Le nouveau paquebot de la Corsica Linea s’étend de tout son long (206 mètres) sur le J4 en face du Mucem. Sous le soleil matinal de ce vendredi 6 janvier, la compagnie rouge et blanche inaugure en grande pompe son premier navire propulsé au gaz naturel liquéfié (GNL). Une cérémonie qui se tient devant les personnels, les dirigeants du Grand port maritime de Marseille (GPMM) dont le nouveau président du conseil de surveillance, Christophe Castaner, les élus politiques locaux, le ministre des Transports, Clément Beaune et de nombreux acteurs du monde économique.
Le navire « A Galeotta » n’a plus rien à voir avec le petit trois-mâts du général Pascal Paoli, si ce n’est le nom. Le moteur à propulsion au GNL a remplacé les voiles. Avec 220 cabines dont 10 de « luxe », ce roulier mixte peut accueillir 950 passagers, 70 membres d’équipage et 170 remorques en naviguant à 23 nœuds. La construction a duré trois ans dans le petit chantier naval de Visentini, proche de Venise, choisi pour « son expérience dans la production de navires rouliers à passagers. »
Cet investissement, chiffré à plusieurs dizaines de millions, a pu voir le jour grâce à un prêt du groupe Crédit Agricole, sous le pilotage du Crédit Agricole de la Corse « qui a joué un rôle-pivot dans l’aboutissement de ce projet ». Si la compagnie maritime ne veut pas préciser de montant du coût du navire, elle donne une enveloppe globale de « 180 millions d’euros d’investissements dans la transition environnementale. »
Développement économique stable, propulsé par la DSP (2023-2027)
L’inauguration du bateau par les dirigeants de Corsica Linea illustre la renaissance économique de la compagnie maritime. Rachetée en 2015 par Patrick Rocca, la société a été cédée en 2016 au consortitum Corsica Maritima Holding (CMH). Ce puissant groupement d’entrepreneurs corses est présidé par François Padrona, assis aux premières loges de la cérémonie, entre Martine Vassal, la présidente de la Métropole Aix-Marseille et le ministre des Transports Clément Beaune.
L’homme d’affaires s’exprime en premier. A sa montée sur l’estrade sur fond rouge vif, il déclare : « Je me souviens bien de ce mois de mai 2015, où j’ai lancé le parti fou de la reprise de la SNCM [Société nationale maritime nationale Corse-Méditerranée] » et insiste à remercier chaleureusement Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et auparavant préfet de Corse. « Un très grand préfet, un homme que je me permets de considérer comme un ami », assure-t-il. Sept ans plus tard, le dirigeant se félicite d’avoir fiabilisé le transport du fret grâce à une flotte de huit navires sous pavillon français que « A Galeotta » vient compléter.
Ce dernier bateau arrive à point nommé. Achevé fin décembre 2022, il est prêt à assurer les liaisons entre Marseille et la Corse dans le cadre de la nouvelle délégation de service public (DSP) remportée il y a quelques semaines. La compagnie rouge et blanche exercera cette DSP jusqu’en 2027 (Ajaccio, Bastia, Propriano et l’ïle Rousse) ; les dessertes sont partagées avec La Méridionale.
C’est à l’issue d’un « combat européen », selon les mots de Clément Beaune, que la reconduction de la DSP a été actée. La liaison aurait en effet pu prendre fin si la création d’une compagnie régionale, repoussée a minima en 2027, avait été décidée. Pierre-Antoine Villanova, le directeur général de Corsica Linea, salue ainsi l’action et le « soutien » du ministre qui « a facilité les échanges avec l’Europe ». Clément Beaune, alors ministre en charge des relations avec le parlement européen, estime que « la DSP doit apporter de la visibilité à la compagnie. »
Devancer les normes environnementales avec le GNL
Pour Pierre-Antoine Villanova, ce travail de notoriété a déjà été fait. « Nous avons une marque bien identifiée », avance le directeur général. Mais sa priorité, « sans faire de la com » est de poursuivre la transition écologique de ses navires en«anticipant les normes environnementales». « Ça va nous prendre 10 ans », concède l’ancien du groupe Suez.
Pour illustrer son propos, le dirigeant énumère les efforts engagés par l’entreprise pour transformer ses navires. Sur neuf bateaux, cinq ont été équipés de « scrubbers », un système de traitement des fumées. Trois autres sont connectés au raccordement électrique à quai (Cenaq) et le dernier va tourner au GNL. « Nous ne sommes pas encore obligés de réaliser ces changements maintenant, mais nous anticipons. Un milliard d’euros d’investissement sont nécessaires pour mettre les navires aux normes », précise Pierre-Antoine Villanova.
Lors de son premier discours en tant que nouveau président du conseil de surveillance du Grand port maritime de Marseille (GPMM), Christophe Castaner vante ces initiatives.« Les compagnies vont plus loin que ce que leur imposent la loi actuelle. Benoît Payan, tu l’as rappelé, la zone Seca a été validée en Méditerranée par l’OMI (Organisation maritime internationale) ici à Marseille parce que vous avez mis la pression et les moyens. Vous n’avez pas attendu ces obligations. Elles sont déjà respectées.»
Dans deux ans, le 1er mai 2025, la zone Seca qui limite notamment les émissions de souffre à 0,1%, entrera en vigueur en Méditerranée. Et le Port de Marseille-Fos veut pleinement s’inscrire dans cette transition verte. L’ancien ministre de l’Intérieur se positionne comme le« garant de la stratégie de ce port vert au service de l’économie bleue » et rappelle les avancées de l’institution qu’il représente : le raccordement électrique à quai, l’implantation de centrales hydrogène dans la zone industriaolo-portuaire prévue d’ici trois ans, etun terminal méthanier pourvu d’une solution d’avitaillement en GNL.
Le GNL permet en effet de respecter les contraintes de la zone Seca en baissant de 99% les émissions de souffre et de 20% les émissions de gaz à effets de serre. Or, cette énergie n’est qu’une énergie de transition car elle est fossile, créée à base de méthane et d’éthane. Et le prix de cette énergie « a fait fois quatre » ces derniers mois, « Merci Poutine… », plaisante à moitié Pierre-Antoine Villanova. Pour faire face à la flambée des coûts, le bateau naviguera « également au diesel », le temps que les prix se stabilisent. Fin 2023, début 2024, Corsica Linea annonce vouloir commander un deuxième navire. « On ne s’interdit rien dans le développement. On peut se développer sur l’ensemble du bassin méditerranéen. », espère Pascal Trojani, le président de la compagnie.
Informations utiles :
863 000 passagers
1 400 salariés dont 450 en Corse
320 millions de CA en 2022
Liens utiles :
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