Marseille a du mal avec ses chercheurs, trop peu connus et valorisés, alors que nos laboratoires donnent naissance à des innovations décisives et que de belles start-up émergent, en particulier dans les biotechnologies. Dans la promotion 2023 des médailles du CNRS, nous relevons quatre médailles plus une dont une majorité de jeunes chercheuses dans des secteurs d’avenir. Comme chaque année Gomet’ félicite les lauréates et le lauréat du CNRS.
L’argent va tout à un chercheur Tâm Mignot. La médaille d’argent est remise, au début de leur ascension, à des chercheurs déjà reconnus sur le plan national et international. Le microbiologiste Tâm Mignot reçoit cette récompense prestigieuse après avoir reçu déjà la Médaille de bronze en 2011. Il est spécialisé dans la biologie cellulaire bactérienne
Trois médailles de bronze féminines
Les trois médailles de bronze sont féminines. Elles récompensent le premier travail d’une chercheuse prometteuse dans son domaine.
Isabelle Dautriche est chercheuse au Laboratoire de psychologie cognitive, à Saint-Charles, spécialiste du développement du langage chez le nourrisson et l’enfant humain. Les sciences humaines sont ainsi enfin à l’honneur.
Hélène Launay, biochimiste, est chargée de recherche au laboratoire Bioénergétique et ingénierie des protéines (BIP1), à Marseille dans le 9°, elle déchiffre les régulations impliquées dans l’assimilation du CO2 chez les microalgues.
Dorothea vom Bruch est physicienne, chargée de recherche CNRS au Centre de physique des particules de Marseille (CPPM), à Luminy, spécialiste de la physique des particules et du traitement de données en temps réel.
Enfin, nous pouvons ajouter au palmarès marseillais Fanny Henriet, économiste d’origine marseillaise (elle est la fille de Dominique Henriet, lui aussi économiste, ancien doyen de la faculté d’économie professeur émérite AMU École centrale), chercheuse au CNRS, et en “visiting” Amse de septembre 2022 à septembre 2023, Fanny Henriet centre ses travaux sur l’économie de l’environnement et des ressources, sur l’économie publique et pourrait revenir en 2024 à Marseille à l’Amse (Aix Marseille Sciences économiques) qui l’a chaleureusement félicitée.
Enfin, notons que tous les laboratoires couronnés pour leurs jeunes chercheurs sont des labos associés d’Aix Marseille Université qui confirme sa capacité à faire émerger des talents prometteurs pour notre région.
Nous publions ci-dessous les biographies officielles des lauréats.
Médaille d’argent : Tâm Mignot
Directeur de recherche en microbiologie et directeur du Laboratoire de chimie bactérienne, Tâm Mignot est spécialisé dans la biologie cellulaire bactérienne. Le LCB, créé en 1962, est une unité mixte de recherche (UMR7283) entre le CNRS et Aix Marseille Université implantée sur le campus Joseph Aiguier dans le 9e à Marseille au sein de l’Institut de microbiologie de la Méditerranée.
Myxococcus xanthus est une bactérie prédatrice essentielle à l’écologie des sols. Elle est capable de se déplacer en glissant sur des surfaces solides pour se nourrir d’autres micro-organismes. Elle est au cœur des travaux de renommée internationale de Tâm Mignot qui a notamment découvert le mécanisme moléculaire qu’elle utilise pour détecter et tuer un large éventail de proies. Les travaux de Tâm Mignot nous éclairent aussi sur la façon dont M. xanthus parvient à se mouvoir collectivement et à former des structures multicellulaires résistantes aux stress environnementaux. Les recherches de Tâm Mignot ont ainsi largement amélioré la compréhension des communautés bactériennes. Elles ont également contribué à la création de nouvelles technologies d’imagerie, d’intelligence artificielle et à l’élaboration du premier dispositif de microfluidique commercial adapté à l’étude de la croissance bactérienne.
Médaille de bronze : Isabelle Dautriche
Chercheuse au Laboratoire de psychologie cognitive, Isabelle Dautriche est spécialiste du développement du langage chez le nourrisson et l’enfant humain. Le Laboratoire de psychologie cognitive (UMR 7290), un centre de recherche (CNRS/AMU) interdisciplinaire, situé à Saint-Charles étudie les fonctions cognitives qui caractérisent l’intelligence humaine. De leur premier mot jusqu’à la formulation et la compréhension de phrases complexes, comment les enfants apprennent-ils leur langue en à peine quelques années ? Derrière cette étonnante facilité d’apprentissage se cache pourtant un problème complexe. Isabelle Dautriche, entrée au CNRS en 2019 après un cursus d’ingénierie en mathématiques puis un doctorat en sciences cognitives, s’interroge ainsi sur l’acquisition du langage, ses contraintes cognitives et ses invariables chez les tout-petits. Pour ce faire, elle s’appuie sur des expériences psycholinguistiques avec des nourrissons et des enfants qu’elle combine à des méthodes computationnelles. Elle a récemment mis en place dans son laboratoire un babylab, plateforme expérimentale dédiée à l’étude du développement cognitif et sensorimoteur du jeune enfant. Dans le sillage de ces travaux, Isabelle Dautriche travaille désormais avec des primates non-humains afin d’établir des comparaisons interespèces. L’objectif : mieux comprendre les fondements cognitifs du langage, un système de communication généralement considéré comme exclusif à l’humain.
Médaille de bronze : Hélène Launay
Chargée de recherche au laboratoire Bioénergétique et ingénierie des protéines (BIP1), elle déchiffre les régulations impliquées dans l’assimilation du CO2 chez les microalgues. L’Unité de bioénergétique et ingénierie des protéines (BIP – UMR 7281) est une Unité mixte de recherche du CNRS, conventionnée avec Aix Marseille Université (AMU) basée 31 Chemin Joseph Aiguier dans le 9° arrondissement à Marseille. Les thèmes de recherches du BIP portent sur l’exploration de la diversité des métabolismes énergétiques chez les micro-organismes et leurs applications dans le domaine des bioénergies et de l’environnement.
Hélène Launay est spécialisée en biochimie structurale qu’elle étudie grâce à la résonance magnétique nucléaire (RMN). Elle a forgé son expertise dans cette technique au cours de son doctorat, obtenu en 2011, et de ses deux postdoctorats. Entrée au BIP en 2018, elle étudie l’acquisition et l’assimilation du CO2 par les microalgues, un processus particulier puisque le CO2 dissout dans l’eau est moins accessible que le CO2 gazeux. Cela se traduit par des mécanismes de concentration du CO2 au sein du chloroplaste, le compartiment où ont lieu les réactions biochimiques de la photosynthèse. Les enzymes impliquées ne sont pas directement photosensibles, mais sont régulées par différentes transitions chimiques et structurales. Pour les décrypter, Hélène Launay cultive des microalgues, dont des lignées mutantes qui expriment différemment les protéines et les enzymes. Elle compare ensuite leurs propriétés dans des milieux aqueux simples, des milieux qui miment l’environnement cellulaire et même in-cellula.
Médaille de bronze : Dorothea vom Bruch
Chargée de recherche CNRS au Centre de physique des particules de Marseille (CPPM), à Luminy, est spécialiste de la physique des particules et du traitement de données en temps réel. Dès son doctorat de physique des particules, décroché à l’université d’Heidelberg (Allemagne) en 2017, Dorothea vom Bruch développe une double expertise d’analyste et d’expérimentatrice. D’un côté elle se spécialise dans la recherche de particules nouvelles en essayant de déceler leur infime influence sur la production des particules de type leptons (électrons, muons et tau). De l’autre, elle explore les moyens d’améliorer les performances de l’une des expériences phare de son domaine, LHCb au Cern, en modernisant le système d’acquisition de données. Au Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies à Paris, puis au CPPM à Marseille, elle développe un système informatique équipé de processeurs graphiques (GPU) pour booster la puissance de calcul de LHCb et donc son potentiel de découverte. Il est mis en œuvre durant l’année 2022 au redémarrage du LHC. Dorothea vom Bruch a obtenu une bourse ERC Starting Grant pour exploiter les nouvelles données collectées en temps réel par l’expérience.
- Centre de physique des particules de Marseille
- Institut national de physique nucléaire et de physique des particules
Médaille de bronze : Fanny Henriet
Fanny Henriet est chercheuse au laboratoire Paris Jourdan Sciences Économiques, professeure à Paris School of Economics, spécialiste de l’économie du changement climatique et des ressources naturelles. Engagée pour un monde ZEN — à zéro émissions nettes —, Fanny Henriet cherche à évaluer les impacts sur l’économie de la politique environnementale en général, et des politiques climatiques et de transition énergétique en particulier. Mobilisant tout aussi bien des approches théoriques, empiriques et numériques, elle s’est d’abord intéressée à la question de la mesure des dommages liés aux phénomènes climatiques extrêmes, comme les inondations, puis à l’évaluation du coût, pour l’économie française, d’une politique climatique visant à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre (GES) à un horizon de moyen terme. Plus récemment, elle travaille sur la fiscalité verte à travers les effets de la mise en place d’un prix du carbone sur les ressources fossiles. Dans ses travaux, Fanny Henriet étudie la capacité de substitution entre les énergies fossiles et les autres types de biens de consommation et facteurs de production, ainsi que sur le rôle (et le rythme) du progrès technique.