Pour l’ensemble du personnel de l’usine Alteo, basée à Gardanne, le compte à rebours a commencé depuis l’accord préfectoral de poursuite de l’activité (sous conditions de respect des dépassements des limites réglementaires dans les rejets liquides) de décembre dernier.
Celui-ci qui fixe la date de fin d’exploitation dans les conditions actuelles au 31 décembre 2021 est trop court pour espérer un répit dans la recherche d’une solution de rejets respectant tous les critères européens. Ce délai est trop long pour prendre une décision dans la précipitation qui en exclurait une autre. Mais Alteo n’a guère plus de 18 mois (jusqu’à mi 2017) pour mettre en place le nouveau process qui permettra d’espérer poursuivre au-delà de 2021 son activité. Car il ne suffit pas d’imaginer en laboratoire la solution miracle. Il faut la tester dans le temps, en mesurer les effets dans la durée, en évaluer les coûts et entrer dans une phase de validation complexe, puis de construction des équipements et enfin la mise en production. Tout cela bien avant la date fatidique afin que les services chargés des autorisations puissent se prononcer… La course contre la montre est lancée.
Les six premiers mois de l’année 2016 sont contrastés à Gardanne. Certes, les installations de traitement mises en place fin 2015 avec l’arrêt des rejets de boues rouges grâce à la construction de trois filtres presses et une station de traitement en aval fonctionnent bien.
Ces équipements ont permis de réduire à hauteur de 99,9%, l’impact des rejets sur l’environnement. « Sur le fer par exemple (marqueur caractéristique des boues rouges), les installations sont très performantes et ont permis de réduire les concentrations dans l’effluent bien en deçà des valeurs limites (0.073 mg/litre de fer dans l’effluent actuel d’Alteo vs 13mg/litre autorisés et une cible future à 2 mg/litre) » souligne Alteo qui a fourni à Gomet’, en juillet, des derniers résultats très encourageants. « Les performances depuis début juin sont meilleures que celles des premiers mois. Par exemple, les concentrations en aluminium ont baissé de 12% et celles en arsenic de 43%. »
Autre point positif, Alteo a su mobiliser une quinzaine d’équipes de recherche, au niveau local comme international afin de travailler sur la solution du futur, qui permettrait de poursuivre l’exploitation au-delà de 2021 en respectant toutes les normes européennes. Depuis mi-juillet, Alteo teste en conditions réelles une solution innovante en partenariat avec Air Liquide. Le pilote mis en place à la mi-juillet à-côté du filtre géant installé depuis janvier pour traiter les rejets liquides en mer semble donner déjà des résultats « encourageants. »
Ce premier pilote industriel consiste à injecter du dioxyde de carbone dans l’effluent. Ce traitement permet de neutraliser la soude et de précipiter les métaux dissous pour être capable de les séparer. Mais le problème se déporte ailleurs : « l’un des enjeux consiste d’ailleurs à caractériser cette partie solide résiduelle et à trouver des utilisations potentielles de façon à ne pas générer de nouveaux déchets. »
(Enregistré le 21 juillet 2016)
Voilà en quelques lignes exposé l’une des problématiques majeures d’Alteo. Comment traiter des déchets sans en créer d’autres ? En substance, comment réussir à retraiter, voir valoriser ces résidus pour en faire une matière vertueuse. Faire donc le contraire des décennies précédentes où les boues rouges ont été déversées au large des calanques.
Le passé peu glorieux des boues rouges revient sans cesse sur le devant de la scène. C’est l’aspect négatif de ses premiers mois de 2016 durant lesquels, alors même que les rejets ne sont plus solides ni rouges, de nombreux observateurs continuent de mobiliser sur le thème de la « colère rouge ». Alors si en plus les événements sont contraires, la situation et la communication deviennent très sensibles. L’explosion d’une canalisation en mars oblige à l’arrêt d’une partie des installations et va perturber durablement le process de nettoyage des rejets. Les résultats des analyses fournies à la préfecture attestent de certains dépassements des seuils autorisés. Du coup le préfet, début juillet, met en demeure Alteo de respecter à nouveau les seuls d’ici la fin de l’été.
(Enregistré le 21 juillet 2016)
Côté média, les images ont la vie dure. Un nouveau reportage diffusé cet été sur France 3 dans l’émission Envoyé spécial décrit une nouvelle fois la situation passée des boues rouges pour raconter le présent. Ce qui provoque une réaction bien sentie d’Alteo. Via un communiqué, l’industriel fait part de sa déception pour ne pas parler de son « désespoir » de voir une telle description… : « Nous regrettons une fois encore que ce type de reportages soit délibérément construit pour désinformer afin de faire peur aux téléspectateurs, par des propos inexacts, imprécis ou par des non-dits.» D’autres épisodes plus ou moins médiatiques sont venus perturbés la perception du dossier Alteo par le grand-public à l’instar des sorties parfois tonitruantes de la ministre de l’Environnement Ségolène Royal qui parle de la direction d’Alteo comme « d’une direction bornée. »
Une adversité qui ne semble pas impressionner Eric Duchenne. Il répond aux attaques en opposant le travail fourni par Alteo.
(Enregistré le 18 avril 2016 )
Les recherches de solutions complémentaires pour parvenir à respecter les seuils d’émissions à l’horizon 2021 se poursuivent à marche forcée. Plusieurs partenaires sont identifiées. Le pilote de juillet a été installé en partenariat avec le leader mondial Air Liquide. Un second essai à échelle industrielle dès la rentrée avec la société Extracthive. D’autres suivront d’ici la fin de l’année. « Six mois après la nouvelle autorisation d’exploiter, nous sommes déjà en mesure de tester une solution complémentaire de traitement. Cela traduit notre capacité à avancer rapidement et confirme notre engagement à améliorer durablement la qualité des eaux » observe le directeur de l’usine. D’autres rendez-vous se dessinent déjà. Un nouveau comité de suivi doit se tenir à la préfecture d’ci la fin de l’été pour évaluer les analyses des rejets. Alteo espère cette fois passer l’examen sans difficultés. Ce qui pourrait donner enfin un peu plus de sérénité aux différents protagonistes (associations, politiques, salariés) impliqués de près ou de loin dans le dossier.
REPERES
Alteo à Gardanne> L’usine de Gardanne fait partie des fleurons -industriels français. elle fut le premier site de production au monde d’alumine il y a 120 ans en exploitant le procédé Bayer (extraction avec de la soude de l’alumine de la bauxite, cette dernière étant la matière première à la couleur rouge que l’on trouvait en quantité dans la région des Baux-de-Provence).
> Après avoir longtemps été la propriété de Péchiney, le site vécu au rythme des restructurations du secteur passant dans les mains du canadien Alcan puis du Brésilien Rio Tinto et enfin Alteo dont l’actionnaire de référence est un fonds de pension américain HIG Capital. > Alteo est aujourd’hui le premier fournisseur mondial intégrée d’alumines de spécialité, issues de la bauxite utilisées dans la fabrication des écrans LCD, tablettes et smartphones, les filtres à particules ou d’autres produits techniques comme les céramiques, abrasifs ou réfractaires.
> Alteo emploie 430 personnes à Gardanne et génère 1000 emplois directs en Paca. Le chiffre d’affaires global d’Alto est de 270 millions d’euros, dont 80% à l’export, avec 750 employés. Alteo dispose de 14 bureaux commerciaux en Europe, Asie et Amérique du Nord.Une offre de rachat sur les autres site d’Alteo
Alteo a annoncé le 27 juillet avoir reçu une offre et être entré en discussions exclusives avec le groupe industriel français Imerys en vue de la cession de ses filiales Alteo ARC et Alufin. « Une période d’exclusivité a été convenue, et Alteo répondra à cette offre après la procédure d’information et de consultation auprès du Comité Central d’Entreprise d’Alteo Arc » explique Alto dans un communiqué. Frédéric Ramé, président du groupe Alteo, cité dans le communiqué explique: « Ce projet permettrait à Alteo, dont la production d’alumines de spécialité à Gardanne est le cœur de métier, de se concentrer sur son projet d’entreprise. Celui-ci est fondé sur le développement des ventes de spécialité, l’amélioration continue des performances opérationnelles et la réduction de son empreinte environnementale. Quant aux usines de La Bâthie, Beyrède et Teutschenthal, leur intégration au sein du groupe Imerys leur offrirait des possibilités accrues de poursuivre leur développement. »