Être propriétaire d’un logement est devenu un luxe que beaucoup ne peuvent plus se permettre. C’est le constat qui inquiète les professionnels de l’immobilier dans le département. L’inflation, mais aussi l’évolution des modes de vie ou encore l’allongement de la durée de vie, sont autant de facteurs qui chamboulent le schéma « classique » de location, puis d’accession à la propriété dans un second temps – le fameux « parcours résidentiel. »
Mais alors, comment relancer ce parcours résidentiel ? La question était posée par l’Adil (Agence départementale d’information sur le logement) des Bouches-du-Rhône, qui y consacrait une conférence débat, jeudi 13 juin, à l’hôtel du Département. Alors que les professionnels du secteur de l’immobilier et du logement tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps, la situation s’est aggravée à l’aune du contexte politique, avec la dissolution de l’Assemblée nationale. De fait, un texte de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, porté par le ministre Guillaume Kasbarian et très attendu par les professionnels, a été suspendu sine die, comme les autres travaux parlementaires.
Inflation, changement d’habitudes, manque de construction neuves … Les obstacles à l’accès au logement
« La situation politique est compliquée, mais il faut revenir au sujet essentiel qu’est le logement » , pose en préambule le vice-président métropolitain au logement David Ytier, avant de poursuivre : « Aujourd’hui, le taux de rotation des logements dans le parc social s’est effondré. Plus personne ne déménage par peur de ne pas retrouver de logement ailleurs. Quelle que soit la zone de la Métropole, le parcours résidentiel est bloqué. » Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, compte tenu de la popularité croissante du territoire, le solde migratoire y est négatif : « Les gens s’éloignent pour trouver du logement plus loin … » déplore David Ytier. Le parc social est particulièrement touché par la problématique, avec « un taux de rotation de moins de 5% dans les Bouches-du-Rhône, pour 1,4% de taux de croissance de l’offre de logement » abonde le président de l’ARHLM (agence régional de l’habitat à loyer modéré) Paca Corse, Robin Hamadi.
Avec un parc social saturé de demandes, les particuliers se tournent davantage vers le parc privé. Or, le nombre de constructions neuves ne cesse de décroître, insiste Nicolas Rastit, président de l’Unis. Selon une étude fournie par l’Adil (voir le document en pied d’article), la dynamique de production de logement social continue de croître mais reste bien insuffisante face à l’afflux de demandes (106 000 en ce début 2024). Un manque de volonté politique ? « C’est une problématique qui touche tous les maires, le fait de construire peut faire perdre une élection. Mais rien ne remplacera la construction. Nous sommes un peu coincés par la loi zéro artificialisation nette (Zan) mais il y a des solutions sur des terrains déjà urbanisés. La crise du parcours résidentiel est aussi et surtout économique : si les gens n’ont pas de travail, ils ne peuvent avoir de parcours résidentiel… » souligne l’adjoint à la Ville de Marseille en charge du logement Patrick Amico.
A ce manque d’offre, s’ajoute une fiscalité jugée peu incitative : « Aujourd’hui, il n’y a aucun intérêt à investir dans la pierre et du non-meublé. C’est l’investissement le plus fiscalisé de France ! Il y a plus d’intérêt à investir dans du meublé, pour faire de la location de courte durée, ce qui contribue à faire perdre du logement », s’inquiète Nicolas Rastit. Pour achever de dessiner cette hydre à cent têtes, les taux d’intérêt des emprunts immobiliers plafonnent encore très haut, tandis que les prix augmentent, bloquant l’accès à la propriété. « Globalement, dans les Bouches-du-Rhône, les prix des logements ne sont pas à la baisse », observe Me Sandra Rosano, de la Chambre des notaires.
Bail réel solidaire, viager … Les solutions pour répondre à la crise
Face à ces enjeux, des solutions innovantes apparaissent. C’est le cas du bail réel solidaire. Créé en 2014, ce dispositif permet de dissocier le foncier du bâti. L’aspirant propriétaire achète seulement le logement et paye un loyer faible à un office foncier correspondant à l’occupation du terrain sur lequel le logement est bâti, ce qui permet d’abaisser le coût final de l’achat en étalant le coût du foncier.
Autre solution, le viager, qui permet à une personne âgée de mettre son logement en vente tout en continuant de l’occuper jusqu’à la fin de ses jours. Une façon d’étaler l’achat d’un bien pour les acquéreurs, tout en apportant un soulagement financier aux vendeurs en fin de vie. Un dispositif qui peut paraître étonnant, voire quelque peu morbide, mais tend à se développer en réponse à la crise du logement. Il offre en outre l’avantage d’éviter les frais de succession pour les descendants du vendeur. Sur le territoire, Soliha Provence fournit un accompagnement via son offre ViagéVie.
Côté location, de nouvelles formes d’habitat tendent à apparaître, dont les professionnels peinent encore à se saisir. C’est le cas du coliving, une version améliorée de la colocation prisée par la jeunesse, qui permet de diminuer le prix du loyer et des charges tout en bénéficiant d’un bon niveau de confort et d’intimité. « Pour mieux prendre en compte ces nouveaux usages, il faudra faire évoluer les règles fiscales et urbanistiques » note cependant Thierry Moallic, directeur de l’Adil.
Document source : l’étude de l’Adil sur le parcours résidentiel
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