Deux jours après les commémorations des effondrements de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, la Ville de Marseille organisait ses rendez-vous annuels du logement, à l’espace Bargemon (2e), mardi 7 novembre. Malgré les fonds débloqués par l’Etat – 650 millions d’euros – et les multiples chantiers engagés, notamment dans le cadre du plan Marseille en grand, le logement reste toujours la bête noire de la ville. Invité à s’exprimer lors de l’événement, le nouveau préfet à l’égalité des chances Michaël Sibilleau tire la sonnette d’alarme : « La première des difficultés est la pénurie croissante de l’offre. Dans les Bouches-du-Rhône, nous sommes passés de 14 000 logements produits avant covid à 10 000. Or, en moins de cinq ans, le nombre de demandes est passé de 90 000 à 100 000. »
Représentant de la Métropole, le vice-président en charge du logement David Ytier défend le bilan métropolitain en matière de logement : « Nous avons abaissé le seuil à partir duquel se déclenche l’obligation de prévoir 30% de logement social […] Autre exemple, l’engagement 15 qui consistait à mobiliser les fonciers publics pour soutenir la production de logements sociaux », illustre-t-il ainsi. Il se réjouit en outre du lancement prochain de rénovation de l’habitat en centre-ville, sur cinq ilots démonstrateurs. Enfin, il cite la mise en place du permis de louer à Noailles : « Grâce à ce dispositif, 373 logements qui présentaient initialement des désordres, soit plus de la moitié de ceux qui ont été visités, sont devenus décents à la suite de la réalisation de travaux par le propriétaire. »
Benoît Payan veut s’attaquer en priorité aux marchands de sommeil
Pour le maire de Marseille Benoît Payan, la priorité est de lutter contre les marchands de sommeil : « Il est en France des gens qui profitent de la misère pour en faire une rente et que l’on appelle marchands de sommeil. […] Leur délit n’existe pas dans la loi, ce qui paraît fou » plaide le maire de Marseille Benoît Payan. Ce dernier annonce ainsi avoir demandé à la Première ministre Elisabeth Borne de porter un projet de loi visant à inscrire la notion de marchand de sommeil dans les textes législatifs et renforcer l’arsenal répressif. De fait, le maire ne peut lui-même porter ce projet législatif qui doit passer soit par le Gouvernement sous forme de projet de loi, soit par les parlementaires sous forme de proposition de loi. Sur le fond, s’il n’existe pas de définition juridique propre, diverses infractions pénales permettent de le caractériser.
Mais la frontière est fine : ainsi, le manque d’entretien d’un logement ou un arrêté d’insalubrité ne suffisent pas à caractériser un marchand de sommeil. Le texte à vocation législative proposé par la mairie, outre une définition explicite du terme marchand du sommeil, propose aussi la création d’une infraction réelle sans notions de vulnérabilité ou d’abus de dépendance, qui constitueraient cependant une circonstance aggravante. Est également suggérée la création d’un “fichier national des marchands de sommeil” accessible à l’ensemble des collectivités et aux acteurs judiciaires de l’habitat.
Pour la Métropole, la solution pour remédier à la crise du logement qui frappe Marseille n’est pas là. David Ytier en appelle à la mairie de Marseille qui, bien que n’ayant pas la compétence du logement, détient celle de la signature des permis de construire : « la production de logements est indispensable, incontournable. Produire mieux, c’est vrai. Produire différemment, bien sûr, et produire durablement. Mais produire. […] Même en stoppant la spirale du Air Bnb ou en traquant les marchands de sommeil, et vous nous trouverez toujours à vos côtés sur ces combats, vous ne résoudrez pas la crise qui s’amplifie. » Et d’ajouter : « N’oublions jamais que le déséquilibre massif entre la demande et l’offre en matière de logement constitue la mère nourricière des marchands de sommeil et donc un facteur d’accroissement de l’habitat indigne. »
Encadrement des loyers : « On a des administrations trop lentes »
En novembre dernier, à l’occasion des états généraux du logement, l’ancien ministre Olivier Klein avait donné son feu vert pour expérimenter l’encadrement des loyers à Marseille. Un an plus tard, la mesure est toujours en suspens : « Comme toujours, on a des administrations trop lentes alors que la volonté politique est là », déplore Benoît Payan, interrogé par la presse à l’issue de son allocution. Il blâme sans la nommer la Métropole Aix-Marseille Provence, compétente en matière de logement : « Cela fait vingt ans que l’on est sans plan local pour l’habitat, forcément, on se retrouve dans une situation compliquée. » De son côté, le vice-président métropolitain en charge du logement, David Ytier, assure que le dossier a été constitué et transmis à l’Etat « malgré le fait que nous [la Métropole, ndlr] ne partageons pas cet objectif sur le fond.»
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