Les groupes qui dépassent deux des trois seuils suivants (total bilan >25 M€, chiffre d’affaires >50M€, effectif >250 salariés) sont légalement soumis à la directive européenne CSRD. Mais dans les faits, l’impact de la CSRD est bien plus étendu et embarque également des PME qui sont en dessous des seuils légaux.
En quoi les PME en dessous des seuils légaux sont concernées par la CSRD ?
Sylvain Lavagna : La CSRD exige que les entreprises éligibles fournissent des informations ESG couvrant l’ensemble de leur chaîne de valeur, en amont et aval, sans se cantonner à leurs propres impacts directs. Ainsi, chaque PME travaillant avec une entreprise soumise légalement à la CSRD devra être en mesure de transmettre les informations requises, se trouvant ainsi directement concernée en cascade par les exigences de la CSRD.
Un autre impact concerne la finance verte : la règlementation favorise les investissements dans des activités durables. Ainsi, une PME aura de plus en plus de mal à se financer si elle ne peut pas démontrer une stratégie ESG structurée.
Quelle approche adoptez-vous envers vos clients PME ?
S. L. : Nous sensibilisons nos clients non soumis à la CSRD sur la nécessité d’anticiper l’impact du ruissellement qui provoque une nouvelle obligation de marché. Les PME réalisent déjà un certain nombre d’actions ESG mais leur approche n’est généralement pas structurée. Or, ce sont souvent les plus vulnérables si elles tardent à réagir et se retrouvent déréférencées par leurs donneurs d’ordre soumis à la CSRD.
Le principal frein du dirigeant de PME est son manque de visibilité pour aborder ce sujet concrètement. Je le mets alors en relation avec des partenaires ESG prag- matiques avec qui nous travaillons pour mettre en place une feuille de route.
Quels conseils donnez-vous aux dirigeants de PME ?
S. L. : La démarche ESG n’est ni un frein au développement, ni une démarche à déconnecter de son business. Au contraire, il est pertinent d’intégrer les critères ESG comme un outil de pilotage, et de mobiliser ses équipes et parte- naires pour construire un modèle d’affaires robuste, performant et durable.
Odycé est un cabinet d’audit et d’expertise conseil basé à Marseille, Aix-en-Provence et Paris. S’appuyant sur une approche à 360°, ses 90 professionnels accompagnent le développement de ses clients en France et à l’international.
Pourquoi avez-vous initié une démarche RSE chez Framateq ?
Mathieu Godard : Les problématiques ESG faisaient déjà partie de mes valeurs et de celles de l’entreprise. L’obligation de structuration de la démarche est venue par nos clients qui sont majoritairement des grands groupes ou des collectivités. En effet, le marché des Travaux Publics (TP) évolue vers une demande accrue de durabilité et d’innovation en matière d’environnement. Ainsi, de plus en plus de marchés publics intègrent des critères environnementaux (émissions de CO2, niveau sonore…) dans leurs appels d’offres.
De la même manière, nos clients grands comptes commencent à évaluer les pratiques RSE de leurs fournisseurs, à travers notamment la notation EcoVadis. Le principal risque sous-jacent est de se faire écarter par les donneurs d’ordre ou de ne plus pouvoir répondre à des appels d’offres, faute de pou- voir fournir des données RSE satisfaisantes.
Comment cette démarche RSE s’est-t-elle concrètement mise en marche ?
M. G. : Les évaluations EcoVadis exigent de fournir des plans d’actions et indicateurs concrets. Notre expert comptable (Sylvain Lavagna, Odyce) nous avait sensibilisé sur la nécessité de professionnaliser notre approche et nous a mis en lien avec un cabinet de conseil spécialisé, la société Lysi. Lysi nous a accompagné dans la formalisation de notre feuille de route, la formation de nos équipes, la définition des principaux indicateurs et les actions à mettre en place. La démarche était lancée.
Globalement, quel est votre retour d’expérience en tant que dirigeant ?
M. G. : L’engagement de nos équipes a été récompensé car Framateq a obtenu la médaille d’argent EcoVadis pour ses per- formances RSE. Désormais, notre stratégie RSE est structurée et ambitieuse. Elle mobilise nos équipes autour d’un projet commun qui va nous permettre plus globalement d’améliorer notre impact environnemental et notre qualité de vie au travail, de renforcer les relations avec nos clients actuels, de générer de nouvelles opportunités commerciales d’améliorer notre accès au financement, et de renforcer notre attractivité sur le marché du travail.
Notre démarche RSE est également cohérente avec les innovations du constructeur français Mecalac dont nous sommes distributeurs, et qui propose une gamme complète de matériel TP 100% électrique zéro émission.
Framateq est concessionnaire historique Mecalac et multimarque pour les engins TP, ainsi que pour les secteurs des carrières et du recyclage des matériaux. Framateq réalise près de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires à travers ses différentes agences réparties sur le pourtour méditerranéen.
Quels sont les facteurs clés de succès de l’accompagnement d’une PME dans sa démarche ESG ?
Sylvain Prévot : Il est important dans un premier temps de donner du contenu et de vulgariser certaines notions car un dirigeant a besoin de com- prendre pour avancer. L’environnement réglementaire de l’ESG est parfois complexe et non maîtrisé par les dirigeants de PME. Pour susciter l’adhésion du dirigeant, Il faut commencer par lui démontrer de manière concrète comment sa démarche ESG va s’inscrire pleinement dans son activité. Dans un second temps, il est nécessaire de définir avec lui des actions et des indicateurs mesurables, tout en embarquant ses équipes dans ce projet.
Quels exemples d’actions ou indicateurs ont été mis en place avec Framateq ?
S. P. : Un objectif ambitieux de taux de valorisation pour tous les déchets a été décidé, en optimisant les processus de tri et en collaborant avec des partenaires de recyclage spécialisés ; un objectif de diminution de la consommation d’eau a été fixé en optimisant les processus de lavage ; un plan de réduction de la consommation d’énergie a été déployé en sensibilisant les collaborateurs, en modernisant les équipements et en optimisant les processus ; un objectif de pourcentage minimum de surfaces vertes sur tous les sites de Framateq a également été déterminé ; une politique d’achats responsables a été définie, avec notamment la rédaction d’un Code de conduite RSE à l’intention des fournisseurs ainsi que la mise en place d’un process d’évaluation et de sélection des fournisseurs. Plusieurs mesures RH font aussi partie intégrante de la démarche.
Quels conseils donnez-vous aux dirigeants de PME ?
S. P. : Mon conseil est de ne pas hésiter à enclencher cette démarche au plus vite car c’est encore le bon timing. En travaillant concrètement sur ce sujet, les dirigeants prennent le temps de se poser les bonnes questions, mettent en place une stratégie vertueuse et sont très rapidement convaincus de l’intérêt pour leur entreprise de mettre en place une stratégie ESG ambitieuse qui anticipe au mieux les futures attentes de la CSRD.
Lysi est un cabinet de conseil en stratégie durable qui accompagne les organisations à intégrer les enjeux de la durabilité au cœur de leur stratégie.
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