Fin 2019, La Canebière accueillera, square Léon-Blum, à la place de la mairie de secteur, Artplexe, un multiplexe cinématographique art et essai, conçu comme un lieu de vie culturel, avec espaces de restauration et d’expositions. L’ambition : redynamiser cette artère populaire et mythique du centre-ville de Marseille et réconcilier le public avec les salles obscures.
Il est présenté comme le premier complexe du genre en France. Et c’est à Marseille qu’il va voir le jour fin 2019. Son nom : Artplexe Canebière. Sur quatre niveaux, sept salles de cinéma art et essai, pour un total de 851 fauteuils, sont prévus. Le site sera également doté de trois restaurants, dont un avec terrasse panoramique et une brasserie, « avec l’idée de quelque chose qui foisonne », précise Philippe Dejust, président de Artplexe Canebière, lors de la présentation du projet, mardi 19 décembre à la librairie Maupetit. Les cinéphiles pourront également profiter d’un lounge-bar. L’ensemble sera complété par des espaces commerciaux, en lien avec les événements organisés au sein de l’établissement.
Le paradoxe marseillais
Dessiné par l’architecte, urbaniste et designer Jean-Michel Wilmotte, le projet est porté par la holding Artplexe, qui a profité du retrait de la société MK2, il y a trois ans, pour présenter ce programme culturel au cœur de la cité phocéenne. Ainsi, Marseille fait office de « laboratoire pour l’expérience Artplexe », notait l’architecte, avec ce concept innovant « cinéma.art.food », dans une ville où l’offre de salles fait défaut.
Paradoxalement, si Marseille est une ville de cinéma, puisqu’elle accueille en moyenne 120 tournages par an, elle est sous-dotée en termes d’équipements, avec neuf cinémas, pour 49 écrans et 8 377 fauteuils. Des chiffres qui la positionnent parmi les moins bien loties des grandes villes françaises. Marseille est celle qui enregistre l’indice de fréquentation parmi le plus bas : 2,93 par an et par habitant quand il est de 9,25 à Lyon, 10,56 à Montpellier ou encore 8,31 à Strasbourg. Paris (12,22) et Lille (14,97) sont en pole position. En matière d’art et essai, Marseille tombe encore plus bas. Elle est au dernier rang des 33 villes françaises les plus peuplées (Paris exclue) avec un indice de fréquentation de 0,57 séance par an et par habitant contre 1,70 pour les 32 autres. C’est également 10 sièges pour 1 000 habitants, quand Bordeaux en compte 33 et Lyon 39.
Un potentiel de 1,6 à 1,8 million de spectateurs à conquérir
Compte tenu de ces chiffres, puis d’études de la Commission départementale d’agrément cinématographique (CDAC) et de bureaux spécialisés sur l’offre cinématographique existante à Marseille, il « est apparu qu’il y avait un vrai besoin », affirme Jean-Jacques Léonard, directeur général de la SAS Artplexe. Ainsi, il est estimé entre 1,6 et 1,8 million de spectateurs par an à reconquérir.
Bien qu’il possède le label Art et essai, Artplexe envisage de diffuser également une large programmation : des films en VO répondant à une demande mais aussi des blockbusters. Là encore le potentiel est important puisqu’à l’heure actuelle 600 films par an ne sortent pas dans les salles marseillaises. Une offre complémentaire à celle qui sera proposée par les établissements Les Variétés et Le César, avec lesquels l’exploitant entend « travailler de manière intelligente »*.
Artplexe mise sur 300 à 350 000 entrées par an
La programmation diversifiée répond également à une volonté de s’adapter à l’emplacement, au cœur d’un quartier populaire, dans le but de se positionner en équipement de proximité. En tenant compte de cette donnée, le prix des places (qui n’a pas encore été fixé) devrait être adapté. Autre point à discuter avec la Ville et la Métropole : la politique tarifaire des parkings pour favoriser les spectateurs qui viendront en voiture. Artplexe s’inscrit également dans le cadre d’un plan de requalification de ce secteur, qui comprend la rénovation du parking souterrain situé à côté.
Artplexe mise sur 300 à 350 000 entrées par an, et compte sur sa zone « de vie commerciale » pour rentabiliser son investissement, évalué entre 10 à 11 millions d’euros. La société a signé un bail emphytéotique de 58 ans, le 26 février 2016, avec la Ville et versera un loyer de 15 000 euros, ainsi qu’un supplément qui sera évalué en fonction des résultats obtenus.
Les travaux devraient débuter le 2 avril 2018 pour une livraison prévue fin 2019. L’exploitant ne souhaite pas d’entreprise globale et préfère attribuer des macro-lots permettant ainsi de faire des économies sur le montant total du projet.
Quant à la mairie du 1er secteur de Marseille, elle est actuellement dans les cartons. Le déménagement est prévu au mois de mars, direction l’ancienne Maison de la Région.
*REPERES
> Marseille a perdu la moitié des ses entrées Art et Essai ces trois dernières années, en raison d’une exposition insuffisante et d’une offre dispersée. L’Alhambra et le Gyptis sont, en 2017, les deux seuls cinémas (tous deux mono écran) labellisés Art et Essai à Marseille. Les établissements cinématographiques Les Variétés et Le César ont perdu le label de cinéma d’Art et d’Essai en 2014. Repris au dernier trimestre 2016, par la société Ymagis, ils misent sur une programmation de qualité qui leur permettra à terme de récupérer le label.> A suivre sur Gomet’
L’interview de l’architecte Jean-Michel Wilmotte qui explique sa vision du projet.