« Il est mauvais ». Ainsi parlait le président de la Région en cet automne orageux, Renaud Muselier. Il invectivait à la manière d’un supporter de l’OM, Benoît Payan. Le leader du Printemps marseillais est stigmatisé par l’ancien premier adjoint de Jean-Claude Gaudin pour son incapacité à jouer le match que doit livrer la ville de Marseille. « Qu’est-ce qu’il a réalisé ? Globalement rien, ou je ne sais quoi »lançait ainsi urbi et orbi, l’ancien secrétaire d’Etat regrettant que sa ville « se recroqueville sur elle-même » contrairement à Toulon, Nice et Aix-en-Provence qu’il dit en progrès. Une charge à la Chirac qui vise en premier lieu le lent mais inexorable déclin du centre-ville ou l’hypercentre, comme on désigne un périmètre qui court des Réformés au Vieux-Port et de la Préfecture à la porte d’Aix.
On l’aura compris Muselier qui sera candidat aux municipales dans les 6/8 a l’intention de viser le seul mandat de Payan. Il feint d’ignorer que cette problématique sociale et économique n’est pas nouvelle et qu’elle s’est installée dès le tournant des années 80. Les tentatives et les projets n’ont pourtant pas manqué pendant ces plus de quarante ans avec des lendemains qui ont souvent déchanté.
Les étudiants se sont dispersés
Il y a eu ainsi pendant la mandature de Robert P. Vigouroux cette volonté de réinjecter une population jeune en cœur de ville avec la présence de l’IUFM, du campus scientifique Saint Charles, des facultés de Droit ou de Science Economie. Mais très vite le constat s’est imposé car la dynamique ne se décrète pas. Le lien ne s’est pas fait et la greffe n’a pas pris. Les étudiants se sont dispersés de La Plaine au cours Estienne d’Orves, mais sans investir massivement une quelconque agora, comme c’est le cas à Aix où ils envahissent le soir venu les ruelles qui convergent autour de la mairie et font le bonheur dans la journée des zones de chalandise.
La réhabilitation de la Canebière, durant les 25 ans de l’ère Gaudin et la piétonisation de rues qui confluent vers cet axe majeur, ont pacifié une partie significative de la ville, sans pour autant créer l’élan commercial promis mais toujours attendu. Le miracle de la redynamisation s’est d’autant moins produit qu’il avait à dépasser une ancienne concurrence puissante et l’émergence de nouveaux pôles attractifs. Plan de Campagne bien évidemment – 60 ans en 2026 – avec ses 350 000 M2, ses 500 enseignes et ses 50 millions de visiteurs par an. Puis La Valentine, Bonneveine, Grand Littoral. Avant, pour finir ou achever un peu plus le centre, encouragées par la municipalité à laquelle appartenait Muselier, les Terrasses du Port et la tentative de reconquête de la rue de la République.
S’il en était besoin la fermeture des Galeries Lafayette au Centre Bourse (et celles du centre commercial Prado) est venue porter un éclairage cru sur cet échec collectif que Muselier, élections obligent, attribue à la seule gouvernance de Payan.

Deux enquêtes permettent de recontextualiser utilement la polémique naissante. La première a été publiée par le magazine LSA. L’étude réalisée auprès d’un panel de 1500 répondants a été réalisée en janvier 2024 par l’Institut Appinio. Elle a une dimension nationale et concerne la grande majorité des centres-villes qui traversent comme à Marseille une crise sans précédent.
Les Français attachés à leur centre-ville
On apprend ainsi que ce sont les jeunes (18-24 ans) qui fréquentent le plus ces périmètres urbains. 73% des Français indiquent fréquenter les commerces des centres au moins une fois par semaine. Les grandes villes ont une fréquentation élevée (jusqu’à 47% plusieurs fois par semaine). Le lien social, le contact, la relation client sont mis systématiquement en avant. Une majorité de Français (83%) attendent de fait plus d’initiatives pour soutenir la vie commerçante, d’autant qu’un sur deux craint la disparition de ces pôles de convivialité. Bien évidemment un certain nombre de griefs se retrouvent dans cette étude. Problème de stationnement, nécessité d’élargir la piétonnisation notamment le week-end, adaptation des horaires et ouverture le dimanche (plus d’un tiers des sondés), appel à une modération des prix sont évoqués par les consommateurs. Des questions mais surtout une affirmation majeure : l’étude confirme l’attachement des Français à leur centre-ville, malgré la concurrence galopante du commerce en ligne et l’agressivité confirmée du dumping impérialiste chinois.
Autre étude pour la mission sur l’avenir du commerce de proximité dans les centres-villes et les quartiers prioritaires de la ville (QPV) qui vient de présenter cette semaine ses conclusions à Serge Papin, ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat, du Tourisme et du Pouvoir d’achat, et Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du logement. Commandé en mai dernier par Juliette Méadel, ministre déléguée chargée du Commerce et Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée de la Ville, ce rapport est signé par Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin (02), Antoine Saintoyant, directeur de la Banque des Territoires et Dominique Schelcher, Président-Directeur général de Coopérative U.
Leur diagnostic débouche sur trente recommandations. Ils font le constat d’une mutation profonde du commerce, un secteur qui se transforme mais ne meurt pas malgré les distorsions de concurrence. Ils décrivent l’évolution des modes des consommateurs avec une baisse continue de la consommation des ménages en biens (-0,4 % en 2024) et parallèlement une hausse de leur taux d’épargne (19 % en 2025). Ils notent que le chiffre d’affaires du e-commerce a atteint 175,3 milliards d’euros en 2024. Ils relèvent une fragilité économique accrue avec un secteur marqué par une augmentation des défaillances d’entreprises, touchant de nombreuses enseignes dites “locomotives” du centre-ville (comme Les Galeries Lafayette).
Le centre-ville : « lieu de vie, multifonctionnel et convivial »
Ils constatent le déclin du prêt-à-porter qui a perdu près de 50 000 emplois en 10 ans. Ils soulignent a contrario le dynamisme de la restauration désormais premier employeur du commerce, avec la création de près de 100 000 emplois entre 2019 et 2024. Ils insistent sur le fait que le centre-ville n’est plus seulement un lieu d’achat planifié mais un « lieu de vie, multifonctionnel et convivial ». Ils déplorent que l’immobilier commercial soit souvent obsolète et inadapté et regrettent que l’insécurité reste un frein majeur à l’attractivité.
Les corapporteurs préconisent douze mesures prioritaires pour impulser une nouvelle dynamique. Parmi elles on relève l’appel à élargir le pouvoir des maires, à lutter contre l’économie souterraine et le blanchiment, à proscrire la concurrence déloyale, à veiller à la propreté et à la sécurité des parcours marchands, à valoriser l’économie de proximité, à installer des comités de pilotage, à prioriser l’animation des centres villes, à installer une formation efficiente des élus, a aider les collectivités à acquérir des biens commerciaux … la liste est longue et souligne la complexité d’un phénomène national. Ils appellent à redonner partout au centre-ville force de vie.

On est très loin des effets de manche des tribuns à la mémoire sélective, mais très près d’un objectif atteignable, offrir aux citadins l’art de vivre la ville qu’ils réclament comme le démontre à Marseille chaque mois le succès de La voie est libre ou une fois l’an la Grande Braderie. Les politiques peuvent, passées les joutes partisanes qui vont perdurer jusqu’au mois de mars, démontrer qu’ils sont taillés pour ces enjeux. Les malheurs du Centre Bourse paradoxalement leur offrent une occasion unique.
Film Sacré – Coeur : les précisions de Saje Distribution
Le 2 novembre dernier, dans la chronique : « Bloc-Notes : Le couscous, la boulette et les bons samaritains » nous faisions référence au film Sacré – Cœur. La société qui distribue le film, Saje Distribution tient à apporter deux précisions : « Le film n’a pas été financé par Pierre Edouard Sterin. Certes il a été financé par un pré-achat de Canal+ mais comme plus de 40% de la production de films français selon les obligations souscrites par Canal+ pour financer le secteur. Il a été également financé par KTO, le crédit d’impôt et de nombreux dons. La société Ze Watchers ne détient pas 42% du capital de Saje Distribution mais moins de 15%. »

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