vers un avenir de sobriété, d’activité pour toutes et tous, et non pour une poignée de nantis qui affichent leur arrogante conquête du littoral, ce bien commun bien mal acquis.
Une emprise financière tournée vers le tout profit
Nous ne sommes pas dupes vis-à-vis de la ritournelle du développement autour de l’emploi, sans cesse invoqué pour des projets d’aménagement pharaoniques. Ce chantage à l’emploi est toujours l’argument d’autorité pour justifier des choix économiques, mais qui cache mal le ressort réel d’une emprise financière tournée vers le tout profit. Ce chantage à l’emploi, dont rien ne dit qu’il s’agira d’emplois locaux, offrira surtout des emplois indirects de sous-traitants, et de travailleurs détachés, de moins-disant social.
Car derrière la société Monaco Marine, affichée comme l’opérateur principal, et Safe Harbor – société américaine propriétaire de nombreuses marinas et de réparation navale outre-Atlantique qui vient de racheter la première – se cache un « fonds vautour », pudiquement appelé fonds d’investissement, Blackstone, dont le PDG est un proche donateur et conseiller de Donald Trump. Ce fonds vient tout juste de racheter Safe Harbor, laquelle vient d’acquérir Monaco Marine. Il faut suivre…
Mais nous n’avons pas oublié la triste histoire de l’achat des immeubles, rue de la République, par un fonds de pension américain et ce qu’il en est advenu : une rente immobilière de logements vacants depuis plusieurs décennies, c’est-à-dire une spéculation toujours au profit de l’avidité débridée des fonds vautour, au mépris des habitants médusés qui attendent depuis des années parfois un logement. Ceux-là devront se contenter de quartiers dégradés et de logements indignes.
À propos de ce projet, il n’est pas inutile de rappeler que l’Autorité environnementale a épinglé récemment un autre chantier de réparation du Grand Port Maritime de Marseille pour ses rejets de métaux lourds, déversés directement dans la mer. Mais ils – les responsables de ces dégâts écologiques – préféreront sans doute s’acquitter d’une amende, plutôt que d’investir dans des opérations de filtrage de ces déchets immondes.
Il va de soi, que ce hub de réparation attirera de nouveaux bateaux de croisière, des monstres des mers qui sillonnent la Méditerranée, de Marseille à Barcelone, de Gênes à Venise, en passant par Lisbonne ou Monaco. Nous, Marseillaises et Marseillais, nous ne voulons pas d’une Riviera insolente et prédatrice de notre littoral, de ses effets délétères de pollution sur la santé des riverains, sans parler des polluants directement déversés dans la mer. Ce projet, sans véritable retombée économique pour la ville, est un pur désastre écologique et social !
Corinne Iehl
Membre du collectif Vaï Marseille !
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