Le 24 avril dernier, Aix-en-Provence s’est vu remettre, près de trente ans plus tard, ses collections de mosaïques antiques gallo-romaines datant des Ier et IIe siècles. Une incroyable collection de 15 pavements de mosaïques restaurés en grande partie par l’atelier de restauration et d’enduits peints du musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal de Vienne. Les antiquités seront accessibles au grand public à l’occasion d’événements particuliers, lors des journées du patrimoine par exemple ou pour des demandes pédagogiques.
La création récente, dans le centre d’étude et de conservation archéologique de la ville d’Aix-en-Provence d’un équipement, a permis le retour des mosaïques dans leur ville d’origine. Un système de portes coulissantes, sur fond blanc, exposant les œuvres verticalement, financé par la Ville d’Aix-en-Provence à hauteur de 200 000 euros. (voir ci-dessous)
Établie en 1988 en réponse à l’essor des fouilles archéologiques dans les années 1980 à Aix-en-Provence, la direction de l’archéologie rassemble une équipe d’une vingtaine de chercheurs et techniciens : spécialistes en archéologie, géomorphologie, céramique, métaux et peintures murales romaines, archéozoologie, paléographie, ainsi que des professionnels de la gestion des œuvres, de la topographie, de l’infographie, de la documentation et de la communication. Leurs missions allient recherches archéologiques, mise en valeur du patrimoine et médiation culturelle. Agréée pour l’archéologie préventive, cette direction supervise la majorité des opérations archéologiques mandatées par l’État sur le territoire communal.
Témoins du temps et des modes aixoises de l’Antiquité
Bien que d’origine salyenne (gauloise), la population d’Aix a rapidement intégré des influences italiennes dans son mode de vie. Les mosaïques sont devenues un symbole de cette acculturation, ornant les maisons des notables et les bâtiments publics. Plus que de simples sols esthétiques et pratiques, ces mosaïques racontent aussi les passions et les intérêts de leurs propriétaires : la gladiature, le théâtre, la littérature, les oiseaux ou la mythologie. « La littérature a une place très importante dans les mosaïques aixoises, on y retrouve le combat entre Entellus et Darès de l’Enéide de Virgile, une scène des Adelphes de Térence et plusieurs autres extraits de références à des poèmes latins » illustre Núria Nin, directrice de la direction de l’archéologie de la ville d’Aix. « On a le sentiment d’une classe aisée cultivée et soucieuse d’afficher ses savoirs » détaille t-elle.
Les mosaïques et peintures murales aixoises ont été découvertes entre 1985 et 1998 dans différents lieux de la cité aixoise. Nombreuses d’entre elles sont sorties de terre lors des travaux dans l’actuelle rue des Chartreux, jouxtant le boulevard de la République et la rue Célony. « Nous commençons d’ailleurs le 2 mai de nouvelles opérations archéologiques dans cette rue » signale la direction archéologique. D’autres dans le quartier du parking Pasteur, de la rue de La Molle et de la rue des Magnans (jouxtant la place des Cardeurs), à une époque « où la ville antique se situait à l’est-ouest du secteur sauvegardé nord-sud, allant de la Cède à la rue Pierre et Marie-Curie et de la rue Espariat à l’avenue de Pontier », explique Núria Nin. Et ce que l’on remarque tout de suite est la qualité de leur conservation, « le marbre et le calcaire de ces pièces ont fait qu’elles sont restées en excellent état » précise Christophe Laporte, dessinateur topographe, soulignant les « deux modes et ateliers de l’époque ».
La pièce majeure de la collection, découverte dans l’actuelle rue des Magnans (à proximité de la place des Cardeurs), mesure huit mètres de haut par quatre mètres de large. Elle représente un décor de plafond d’une habitation aisée, « un décor précurseur, selon le spécialiste Henri Lavagne, des décors du même type retrouvés à Saint-Romain-en-Galle qui feront sa renommée quelques décennies plus tard » détaille la directrice du directoire de l’archéologie aixois.
Actuellement, la restauration de la mosaïque dite du “dieu Océan”, caractérisée par des motifs noirs et blancs et découverte en 1842, demeure en attente. Cette mosaïque, qui était initialement conservée au musée du Vieil Aix où elle a subi des dommages, est toujours en attente de restauration. La responsabilité de cette restauration incombe à l’atelier archéologique du musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal.
De même, une autre mosaïque, qui était auparavant conservée à l’École des Beaux-Arts d’Aix, reste en attente de conservation. Le nouvel espace d’exposition, ouvert ce mois-ci, dispose de suffisamment d’espace pour accueillir les deux mosaïques en attente de restauration et de conservation. Les différentes restaurations, étalées depuis les années 1980, ont coûté presque deux millions d’euros, selon les données de la direction de l’archéologie d’Aix. « À l’heure actuelle, la ville pourrait envisager la création d’un musée archéologique sans nécessiter de chantier de restauration chronophage. Les éléments nécessaires sont déjà présents et disponibles » concède Núria Nin, dans une ville ou le plus grand musée est encore très probablement encore sous terre. Un projet dans les tuyaux ? « c’est une possibilité, mais sûrement sous la forme d’un musée-réserve » répond Sophie Joissains, sans communiquer de dates ni plus de précisions.
Une “accès à la culture” pour tous les Aixois
« Ces mosaïques sont une richesse à faire découvrir aux Aixois » concède le maire d’Aix Sophie Joissains. « A travers le patrimoine on honore l’histoire et quand on honore l’histoire on honore la culture » souligne Jean-Christophe Gruvel, 15e adjoint au maire d’Aix à l’archéologie, « faire voir aux Aixois et surtout aux plus jeunes d’entre eux ces mosaïques, cela vaut des heures de cours, c’est un accès beaucoup plus facile à la culture. Pour comprendre et être bien dans son monde encore faut-il comprendre ce qui nous a précédé » confie l’élu, saluant le travail effectué et l’investissement lancé par la mairie pour l’élaboration de la réserve archéologique dans la ville d’Aix. « L’archéologie est une science rédemptrice, elle fait revivre ce qui nous a précédé il y a des millénaires, c’est merveilleux » s’enthousiasme Jean-Christophe Gruvel.
Galerie d’images : découvrez la collection des mosaïques aixoises
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