Gomet’ attaché à la vitalité du débat d’idées, est heureux d’accueillir des contributions extérieures. Aujourd’hui, nous publions la tribune de Sébastien Barles, adjoint écologiste au maire de Marseille Benoît Payan. Il développe ici son point de vue sur l’Assemblée citoyenne du futur mise en place en 2023 par la Ville de Marseille. C’est pour pour lui « une véritable réponse à la crise démocratique et à la fièvre identitaire. » Il explique ici pourquoi.
Plus que jamais, dans le contexte de menace pesant sur nos libertés, de tentation autoritaire, de montée des démocraties illibérales et du national-populisme, nous avons besoin de créer des espaces de démocratie continue et de co-construction des politiques publiques.
C’est un moyen de refaire du commun dans une société balkanisée et des territoires fracturés. C’est aussi répondre à l’impératif de décloisonner le monde de l’administration publique avec celui de la vie citoyenne et des corps intermédiaires. De nouveaux espaces d’hybridation sont en effet nécessaires pour répondre à la crise de la démocratie représentative.
La nouvelle équipe municipale marseillaise avait inscrit dans son programme la création d’un espace démocratique, inspiré du philosophe Dominique Bourg notamment : l’Assemblée citoyenne du futur afin de penser collectivement la ville de demain.
Une vraie volonté de rupture avec l’héritage clientéliste local
Cette nouvelle instance démocratique qui a vu le jour il y a un an et demi à Marseille est une vraie volonté de rupture avec l’héritage clientéliste local ayant sapée la notion même d’intérêt général et abîmé le rapport à la citoyenneté des habitants. C’est aussi un outil pour recréer du commun dans une ville fracturée socialement et territorialement.
Cette Assemblée permet d’engager le dialogue avec tous les Marseillais, et notamment avec les plus jeunes concernés au premier chef, sur la question d’un avenir désirable et soutenable et sur les façons les plus acceptables et les plus positives de l’atteindre.
Dans cette Assemblée, comme dans tous les autres dispositifs participatifs mis en place, l’inclusion des habitants les plus éloignés de l’expression démocratique et de la participation est recherchée afin que toutes et tous puissent comprendre et ressentir, au regard de leur vécu et au-delà de leurs préoccupations de très court terme, le sens que cette transformation de la ville peut avoir pour eux. Pour certains d’entre elles/eux, ce sera d’abord un outil de réparation d’un déficit d’écoute et de confiance qui devra démontrer que la colère peut se transformer en pouvoir d’agir.
Eclairer démocratiquement le choix des trajectoires de transformation de Marseille
L’Assemblée citoyenne du futur a pour mission d’éclairer démocratiquement le choix des trajectoires de transformation de Marseille à moyen et long terme et d’encourager leur concrétisation en actions visibles.
Elle entend donc constituer un espace prospectif et démocratique de construction de la vision de la ville du futur, en même temps que le creuset de l’engagement citoyen dans la co-construction et l’expérimentation de nouveaux modes de vie, ainsi qu’un lieu de montée en compétences des citoyen.ne.s et d’essaimage des convictions et de l’envie de participer.
L’Assemblée est ainsi :
– Un outil démocratique qui permet de travailler sur des sujets à moyen et long termes et d’encourage leur concrétisation en actions visibles,
– Un outil d’inclusion pour permettre l’expression de ceux.celles exclu.e.s des dispositifs démocratiques actuels,
– Un outil de réparation pour transformer la colère en pouvoir d’agir,
– Un outil d’expérimentation et de montée en compétences des citoyen.ne.s.
111 citoyennes et citoyens à l’instar des 111 noyaux villageois de Marseille
Composée de 111 citoyennes et citoyens de la Ville (à l’instar des 111 noyaux villageois de Marseille), l’Assemblée est à 2/3 représentée par des citoyennes et citoyens tirés au sort à partir des listes électorales et à 1/3 de personnes très éloignées de la citoyenneté, cooptées par des associations de solidarité et de lycéen·nes volontaires. L’Assemblée Citoyenne du Futur comprend ainsi une diversité de membres en termes de lieux de vie, de niveaux d’études, de genre et d’âge.
Le format du tirage au sort garantit cette diversité de citoyens membres. C’est un élément clé de la richesse et de la représentativité des productions de l’Assemblée permettant d’éviter de retrouver dans cette instance les citoyens volontaires présents classiquement dans les autres dispositifs et dans le champ de la démocratie représentative.
Pour favoriser l’inclusion, des dispositifs d’animation spécifiques permettent à toutes et tous de s’exprimer librement et une rémunération-indemnisation des membres (comme cela se fait pour les jurés d’assises) garantit une assiduité du plus grand nombre à chaque séance de travail.
La première assemblée tirée au sort a travaillé durant une année et dix séances plénières sur quatre grands sujets (deux en auto-saisine et deux en saisine directe du Maire) : sobriété et partage des usages de l’eau / tourisme et loisirs durables / Ville-Nature / démocratie participative, éducation civique et citoyenne.
Assemblée citoyenne du futur : un comité de suivi pour la mise en oeuvre des demandes
Parmi les préconisations et les recommandations de l’Assemblée citoyenne du futur de Marseille on trouve des idées neuves et originales à l’instar de la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne communal, la tarification progressive de l’eau, la régulation drastique d’Airbnb pour éviter de transformer nos cités en villes fantômes, la sortie du croisiérisme, le zéro artificialisation nette pour stopper la bétonisation de nos sols, la formation des élus et de l’administration aux enjeux climatiques et du vivant…
Un comité de suivi mixte (élus, administration, membres sortant de l’assemblée) veille maintenant à la mise en oeuvre de ces demandes.
L’Assemblée citoyenne du futur n’est pas la panacée pour répondre à la crise systémique qui frappe nos sociétés mais c’est une belle aventure collective et une réponse démocratique concrète pour penser les villes et les territoires de demain en tentant de récréer des rêves d’avenir partagé ensemble. Longue vie à l’Assemblée citoyenne du futur !
Sébastien Barles,
adjoint au maire de Marseille.
Liens utiles :
L’Assemblée citoyenne du futur et le livret de restitution des travaux sur le site de la Ville de Marseille.
Sébastien Barles lance le chantier de la transition écologique de Marseille