Une partie du microcosme politique est en ébullition, particulièrement au palais Bourbon où une poignée braillarde a transformé l’Assemblée nationale en théâtre permanent. Un spectacle qui a fini par lasser les Français, si l’on en croit les dernières livraisons de sondages de popularité.
A Marseille la casserole frémit sans bouillir, même si on note ici et là quelques signaux faibles… mais inquiétants. Ce sont quelques tags antisémites peints nuitamment sur des immeubles, des propos islamophobes partagés avec gourmandise dans l’anonymat de cercles peu choisis, des petites boutiques encore, tenues par les extrêmes de gauche et de droite qui prospèrent en mode mezzo voce. Ces glorieux méconnus attendent des jours meilleurs, plus sombres et plus conflictuels pour afficher sans pudeur leurs opinions toxiques et délétères.
Tous n’ont pas la discrétion active. On ne laisse ainsi d’être surpris d’apprendre qu’un de nos députés, Manuel Bompard élu de la quatrième circonscription, a laissé passer, avec une proche de Jean-Luc Mélenchon, Sophia Chirikou, une affiche reprenant les codes odieux de l’iconographie antisémite des années 30. Cyril Hanouna la victime de cette communication infâme n’en demandait pas tant lui qui, grassement payé par Vincent Boloré, se nourrit depuis des années des revenus d’une télé poubelle.
Bompard et l’affaire Hanouna
La défense de Bompard est à la hauteur de sa faute politique, même s’il a reconnu, du bout des lèvres, une erreur du service communication de LFI. Le plaidoyer surréaliste de son mentor, Mélenchon, a aggravé les conséquences de cet immonde couac. Il n’a trouvé pour argument que de pointer du doigt les médias et a installé sa formation dans un déni indéfendable. M. Bompard a pourtant fait amende honorable, même si ses mots ont été couverts par les éructations de son leader. Pourtant alors que sa formation concoctait la sale besogne d’une communication sans nom, dont il a en principe la responsabilité, son champ lexical était assez riche pour réclamer dans une tout autre affaire à Marseille le droit d’informer pour ses militants.
Visant l’élu socialiste, Sébastien Jibrayel, dont un proche a coupablement brutalisé deux jeunes colleurs d’affiche LFI, le député « marseillais » osait cette sortie : « Quand j’ai vu la vidéo diffusée par l’ex-adjoint, j’ai immédiatement pensé à des méthodes dignes des films de mafia. On force quelqu’un à avouer sous pression, entouré de deux hommes. Ce sont des pratiques mafieuses et il faut s’en débarrasser à Marseille. » On aurait aimé qu’il muscle de la même façon ses déclarations à Paris sur « l’affaire Hanouna » (1). A Marseille quelques nostalgiques des temps odieux du Sabianisme ont dû saliver en découvrant le « chef d’œuvre » des communicants insoumis. Passons.
Marseille Espérance, composante associative d’un œcuménisme éclairé
Même si l’information n’a pas fait la une des gazettes, on s’interroge aussi sur ces féministes juives qui ont été prises à parti le 8 mars par une poignée d’huluberlus, portant, pour certains, un keffieh. Et de reprocher à ces femmes qui revendiquaient la paix pour tous -Israéliens et Palestiniens – dans un amalgame récurrent leur sionisme, voire leur fascisme. On ne sache pas que M. Bompard se soit élevé contre ces divagations imbéciles. Il faudra bien pourtant dans la ville qui a créé il y a 35 ans, Marseille Espérance, composante associative d’un œcuménisme éclairé, que ce parti clarifie enfin ses positions autrement que par un violent « taisez-vous » éructé par un sous-timonier cacochyme. L’antisémitisme reste un poison violent et puisque M. Bompard a la mémoire sélective, on peut l’inviter à se rendre sur le parvis du parc du 26e centenaire où l’arbre de l’Espérance repose sur un socle où figurent 350 000 noms de Marseillais, des plus humbles aux plus célèbres. Comme on peut lui suggérer de visiter l’Institut Hospitalier Paoli Calmettes, où sont juxtaposés cinq espaces – quatre à vocation confessionnelle et un laïc – accessibles autour de l’œuvre réalisée par l’artiste italien, Michelangelo Pistoletto (photo ci-dessous). L’Institut est spécialisé dans la lutte contre le cancer. On n’a malheureusement pas encore trouvé remède à l’antisémitisme.
Dans cette ville plurielle, rebelle, imprévisible, on ne pourrait que conseiller à ceux qui revendiquent un ancrage à gauche de relire Pierre Bourdieu qui écrivait : « Il est infiniment plus facile de prendre position pour ou contre une idée, une valeur, une personne, une institution ou une situation, que d’analyser ce qu’elle est en vérité, dans toute sa complexité. »
C’est à l’aune de cette sage recommandation qu’il faut aussi décrypter la visite officielle de Jordan Bardella en Israël, où il aura l’honneur de rencontrer, comme Marion Maréchal, le premier ministre Benyamin Netanyahou pour une conférence internationale sur l’antisémitisme. Ceux qui ont la mémoire de ce que fut dans un passé encore récent l’extrême droite française doivent se pincer avant de se servir une louche de cette étrange tambouille.
Bardella en Israël
Bardella, qui avait estimé que Jean-Marie Le Pen n’était pas antisémite tout en estimant que le célèbre « point de détail » qualifiant la Shoah était condamnable, va donc recueillir des lauriers que l’histoire de son parti ne justifie en rien. Le jeune président du RN poursuit sa mission, dédiaboliser son parti et invisibiliser tous ceux qui en furent ses géniteurs. L’antisémitisme, la xénophobie, le révisionnisme sont toujours relayés dans ce camp-là par une presse qui connait un regain dans la perspective de 2027. Ce phénomène n’a rien, contrairement à l’affirmation éhontée de Jean-Luc Mélenchon, de résiduel. Le Sud et Marseille en particulier restent un terreau fécond pour ces idées nauséabondes. Elles s’inscrivent souvent dans une histoire longue avec quelques figures locales pour en assurer la propagande, comme le Martégal Charles Maurras qui a encore ses admirateurs à Aix ou Marseille. Bardella ne l’ignore pas et de nombreuses enquêtes attestent que l’antisémitisme est très majoritairement, dans ses actes délictueux, le fait de militants d’extrême droite. Mais il compte, pour gommer cette fâcheuse tradition, sur le traumatisme que les juifs de France ont subi avec le pogrom du 7 octobre. Et il va en Israël, sans complexe, s’attarder sur cette plaie-là. Il a bien évidemment beau jeu de dénoncer dans cette manœuvre singulière un adversaire. Manuel Bompard et LFI qu’il fustige pour avoir parlé de « résistance » à propos du Hamas ou, autre député Insoumis, Sébastien Delogu pour avoir brandi dans l’hémicycle un drapeau palestinien.
Il minorera sans doute aussi la catastrophe humanitaire qui sévit à Gaza et la violence sécuritaire qui prive la Palestine de tout avenir. A Marseille la communauté juive s’exprime peu, même si, parmi elle, certaines voix humanistes tentent de dénoncer la fuite en avant d’un Netanyahou dopé par l’aide puissante de Donald Trump. De fait, le RN a réussi la gageure d’accrocher ses casseroles antisémites à LFI. Comme l’a récemment demandé la rabbine Delphine Horvilleur à l’humoriste Blanche Gardin, beaucoup attendent des Insoumis qu’ils mettent la même force à condamner l’antisémitisme que celle qu’ils déploient à défendre les Palestiniens. Eux qui réclament l’union à Benoit Payan et qui dans le même temps voudraient que Marseille dénonce ses jumelages et ses relations avec Israël, seraient avisés de prendre distance avec leur mentor. Ce serait un petit pas pour l’homme et un grand pas pour l’humanité. Ce n’est pas demander la lune.
(1) : LFI a été condamné à verser 3500 euros à Cyril Hanouna au nom du « droit à l’image.