Me Stéphanie Brunengo a eu son certificat d’aptitude à la profession d’avocat en 2000 et la robe d’avocat a pris du sens au service des entreprises et surtout au service d’une justice de la médiation. « Après avoir acquis depuis 1998 une expérience au sein de plusieurs cabinets spécialisés en droit des affaires dans la région d’Aix Marseille, écrit-elle sur son site, j’ai développé mon expertise dans le domaine de la responsabilité civile et pénale des entreprises face aux risques sanitaires et environnementaux et aux actions potentielles des acteurs de la société civile (recours des associations) notamment dans le secteur de l’industrie chimique et également dans la gestion des relations contractuelles dans le secteur de la chimie, de l’alimentaire et de la cosmétique. » Pour les lecteurs de Gomet’, Stéphanie Brunengo analyse les impacts des dernières évolutions réglementaires françaises et européennes en matière de RSE et de transition énergétique pour les entrepreneurs.
La transition écologique et sociale constitue un enjeu complexe pour les entreprises et soulève de nombreuses résistances, tant les changements qu’elle implique demeurent une source d’incertitude. Pour autant, toute crise peut être également perçue comme une opportunité. En ce sens, les évolutions juridiques dans le domaine sont sans nul doute des opportunités pour les acteurs économiques, notamment pour ceux qui sauront mettre en place des systèmes de gouvernance innovants et durables.
Dans la conception moderne de la RSE de la Commission européenne, l’entreprise doit, afin de s’acquitter pleinement de sa responsabilité sociale, engager en collaboration étroite avec les parties prenantes, « un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, des droits de l’homme et de consommateurs dans leurs activités de base et leur stratégie de base ; […] ce processus visant à optimiser la création d’un bénéfice réciproque pour leurs propriétaires/actionnaires, ainsi que pour les autres parties prenantes et l’ensemble de la société, à recenser, prévenir et atténuer les effets négatifs potentiels que les entreprises peuvent exercer. » (1)
Cette exigence générale s’inscrit dans un corpus de textes européens tour à tour transposés en droit interne qui tend à consolider le droit de la RSE notamment dans le domaine de la finance. Cette évolution se manifeste en premier lieu à l’égard des entreprises, tant au niveau de leur devoir de vigilance que de la transparence attendue dans le domaine du reporting extra-financier.
La directive CSRD dite RSE 2
La directive CSRD dite RSE 2 du 30 juin 2022 redéfinit les contours de l’obligation d’information en matière environnementale et sociale (2). La tendance est à la généralisation dans la mesure où elle concerne également les sociétés de services financiers. Les investisseurs attendent des informations exhaustives et fiables sur la durabilité de leurs investissements.
Le Règlement européen sur la publication d’informations de durabilité dans le secteur des services financiers à l’intention des investisseurs, dit SFDR Régl. UE 2019/2088, met l’accent sur la nécessité de prêter attention dans le cadre de la politique d’investissement, à la durabilité ainsi qu’à la bonne gestion des controverses au sein des entreprises ciblées par les investisseurs et gestionnaires d’actifs. Il permet à terme l’établissement d’un système de classification distinguant les investissements « verts » des autres investissements.
Parallèlement, les instances européennes ont fait évoluer les contours du devoir de vigilance déjà introduit en droit français, devoir imposant aux grandes sociétés de prévenir et réparer les dommages causés à l’environnement et aux droits humains.
La notion de durabilité et les données attendues visent les questions environnementales, sociales et de personnel, celles relatives au respect des droits de l’Homme et à la lutte contre la corruption et également les facteurs de gouvernance, ainsi que la qualité des relations avec les partenaires commerciaux, les systèmes de contrôle interne et de gestion des risques.
Un bilan de 20 millions d’euros, un chiffre d’affaires de 40 millions et 250 salariés
Les entités concernées directement sont les sociétés cotées, les grandes entreprises remplissant deux des trois critères suivants : un bilan de 20 millions d’euros, un chiffre d’affaires de 40 millions et 250 salariés. Pour les groupes de sociétés, les informations resteront publiées de manière consolidée, les entreprises étrangères exerçant une activité dans l’Union européenne via une succursale ou une filiale seront également concernées, mais dans des délais reportés.
Le texte exige des précisions sur la gestion de la chaîne d’approvisionnement et des relations avec les clients. L’entreprise devra expliquer les incidences négatives, réelles ou potentielles, liées à l’activité de la société et à sa chaîne de valeur, incluant sa chaîne d’approvisionnement et ses clients. La capacité des entreprises à démontrer leur prise en compte des enjeux de durabilité sera désormais déterminante dans leurs opérations de levée de fonds et ou de transmission.
La capacité des entreprises à démontrer leur prise en compte des enjeux de durabilité sera désormais déterminante dans leurs opérations de levée de fonds et ou de transmission.
Stéphanie Brunengo
En tout état de cause est désormais attendue une durabilité sincère de nature à éliminer le risque de responsabilité civile et pénale de l’entreprise, de ses dirigeants et également de ses investisseurs. La directive fait référence à la notion d’informations d’importance significatives et pertinentes qui renvoie au concept de matérialité et introduit une cohérence globale avec les exigences relatives au devoir de vigilance. Ces exigences se diffusent indirectement sur l’ensemble de la chaîne de valeurs. Le mouvement est déjà initié au travers des exigences dans le domaine de la compliance. L’accès au marché et aux grands comptes implique le respect des normes éthiques et de compliance issues des réglementations européennes notamment dans les secteurs sensibles de l’aéronautique.
Le corpus normatif en cours d’adoption est dès lors un référentiel d’appréciation de la capacité de l’entreprise à faire face à ces nouveaux enjeux concurrentiels comme la prise en compte de la durabilité dans l’ensemble de ces dimensions. Pour ce faire, l’entreprise devra justifier d’une gouvernance structurée et attentive à ses impacts environnementaux et sociaux.
À terme quelle que soit leur taille, les entreprises auront à choisir entre plusieurs outils en distinguant leur impact, la structuration ab initio par l’adoption statutaire d’une « raison d’être », voire le choix de la société à mission qui pose l’acte fort d’un modèle de gouvernance durable ou encore la sécurité et la conformité de leurs produits et services par des autorités de mise sur le marché (parfois simplifiées pour les produits à faible impact environnemental et social) renforcée par le respect de labels et normes techniques relatives à leurs produits et services.
Pour les start-up, ces dispositions sont un levier pour sécuriser leurs innovations notamment dans le domaine environnemental. La durabilité de leur organisation sera un gage d’accès aux grands comptes et un facteur différenciateur sécurisant pour les investisseurs.
La considération dans la structuration de son entreprise dans une logique bien connue de prévention des risques, mais au-delà dans un objectif de différenciation et de performance globale va permettre à l’entreprise de crédibiliser ses attentes en termes de financement, de sécuriser son accès au marché en s’appuyant sur une gouvernance innovante et adaptée aux enjeux de transition écologique et sociale.
Stéphanie Brunengo
Dimanche prochain la suite de la chronique de Maître Stéphanie Brunengo
Directive Vigilance, RSE et contentieux climatiques : le dialogue comme atout de performance
- (1) Communication de la Commission au Parlement, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions, Responsabilité sociale des entreprises, une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011 – 2014, COM ( 2011), 681 final du 25 octobre 2011, p.5 et s.
- (2) B.Lecourt, La directive RSE 2 (« directive CSRD ») : le nouveau visage de l’information en matière environnementale et sociale., Revue des sociétés 2022, p.639.