Alain Cabras, interculturaliste, est membre fondateur du collectif MarseilleS–Marseille au pluriel, président de Mana Nostrum, professeur associé à Polytech Marseille.
Depuis la fin du XXe siècle, la mondialisation a changé le visage et les mœurs de nos sociétés occidentales. L’interculturel a vu le jour pour répondre au nombre grandissant de questions sur l’acceptation des différences ainsi que sur notre aptitude à vouloir faire ensemble. Cette approche interdisciplinaire de l’altérité a été choisie par Marseille au pluriel pour proposer sa première Biennale des Femmes de la Méditerranée, le 9 avril dernier au Mucem, afin de co-construire une Déclaration universelle de la cohésion humaine par l’éducation.
L’interculturel comme un outil d’innovation sociale
L’interculturel est un outil d’innovation sociale particulièrement nécessaire à notre temps et les femmes son vecteur privilégié, pour élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux. Ceci pour quatre raisons principales :
1. Un nouveau pari de l’intelligibilité sociale et culturelle du rôle des femmes
L’interculturel au féminin c’est, d’abord, comprendre que tout être humain est intelligible dans ce qu’il est et fait. Reconnaître l’autre comme différent et compréhensible, c’est faire un nouveau pari de la relation humaine. Les femmes sont particulièrement touchées par le choc culturel des organisations comme des traditions, pour l’acquisition de leurs droits, pour leur place dans les entreprises, l’égalité salariale ou encore la lutte pour l’accès aux savoirs.
L’interculturel, a pour but de faciliter leur intégration dans la société, en favorisant la communication entre les cultures et en en faisant des actrices à part entière de la cohésion sociale. Le dialogue interculturel n’existe, en effet, que dans un rapport de réciprocité absolue pour aboutir à la mise en place de valeurs communes, dites valeurs centrales de cohésion.
2. Permettre aux femmes de peser sur les valeurs communes
L’interculturalité propose de manière inédite un apprentissage au décodage de la culture d’un collectif qui œuvre ensemble en quatre étapes : les valeurs centrales de cohésion, les représentations, la singularisation, l’identité dynamique issue de cette culture. Ces quatre étapes sont des paramètres de mesure de l’intégration des femmes dans une culture donnée. Plus les femmes sont impliquées dans l’émergence et la transmission des valeurs, plus elles influenceront la société et son identité. C’est pourquoi Marseille au Pluriel a animé huit panels d’émergence des valeurs centrales de cohésion de femmes venues d’horizon différents pour qu’elles puissent faire entendre leur voix, autour de leurs propres valeurs non-négociables, sur le thème de l’Éducation.
3. L’interculturalité permet aux femmes de s’exprimer loin de la logique multiculturaliste qui enferme dans sa communauté
L’interculturalité prend en considération la culture dominante de l’entité d’accueil, valorise les différences culturelles et se donne pour objectif majeur : la cohésion du collectif. Le multiculturalisme signifie qu’il y a plusieurs cultures qui s’additionnent et se juxtaposent ce qui a pour effet d’enfermer chacun dans sa différence et refuser la cohésion sociale : cette approche ne correspond pas au modèle français. À l’inverse, l’interculturalisme se fonde sur l’interaction entre les groupes et les personnes. La prise en compte de la personne est essentielle : l’interculturel est une école de l’émancipation féminine.
4. L’interculturalité dans l’éducation contribue à l’amélioration de la condition féminine
Dans le monde de l’éducation, l’école est aussi le lieu où l’enfant va rencontrer la différence, l’altérité. Il va devoir comprendre que sa propre culture n’est pas universelle et qu’il est important de respecter l’autre. L’approche interculturelle en milieu scolaire a pour but de donner de la valeur à cette différence. L’objectif est que chaque petite fille apprenne des autres et se sente légitime pour apprendre aux autres.
Alain Cabras
En savoir plus :
Le site MarseilleS
Invitées par le collectif MarseilleS, les femmes de Méditerranée vecteurs de cohésion sociale